Métro, boulot, Damiano

Chapitre 3

Il détourna tout de suite les yeux, et se dirigea avec des mouvements confus vers une porte sur laquelle un écriteau « vestiaire » était affiché.
- Oh, Dam ! s'exclama Victoria. Reviens vite après t'être changé, on a une surprise pour toi.
- Ok, je vais voir. J'arrive.
- Il m'a l'air un peu dans les vapes, ce soir, repris Victoria une fois Damiano disparu. Mais bon. Anna ! Esther m'a parlé de toi. Ravie de te rencontrer !
- Moi de même, dis-je en riant.
- J'ai hâte de voir tes photos, on a encore jamais eu de vrais photographes en concert. Si y'en a des vraiment cool, on pourra les mettre sur notre Insta.
- Ouah ! Ne met pas la barre trop haute, j'ai la pression, répliquai-je, un sourie aux lèvres. J'en ai jamais trop fait autrement que pour moi et pour m'amuser. Mais j'espère vraiment aussi qu'elles seront belles.
Thomas, qui était toujours en grande conversation avec Esther, revint me voir. :
- Alors t'as kiffé ?
- Oui ! C'était excellent ! Encore mieux que la dernière fois que je vous ai vu. Enfin, non pas que cette fois ne soit pas bien, non non, mais celle ci était encore mieux.
- Sérieux, tu nous avais déjà vu ? La classe ! Quand ça ?
- En avril 2018, à Rome aussi.
- Wow, c'est génial, intervint Ethan. Peut-être étais tu la superbe jeune femme de la foule qui a inspiré une chanson à Daminio ce soir là, poursuivit-il avec un clin d'œil.
J'échangeais un regard confus avec Esther.
- Oui, pendant le concert, il a remarqué une jeune fille dans la salle, qui avait vraiment du lui plaire puisque qu'il avait écrit quelque chose à son sujet. Qui n'a jamais été publié, parce que il ne l'a jamais voulu.
- Ahah, ça serait une drôle de coïncidence, repris-je en riant. Mais vous aviez déjà du faire beaucoup de concerts ce mois la, je ne pense pas que je être la bonne.
Victoria me corrigea :
- Figure toi que non, en avril 2018 nous n'avions eu qu'un seul concert à notre actif.
Sur ce, avant que je ne pu obtenir plus de détails, Damiano revint.
- Alors cette surprise ? questionna t-il le groupe, un mince sourire au lèvre caché par sa cigarette.
- Ah oui ! Thomas, dis lui, s'enquit Ethan.
- Alors, Anna, que voici ici, fait de la photo. Elle avait son appareil ce soir, et a pu en prendre quelques une. On s'est dit que ça serait vraiment cool de le mettre sur insta. Et si elles sont vraiment bonnes, de t'engager comme photographe officielle de Måneskin, conclu t-il d'un clin d'œil.
Je n'eu pas le temps de répliquer et de voir si Thomas était sérieux dans sa déclaration que Damiano pris la parole :
- C'est vrai que c'est une bonne idée. Mais si elles sont décevantes, ne mettez pas trop d'espoir dessus. Mais je te fais confiance, dit-il en me gratifiant d'un sourire en coin.
Puis il partit par la porte de sortie, pour fumer je suppose.
- Il est plutôt en forme, on dirait, dit Victoria. C'est cool.
- Tu comptes les développer quand, tes photos ? me questionna Ethan. Si tu veux, j'ai une chambre noire chez moi. On pourrait le faire la bas.
- Excellente idée ! En plus j'ai fini ma pellicule.
- Nickel. Par contre, j'ai un truc de prévu ce soir, alors je ne pourrait pas t'accompagner. Demande à Damiano si il peut !
- Oh, ok. Je vais le voir.
Je quittais donc la pièce, et empruntait le même chemin que Damiano, par la petite porte cachée tout au fond.
Dehors, la même brise tiède que la veille m'accueilli. La nuit était déjà tombée depuis une bonne heure au moins, il n'était pas loin de minuit. Une ombre se tenait sur la petite terrasse, entourée d'une légère fumée.
Je m'approchais doucement de lui. Il se retourna vivement, me faisant sursauter.
- T'en veux une ? s'enquit-il, en me tendant une cigarette.
- Merci.
Je la portais à mes lèvres et il se pencha vers moi, afin de l'allumer avec le briquet qu'il tenait entre ses doigts. Sa présence m'intimidait : il était le chanteur, la rockstar la plus connue, talentueuse et convoitée du moment, mais il était juste à côté de moi, allumant tout naturellement ma clope. Enfin sa clope, qu'il m'avait donnée. Son odeur, mélange d'une légère Cologne, de cigarette et d'un je ne sais quoi boisé m'entourait et m'hypnotisais.
Je rompis le silence en prenant la parole :
- Ethan m'a conseillé de te demander de m'accompagner chez lui, pour développer les photos. Lui n'avait pas le temps. Si tu en a toi, évidemment.
Il ne répondit pas tout de suite, la cigarette toujours au coin de la bouche. J'avais l'impression de le déranger, de parler à un mur. On m'avait fait part de sa réputation parfois lunatique, mais sur le coup, il me paraissait perturbé, voir énervé.
- Quand ?
Sa voix était rocailleuse, dépourvue d'émotions.
- Je ne sais pas. Ethan me parlait de ce soir, mais ça peut attendre.
Il ne répondit pas. Il se retourna et repartit à l'intérieur. J'avais le cœur lourd, je ne savait pas ce que j'avais pu faire de mal. Dépitée, je rentrait également, mais en espérant ne pas
le croiser.
Victoria, assise seule sur un sofa dans un coin de la pièce, m'invita à m'asseoir à ses côtés.
- Alors ? Vous n'y allez pas ?
- Je ne crois pas. Il m'a offert une clope, je lui ai posé la question, mais il a tourné le dos est s'en est allé.
Victoria fronça les sourcils.
- Il est vraiment étrange, ce soir. Mais ce n'est pas du tout son habitude. Je pense que...
Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase que Damiano re-rentra dans les coulisses ou nous étions, par la porte du vestiaire.
Il n'était plus torse nu, mais portait simplement un jean assez large ainsi qu'un t-shirt blanc. Ses cheveux maintenant décoiffés, retombaient sur son front. Son maquillage avait un peu coulé, ses yeux étaient cerclés de noir.
- On y va ? me demanda t-il
Je jetais un regard inquisiteur à Victoria, mais qui me répondît par une moue amusée.
Je balbutiais alors quelques mots.
- Ah, oui . Bien sûr.
Je me levais du canapé, encore légèrement sonnée. Victoria sentit mon incompréhension et me gratifia d'une petite pression encourageante sur le bras.
- A plus ! Revenez vite, je veux les résultats.
- Bien sur, lui répondis-je.
Sans un mot, Damiano et moi sortîmes de la pièce, dans la nuit claire et étoilée.
Il ne chercha pas à faire la conversation, mais l'ambiance ne me paraissait plus être la même. Son fonctionnement m'avait surpris au départ, mais je ne crois pas que ça soit une marque d'antipathie.
Nous traversâmes pendant un quart d'heure environ les rues de Rome endormie.
- Tu veux une nouvelle cigarette ? me demanda t-il au bout d'un moment.
- Non merci. Une m'a suffit.
- Tant mieux pour toi. Ça coûte vite beaucoup de blé.
Il finit sa phrase tout en sortant les clés de l'immeuble devant lequel nous nous tenions.
Je ne crois pas que c'était loin de chez moi, il me semblait l'avoir déjà vu ce matin, en flânant dans la ville.
Nous entrâmes donc dans un joli hall, avant d'emprunter les escaliers. Au troisième étage, il s'arrêta et ouvrit une porte.
L'appartement d'Ethan était plutôt grand, pour une seule personne. La vue du balcon était magnifique, on distinguait toutes les petites lumières de la ville.
- C'est beau, hein, me souffla Damiano, comme si il avait lu dans mes pensées.
Je vis qu'il attendait ma réponse, les yeux fixés sur moi. Cette fois-ci, ce fut à mon tour de ne pas répondre.
- Suis moi, finit-il par me dire.
Il m'emmena dans une petite pièce derrière la cuisine. C'est la que devait être sa chambre noire. Je sortis mon appareil, mais au moment de l'ouvrir afin d'en extraire la pellicule, je vis qu'il m'en restait une à faire.
- Oh. Il me reste une photo à faire.
Sans un mot, il me prit mon appareil, et avant que je n'eus le temps de faire un geste, il appuya dessus. Le flash me surprit, et j'eus un mouvement de recul. Je titubais, mais il me rattrapa. Son odeur, qui m'avait déjà fascinée tout à l'heure, m'entourait complètement. Il me tint contre lui peut être une seconde de plus que nécessaire. Je ne cherchais pas non plus à me dégager de son étreinte, mais pour ne pas que l'instant ne se transforma en gêne, je dû m'y résoudre.
- Non ! Je voulais prendre une photo de la vue, Damiano...
- Trop tard, il rétorqua, un sourire moqueur sur le bout des lèvres.
Il fit comme si rien de s'était passé. Il ne s'était pas passé grand chose, c'est vrai, mais cela me laissait un goût étrange.
Puis, nous développâmes les photos en silence.
- Elle ne serons pas prêtes avant demain, il faudra revenir, lui dis-je.
- Ok.
Il sortit de la pièce et se dirigea vers le balcon. Il fredonna, tout bas, sans que je ne pu saisir le sens de ses mots. Cela me paraissait familier, mais je ne chercha pas à me poser plus de questions.
- Pour les récupérer, il faudra que tu demandes à Ethan demain. On sera au studio. Demande à Esther, elle t'emmènera, me conseilla t-il.
- Je viendrais vers 19h, alors.
- Super.
Son ton était redevenu distant.
- C'est loin de chez toi, la ?
- Je ne crois pas, mais je ne suis pas sure. Je ne me repère pas encore très bien dans la ville.
- Je vais t'accompagner, donne moi ton adresse.
Et c'est ainsi qu'il me ramena chez moi, toujours en silence.
Au moment de pénétrer dans le bâtiment, je me retournais pour lui jeter un dernier regard. Il ouvrit la bouche, esquissa un mouvement du bras, mais qu'il réprima aussitôt.
Je lui adressais un pâle sourire, auquel il ne répondît pas.
Cette nuit, j'entendis, très faiblement, une voix triste chanter depuis ma fenêtre. Je ne sais toujours pas si c'était mon imagination, car je me sentais tomber de sommeil petit à petit.