44 | Amour Fraternel

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     Sa marche peu assurée et son pas lent ralentissait Edith face aux autres membres de son groupe de fortune. L'élancement continu qu'elle avait pris l'habitude de ressentir dans sa jambe avait, certes, diminué ces derniers jours, mais l'avait tout de même assailli de nouveau dès son entrée dans la forêt. Elle avançait donc avec douleur vers son nouvel espace d'entraînement. Après de multiples discussions houleuses, il avait été décidé qu'il en était terminé de ses entraînements parmi les autres guerrières. Tout du moins pour l'instant. Elles n'avaient pas apprécié les remontrances de Lagertha, qui après l'accident d'Édith, les avait mises en garde. Craignant des représailles, les garçons l'avait convaincue d'accepter un nouvel engagement. « À moins que tu ne souhaites que je m'occupe de celle qui t'as fait ça ? », l'avait simplement encouragé Ivar. En définitive, son retour au combat ne s'effectuerait qu'en leur compagnie. Ils l'entraîneraient à son rythme, sans pour autant lui faciliter la tâche. Si elle souhaitait s'endurcir, ils n'allaient pas s'y opposer. Toutefois, elle leur avait causé suffisamment de frayeurs pour qu'ils émettent cependant quelques réserves.

Son tout nouveau programme consistait principalement à étendre sa maîtrise dans le maniement des armes — haches, épées et bien d'autres encore. Il s'agissait, disaient-ils, d'un excellent moment pour perfectionner sa technique. Les combats au corps à corps, eux, devraient attendre.
Ainsi, depuis quelques jours déjà, Édith se réveillait aux aurores, préparait ses affaires et affûtait ses lames avant de les rejoindre. Généralement, elle ne faisait que participer à leur séance entres frères et d'autres fois — plus rares — l'un d'entre eux se proposait de l'entraîner seule le matin avant leur entraînement quotidien. S'agissant essentiellement d'Ubbe, elle constatait comment sa pédagogie portait ses fruits. Patient et appliqué, il lui apprenait comment positionner ses doigts sur le manche de ses armes afin de ne pas obstruer son mouvement, comment elle devait couvrir ses flancs lorsqu'elle combattait et même comment se servir d'une hache pour faire du feu. Ubbe savait la mettre en confiance, jamais elle ne craignait de se sentir gênée ou en trop. Elle était seulement là, avec lui. Il se consacrait à son apprentissage avec une chaleur fraternelle qui toucha l'Étrangère. Généralement, il n'était pas rare qu'il la laisse quelques minutes en solitaire afin de s'enfoncer dans la forêt accompagnée d'une tête blonde. Lui qui avait pourtant avait juré de ne jamais la laisser seule, s'accordait tout de même des petits plaisirs. Puis avec l'accord d'Édith, ils s'accordèrent ce secret.

L'entraînement se déroulait sans accroc puis elle rentrait chez elle, mangeait, dormait peut-être un peu, puis repartait. Même Ivar ne trouvait rien à redire à ces entraînements en duo. De toute évidence, cela améliorait l'humeur d'Édith qui en avait cruellement besoin en sa présence. Pour sa part, il la retrouvait comme à son habitude avant de rejoindre les autres. Ils les attendait en silence à la sortie de la cité, impatients. Malgré leur arrangement Ivar n'était pas plus bavard en public qu'en privé. Il restait à côté d'elle pendant les entraînements et la ramenait chez elle une fois ces derniers terminés.
Rien de plus, rien de moins. Il se traînait bien la nuit dans sa chambre pour dormir au sol à ses côtés mais voilà tout. Un œil attentif aurait sans doute pu se douter de quelque chose. Or chacun était bien trop occupé à suivre le cours de sa vie pour se soucier de celles des autres.
Se découvrant une nature optimiste, l'Infirme constata qu'Édith se montrait moins réticente désormais à lui adresser la parole. Ils s'étaient bien disputés au début — lui ne souhaitant pas qu'elle s'entraîne en son absence — il a fini par capituler lorsque, aux bords des larmes, Édith lui avait dit la chose suivante, « Tu m'étouffes Ivar ! Personne ne pensera que tu m'aimes si tu me malmènes autant ». Pourtant tout le monde semblait y croire : même lui, parfois, se surprenait à y penser. Après tout, nul ne l'avait vu en compagnie d'une femme auparavant, alors même si leurs interactions se faisaient timides, leur histoire demeurait crédible. Suffisamment en tout cas pour que ces frères n'aient pas contre lui de justes suspicions.

𝖥𝗈𝗋𝖾𝗂𝗀𝗇𝖾𝗋'𝗌 𝖦𝗈𝖽 | 𝖵𝗂𝗄𝗂𝗇𝗀𝗌 Where stories live. Discover now