Chapitre 23

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Après ce bref contact avec Damiano, je m'étais rendormie. Lorsque j'entendis sonner midi au clocher voisin, je me décidais à me lever.
En passant devant mon miroir, je me rendis compte à quel point j'avais mauvaise mine : mes cernes semblaient descendre jusqu'à mes joues, et mon teint était si pâle que l'on aurait pu croire que j'avais passé des mois entiers enfermée dans une cave.
J'appréhendais de retrouver amis. Ma discussion avec Victoria la veille puis mon énième crise de larme devant Dam m'avaient à nouveau fait douter quand à ma décision. Je me sentais bête ; j'étais si déterminée il y'a à peine une journée et maintenant, me revoilà revenue au point départ.
Je ne savais toujours pas si je devais avouer mes sentiments à Dam. C'est vrai que la situation d'hier aurait presque pu me faire croire que c'était réciproque, mais quand la photo sur laquelle il est en train d'embrasser une autre fille m'était revenue en mémoire, mon cœur se brisa une nouvelle fois.

J'étais totalement perdue. Je ne savais toujours pas non plus si je devais évoquer le sujet avec lui ; ou peut être je pourrais tenter avec Victoria. Elle est finalement au courant de ma situation, elle pourrait m'éclairer dessus.
Je me rendis alors au salon. Damiano était assis en tailleur sur le canapé, en train de boire une tasse de café. Son paquet de cigarette était posé à côté de lui ; j'en déduis qu'il avait du en fumer une juste avant mon arrivée.

- Oh, salut, me fit-il d'un ton un peu gêné.
- Salut.
- T'as bien dormi ?
- Oui. Mais je suis encore un peu fatiguée, ces derniers jours n'ont pas été faciles.
- Ah bon ? Désolé, je ne savais pas. Mais je ne vais pas te forcer à m'en parler, me lança t-il avec un sourire en coin.
On aurait dit que c'était sa manière de sous entendre qu'il voulait que je lui en dise plus, mais sans paraître insistant. Faisait-il exprès ? Il devait très bien se douter de ce qui me chiffonnait. Mais je ne voulais pas être aussi facile d'accès, c'est pour cela que je ne répondis pas à sa remarque.
- Anna, me dit-il après plusieurs minutes de silence. Je... Tu... Tu ne peux pas partir comme ça !
- Et pourquoi donc ?
- Mais tu le fais exprès ou quoi ? Tu continue de prétendre que ça ne te fait rien ? Que ça ne nous fait rien ? Tu vas vraiment partir comme ça, comme si de rien n'était ? Non, non, c'est vrai, ça ne fait pas plus d'un an qu'on passe toutes nos journées ensemble, qu'on habite tout les deux, même. T'as raison, fait comme si on ne se connaissait pas. Sérieux, Anna. Pourquoi ? Pourquoi ?
- Je te l'ai déjà dis. J'ai besoin de prendre du recul. De me poser un peu. Le coup des paparazzis l'autre fois était vraiment de trop. Dam, je faisais une crise de larme, d'angoisse dans la rue mais des mecs près à tout pour leur torchons me suivaient dans le but de dévoiler ça à tout le monde ?
- Je les ai vus, ces journaux. Et j'aurais voulut être avec toi à ce moment-là. Je n'ai pas pu parce que je n'étais pas là physiquement, mais peut-être que si tu avais daigner répondre à mes messages, cela aurait été une petite aide, minime mais tout de même présente ?

Je ne savais pas quoi répondre à ses accusations. Je ne voulais surtout pas aborder le sujet de ses jolies conquêtes suédoises. Mais il reprit de plus belle :
- Sérieusement, Ann'. Pourquoi tu as fais ça ? Je sais que tu répondais aux autres, je n'allais pas faire le jaloux possessif psychopathe, mais je ne peux pas te cacher que cela m'a quand même blessé.
- Ça t'as blessé ? Ça t'as blessé, Dam ? Oh, pardon. Excuse-moi. Je croyais que tes jolies suédoises te divertissaient assez pour ne pas y penser.
- Je rêve ? Ann' ? Tu es en train de me faire une crise de jalousie ?
- Mais pas du tout ! Dam, je, je... Je ne suis pas jalouse, j'en ai rien à faire de ta vie ! Sort avec qui tu veux, couche avec qui tu veux, la terre entière si ça te plaît, je m'en fiche. C'est juste que j'étais vexée que tu sois partis sans me prévenir.
J'avais évidemment totalement inventé mon excuse. Je savais très bien qu'ils n'avaient pas eu le choix par rapport à leur départ, mais paniquée comme j'étais, je ne voyais pas d'autre issue que celle-ci.
- Je t'avais laissé un mot sur la table.
- Je ne l'ai pas vu, mentis-je une nouvelle fois. J'ai du le jeter par inadvertance.
Il se contenta de lever les sourcils, l'air mi-convaincu mi-sceptique.
- Si tu le dit. Mais alors promet moi de réfléchir un peu encore à ta décision.
- D'accord, soupirais-je.
- De toute façon, tu n'as pas d'autre endroit où dormir.
Il avait prononcé sa dernière phrase avec un sourire en coin. On dirait que comme moi, il ne supportait pas le conflit. Il était obligé de clore la discussion sur une note positive, pour ne pas culpabiliser ensuite.
Je lui répondis moi même par un sourire un peu forcé, afin de lui montrer que je ne lui faisais pas la tête non plus.
Notre discussion terminée, je rangeais ma tasse de thé au lave-vaisselle puis partis me préparer.
Dam toqua à la porte de la salle de bain quelques minutes après que j'y sois rentrée.
- Eh, Ann'. Tu nous rejoins au studio aujourd'hui ? Ou pas ? Je.. Si tu veux... Je sais pas, je... Comme tu veux.
Il avait prononcé sa dernière phrase avec un ton triste, résigné. Cela me brisait le cœur. Je ne pouvait pas leur faire ça. A tous mes amis. Mais une nouvelle fois, le débat qui agite l'humanité depuis sa création se présentait devant moi :
L'amour ou la raison ? Le cœur ou l'esprit ?
J'étais complètement déchirée entre ces deux choix.
- Je...Je pense que je vais venir. Je sais pas trop encore. Enfin si, en fait. Je viens, hésitais-je.
Il ne répondit pas, mais je sentis sa présence derrière la porte s'éloigner lorsque j'eus finis de parler.
Mon dieu. Que faire ? Et l'argument soulevé tout à l'heure n'était pas dépourvu de sens : où allais-je loger ? Je n'avais nul part où aller. Je me doutais bien que mes amis se plieraient e quatre pour trouver une solution, mais encore une fois je ne voulais pas leur créer plus de problèmes. J'étais déjà suffisamment un poids pour eux.
Je devais appeler Esther pour tout lui expliquer. Elle n'était pas encore rentrée de vacances, et je n'avais pas trop eu de contact avec elle ces derniers temps. Elle décrocha à la première sonnerie :
- Allô Anna ?
- Esther ? Comment ça va ?
Sa voix était tremblotante. Elle pleurait.
- Qu'est ce qu'il y'a ? C'est Thomas ?
- Oh non, pas du tout.
Elle se remit à sangloter de plus belle.
- Mon père vient de se faire diagnostiquer un cancer du foie. Le diagnostic est encore mitigé, on est à environ 60% de chances de survie.
- Oh merde. Merde. Esther, je suis tellement désolée.
- Tu n'as pas à t'excuser de quoi que ce soit ! Je voulais t'appeler à l'instant pour te l'annoncer.
- Bien sur. Mais mon dieu. Esther. Je voudrais tellement être avec toi en ce moment.
Ses larmes repartirent de plus belle.
-C'est que... Je pense que je vais m'installer avec mes parents pour quelques temps. Pour rester avec mon père. C'est moi qui suis désolée, Ann'. De te laisser ainsi.
- Mais Esther ! C'est tout à fait normal ! C'est la meilleure décision que tu puisses prendre. Tu ne dois pas été désolée de quoi que ce soit.

- Merci. Mille merci. Je ne l'ai pas encore annoncé à Thomas, je comptais le faire juste après. Je sais qu'il le prendra forcément bien, mais c'est l'éloignement qui va être difficile. Pas pour notre relation, elle est solide, mais plus à cause de la distance. Il va me manquer. S'il te plaît, soit présente pour eux pendant mon absence. Je ne sais pas encore combien de temps elle va durer. Mais sans me placer sur un piédestal ou quoi, peut-être que ça va être un peu dur pour eux. Enfin je ne sais pas trop. Je me fais sûrement des films, ma présence n'est pas spécialement nécessaire.
- Qu'est ce que tu racontes, Esther ? Bien sûr que tu vas leur manquer. Que tu vas me manquer. On est six. Et un qui s'en va, c'est toujours une déchirure.
A l'instant où les mots franchirent mes lèvres, je réalisais ce que je venais de dire. Un qui s'en va, c'est toujours une déchirure.
Un qui s'en va, c'est toujours une déchirure.
La phrase tournait en boucle dans ma tête.
- Je le promet, Esther. Je resterais avec eux.

Je me remerciais intérieurement de ne pas m'être confiée à elle au sujet de mon départ. La connaissant bien, elle aurait été capable de passer sous silence le cancer de son père pour m'empêcher de partir.
- Je te le promet.
- Merci, Anna. Merci mille et mille fois.

Une nouvelle fois au bord des larmes, je m'empressais de raconter cela à Dam. Il m'écouta avec patience, et à la fin de ma tirade, je remarquais une larme briller dans son œil.
- D'accord. J'espère que tout iras bien pour elle. Pour son père. C'est Thomas qui risque d'être vraiment très triste. Je pense qu'il est amoureux d'elle.
- Elle l'est tout autant.
Il sourit tristement.
- Pardonne moi de changer de sujet si abruptement, mais j'ai cru entendre quand tu parlais que tu disais que tu ne partirais plus. Que tu resterais, du moins. C'est... C'est vrai ?
- Oui.
Avec le ton de ma voix, il compris que je ne voulait pas m'étaler plus que cela sur le sujet. Je restais, point. Je ne rentrerais pas dans les détails. C'est comme si j'avais honte de revenir sur ma décision. Mais je le faisais avant tout pour Esther. C'était, avec Vic, ma meilleure amie. C'était mon devoir, qui passait bien avant mes pathétiques histoires de cœur.
Il posa sa main sur mon épaule, puis se leva.
- Je vais vite aller rejoindre Thomas. Esther a du l'appeler entre temps. Je crois que la séance studio d'aujourd'hui est finie avant même d'avoir commencé.
- A toute, alors.
Une fois qu'il quitta l'appartement, je me décidais à appeler Vic afin de l'inviter à venir chez nous.
- Bien sur, me répondit-elle. J'allais te le proposer à l'instant !
Elle arriva dix minutes après, en vélo.
- J'ai employé les grands moyens. Les taxis ne sont pas assez rapides pour ce genre de situation, me sourit-elle faiblement.
Le moral de tout le monde était désormais bien bas. Nous passâmes donc une heure ou deux, ou peut être trois à discuter de ce qu'il venait de se passer. Quand arriva le sujet sur mon retour anticipé, elle me prit la main :
- Apres reconsidération, je crois que je m'étais trompée. Rester, c'est la bonne décision.
- Je le crois aussi. Les derniers événements m'ont fait prendre conscience de certaines choses, et surtout combien vous m'êtes précieux. Combien vous êtes importants pour moi. Vous tous.
Nous nous serrâmes dans nos bras.
- Et pour Dam, reprit-elle. Je suis sure qu'il t'aime, Ann'. J'hésitais à te le dire hier, mais je crois que c'est la chose à faire. Je n'en suis pas sure à cent pour cent, on en a jamais parlé, mais c'est pour moi tellement évident.

Nous avions toutes les deux les yeux rougis d'avoir pleuré. Décidément, ces derniers jours ont été intenses pour mes glandes lacrymales !
Sur ce, on sonna à la porte. C'était Dam, Thomas et Ethan. Thomas avait les yeux rouges également.
Ils rentrèrent en silence dans l'appartement.
- Bon. La seule bonne nouvelle aujourd'hui, c'est que Anna reste avec nous, murmura Ethan en me serrant fort dans ses bras.

Métro, boulot, Damiano Where stories live. Discover now