57 | Réalisation

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          —     Je ne sais vraiment pas quoi te dire, Édith. Ça me semble complètement impossible, voilà tout.

Depuis qu'elles étaient rentrées, Margrethe n'en démordait pas : Hedda ne pouvait pas se marier. Du moins, pas avec lui, pas avec Hvitserk. Elle en était certaine : il l'aimait elle, l'Étrangère, la Saxonne. Hedda avait été là durant un temps, c'est vrai. Margrethe ne remettait pas en cause l'affection que le garçon pouvait lui porter, certes. Mais l'affection ce n'est pas de l'amour. On ne se marie pas avec quelqu'un parce que nous sommes habitués à sa présence ; Ce n'est pas comme ça que les choses marchent ! Ou du moins, ce n'est pas comme ça que les choses devraient se passer. En bref, Margrethe prenait cette affaire extrêmement à coeur. Elle tournait en rond dans cette maison bien trop étroite pour elles à la recherche d'une explication. Édith avait tant fait pour elle, qu'elle méritait elle aussi, un mariage heureux.

À cette pensée, l'Esclave se pince les lèvres. Peut-être qu'Édith avait trouvé d'elle-même cela. Après tout, Ubbe lui avait dit pour le mariage. Son mariage avec l'autre, son mariage avec l'infirme. Seulement, depuis, tant de choses s'étaient passées qu'elle n'avait pas eu plus de temps que ça pour y penser. Aujourd'hui, Margrethe se demandait si ses préoccupations étaient réellement fondées.
Après tout, les garçons étaient déjà partis depuis longtemps. En leur absence, elle avait commencé à espérer qu'Édith s'ouvre à elle, qu'elle lui apprenne la nouvelle. Au final, elle avait bien appris un mariage ; néanmoins il ne s'agissait pas de celui qu'elle attendait. Margrethe avait alors tenté de se montrer patiente avec son amie. Pourtant, si elle continuait de la sorte, son mutisme risquait bien de la tuer. Si elle comptait se marier avec Ivar, la moindre des choses serait de lui en parler.

          —     Mais bon sang Édith, dis quelque chose ! Margrethe s'était peut être exprimée plus fortement que ce qu'elle ne l'avait prévu. Néanmoins, l'étrangère releva la tête. Son regard désolé lui apprit plus que les mots qu'elle s'apprêtait à prononcer.

— Ils vont se marier, Margrethe. Fixant ses pieds, Édith poursuivit. Je n'ai rien à dire, rien faire. Et c'était vrai. Qui était-elle pour nuire à leur bonheur ?

— Édith enfin, je croyais que tu l'aimais ! La voir se morfondre sur son sort, sans rien ajouter, allait la rendre dingue. Depuis quelque temps, Édith n'était plus que l'ombre d'elle-même. Elle passait la journée dehors, pour rentrer longtemps après la tombée du jour. Elle prétextait avoir grand chose à faire, mais Margrethe savait qu'il n'en était rien. Édith n'allait pas bien et cette nouvelle n'allait rien arranger. Plus rien ne semblait avoir de sens. Il fallait faire quelque chose. Suis-moi ! La prenant vigoureusement par le bras, Édith protesta. Tu n'as pas le choix, alors en marche !

Elles se retrouvèrent une nouvelle fois dans le froid. Dépassant à toute hâte les interminables dédales de rues, elles arrivèrent devant une modeste bâtisse en pierre brute. De la fumée s'échappait négligemment de la cheminée : de toute évidence, elle était occupée. Un peu à l'écart du cœur de l'agitation, Édith réalisa qu'elle ne l'avait jamais aperçue. Jamais, elle ne lui avait prêté la moindre attention. Poussant la porte d'un coup d'épaule sans prendre la peine de frapper, Édith posa les yeux sur un dos qu'elle reconnaissait sans peine : Ubbe.
Le vacarme de leur entrée l'avait fait déposer sa marmite. Apparement, elles l'avaient interrompu en plein repas.

En se tournant vers elle, ses yeux se posèrent tout d'abord sur sa future femme. En la voyant les joues rougies par le froid et les cheveux ébouriffés par le vent, il esquissa un sourire. Un sourire qui disparu à la simple de vue de celle qu'elle traînait derrière elle. Hop, en un claquement de doigt il reporta son attention sur sa fiancée. Visiblement silencieux, il l'interrogeait du regard.

𝖥𝗈𝗋𝖾𝗂𝗀𝗇𝖾𝗋'𝗌 𝖦𝗈𝖽 | 𝖵𝗂𝗄𝗂𝗇𝗀𝗌 Where stories live. Discover now