47 | Poison

434 34 4
                                    

  « L'espérance est un aliment de notre âme, toujours mêlé du poison de la crainte »

L'effervescence ne cessait de s'accroître parmi les hommes et les femmes réunis en ce centre. Une fièvre contagieuse semblait s'être emparée de ces corps qui vaquaient distraitement. Traversant les conglomérats bruyants et dissipés des Normands, la Saxonne tenta longuement de se frayer un chemin jusqu'à eux. Occupés à rêver de batailles sanglantes et de butins brillants, les enfants de la Reine parlaient gaiement. Seul l'un d'entre eux était visiblement soucieux, c'est donc vers lui qu'elle se dirigea. La mine sombre et le regard fixe, Ivar réfléchissait. Édith comprenait son trouble. Sans parvenir à y poser des mots, elle avait tout de même compris à quel point le choix de suivre son père l'avait ébranlé. C'était sa chance de se démarquer, il ne pouvait pas échouer. Passant à ses côtés, elle posa sa main sur son dos. Sortant de sa transe à son toucher, il écarquilla ses yeux qui retrouvèrent leur lueur joueuse. Il tenta de poser sa main sur la sienne avant de se raviser subitement. Peut-être n'avait-elle fait cela seulement parce qu'elle sentait les regards de ses frères sur sa peau. Peut-être, aussi fallait-il mieux ne pas agir. Ou peut-être le fallait-il.

Il n'eut pas à la regarder pour capter son attention, il attendit simplement qu'elle prenne place à ses côtés. Une fois qu'elle fut suffisamment proche, il répéta « C'est pour bientôt », comme seul un dément aurait pu le faire. L'annonce n'avait donc plus rien d'un mystère. Ressentant l'excitation propre au départ, Édith fut surprise par son engouement. Avec le départ de Ragnar serait celui d'Ivar, une fois seule elle serait libre. Échappant à sa surveillance, elle pourrait tenter de s'enfuir. Un cheval, une arme, son récent accès à la cuisine lui permettait de pouvoir se servir. On lui faisait confiance, elle pourrait en profiter et les laisser derrière elle. Elle pourrait les laisser derrière elle...

     Se crispant sur son siège, Ivar venait de sortir Edith de sa réflexion. Scrutant la pièce du regard, elle reconnut sans grande difficulté la source de ce soudain nuage. Des étrangers au village venaient de pénétrer au cœur du Skali. Elle, qui était elle-même une étrangère, avait pris grand soin de mémoriser les visages qui quotidiennement se présentaient à elle. Connaître ses semblables étaient une bonne chose, connaître ses ennemis n'en était qu'une chose plus utile. Se mettant instinctivement sur le qui-vive, la Saxonne pu se détendre lorsqu'elle aperçu le fils aîné du Jarl saluer vigoureusement ces hommes. Tels de vieux amis, à force de grandes interpellations, Björn leur fit emmener des dizaines de cornes débordantes de vin ainsi que des victuailles qui de toute évidence, avaient été mises de côté pour l'occasion. Pris par cette agitation, aucun d'entre eux ne semblait réellement attentifs aux natifs qui les observer songeurs. Profitant de cette occasion pour les étudier sans trouble, Édith détailla leurs visages.

Sombres et encrés, ils paraissaient pour la plupart mauvais et revanchards. Un grand nombre d'entre eux comptaient d'énormes balafres qui leur zébrait tantôt l'arcade tantôt le cou, rendant une chose sûre : ces hommes n'avaient pas peur de se battre.
Cela Édith devrait s'en souvenir.
Toutefois, la quantité d'entre eux qui s'était avancée était bien trop supérieure à celle estimée pour une simple visite de courtoisie. Peut-être comptaient-ils demeurer ici quelques temps ? Cela seul l'avenir pourrait lui apprendre.

Tous se ressemblait à leur façon, exaltant de virilité et de vulgarité – les deux semblant aller de paire – Edith rechercha leur chef. Celui qui, dans l'ombre ou dans lumière, conduisait cette troupe. Sa recherche s'étala quelque peu dans la durée, peut-être aurait-elle été encore plus longue encore si le chef ne s'était pas avancé jusqu'à eux. Il ne l'avait pas regardé dans un premier temps, se contentant de saluer les fils du plus grand Jarl de Norvège. Les garçons l'accueillirent chaleureusement, en le priant de les rejoindre à leur table. L'homme s'apprêtait à refuser avant de se raviser. Acceptant avec joie cette proposition, il s'essaya entre eux.

𝖥𝗈𝗋𝖾𝗂𝗀𝗇𝖾𝗋'𝗌 𝖦𝗈𝖽 | 𝖵𝗂𝗄𝗂𝗇𝗀𝗌 Where stories live. Discover now