Chapitre 28

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Depuis notre retour à Rome, cela faisait maintenant une semaine, nous n'avions toujours pas de nouvelles de Dam. Nous commencions sérieusement à nous inquiéter. Chaque jour, Vic et Ethan tentaient de l'appeler. Et inlassablement, la sonnerie retentissait dans le vide.
Alertés par la nouvelle, Esther et Thomas étaient rentrés plus vite que prévu ; leur séjour avait initialement été rallongé de deux semaines supplémentaires afin de rester encore un peu aux côtés du père de mon amie qui se battait lentement mais sûrement contre son cancer.
Ce soir là, nous étions tous réunis dans l'appartement que j'occupais à présent seule. Je faisais comme si tout allait bien, comme si la disparition de celui que j'aimais ne m'affectais pas. Mais derrière le masque que je me donnais en public afin de ne pas donner encore plus de soucis à mes amis, la sensation de perte que je ressentais au quotidien était insoutenable.
J'en pleurais tout les soirs. Pourquoi était-il parti ? Était-ce volontaire ? Étions-nous surs qu'il était en fait toujours vivant ? J'étais si inquiète !
Car depuis que l'hôtesse d'accueil du studio nous avait confirmé son passage il y'a à présent deux semaines, plus aucune trace de lui n'avait été découverte. Damiano s'était tout simplement volatilisé.
Ses affaires avaient tout bonnement disparues, sa chambre était vide de toute âme. Son lit était défait, ses tiroirs grands ouverts sans rien à l'intérieur, comme si le départ avait été précipité. Sa bibliothèque, qui également contenait des CD, était remplie : ne manquait que ce qu'il avait pris en vacances avec nous.
Pas même les paparazzis n'avaient réussis à capturer son image au court de ces dernières semaines. Silence radio.
Nous hésitions maintenant à contacter la police, idée que le manager avait jusqu'à présent repoussée le plus possible.
- Attendez encore quelques jours. Il finira bien par revenir, nous le connaissons bien. Cela ne m'étonnerait pas que ce soit un coup de pub.
Mais ses paroles étaient complètement vides de sens, et lui-même ne croyait pas à ce qu'il disait. Son ton le trahissait.
Malgré tout, il était étrange qu'il ne veuille pas alerter la police. Dam était peut-être en danger ? Pourquoi refusait-il cette aide ? Il ne nous répondit jamais.
Le neuf novembre au soir, Vic laissa un dernier message vocal sur la messagerie de Dam.
- Dam. Si jamais tu entends ce message, on préfère te prévenir : on va bientôt contacter la police. Contre l'avis du manager, mais on s'en fiche bien. Si ta disparition est volontaire, nous respectons totalement ta décision, mais s'il te plaît, je t'en conjure, fait nous juste un signe pour s'assurer que tout va bien. Ensuite, on arrêtera de t'harceler.
Elle appuya ensuite, les larmes aux yeux, sur le bouton raccrocher, mettant ainsi fin à l'enregistrement audio.
- Plus qu'à attendre, conclu t-elle.
La nuit fut longue et douloureuse. Vic, Ethan, Thomas, Esther et moi dormirent ensemble comme tout le reste de ces derniers jours ; affalés sur le canapé, somnolant sans dormir complètement, toujours dans l'espoir que le téléphone sonne. Que son nom s'affiche sur l'écran. Que sa voix douce et rocailleuse nous rassure, nous parle. Mais chaque nuit, il n'y avait que le bruit de longs soupirs de tristesse, de reniflements, de lourdes respirations qui résonnaient dans l'appartement.
Deux jours plus tard. Nous nous étions résigné à contacter la police. L'air grave, nous nous levâmes tôt pour nous rendre dès l'aube au commissariat le plus proche.
Mais alors que nous étions sur le point de franchir la porte du hall, une tâche blanche dépassant de ma boite aux lettres attira mon attention : c'était une enveloppe, qui n'était pas là veille.
Je m'en emparais, le cœur battant. Nous nous étions tous figés sur place. Mes doigts tremblaient en ouvrant la lettre. Je la sortis de son enveloppe, et la lue à voix haute.
- À Victoria, Thomas, Ethan, Esther et Anna.
Hawaï, le 22 octobre.
3h27 du matin.
Je m'en vais. Je quitte le groupe. Je ne veux plus avoir affaire à vous. Ne cherchez pas à me joindre.
Au revoir,
Damiano.
Ce n'était pas possible. Non. Non. Cela ne pouvait pas être possible. Non. J'étais à présent incapable de bouger. Tous les autres étaient également gelés sur place. Même nos larmes ne se donnaient pas la peine de couler. Que venait-il de se passer ? Cela ne pouvait pas être réel. Cela ne pouvait pas être Dam.
Puis le trou noir.
Je me réveillais dans mon lit, entourée de mes amis.
- Tu t'es évanouie. Ethan aussi, d'ailleurs, me murmura Esther, à mon chevet.
Thomas était juste derrière elle, et lui caressait doucement l'épaule. Leur deux visages ruisselaient de larmes. Elle poursuivit :
- Il nous a à chacun laissé une note plus personnelle ; voici la tienne. Mais je te préviens, elle risque de te faire un choc. Je ne l'ai pas lue, mais toutes les nôtres étaient d'une violence inouïe.
Elle me tendit un bout de papier plié en quatre, sur lequel mon nom était inscrit.
Je le dépliais, le cœur battant.
- On va te laisser la lire seule.
Puis elle et Thomas quittèrent la pièce, tout en me serrant une dernière fois la main.
Anna.
Première chose, comme je l'ai déjà dit dans la première lettre, ne cherche pas à me recontacter. Ne sois pas aussi bête. Je ne t'ai jamais aimé. Tu m'avais l'air d'une proie si facile, tu étais seule et vulnérable. Qu'est ce que tu as pu être naïve ! Tu me fais bien rire. Comment as-tu pu croire une seule seconde ce que je te disais ? Je te jure, une vraie bécasse.
Mais merci pour le divertissement.
Damiano

Apparement, Vic me retrouva une nouvelle fois inconsciente, la lettre de Dam dans le creux de ma paume. Je ne m'en rappelle plus. J'ai tout oublié, mon corps a fait un black-out total.
Mes amis avaient eux aussi été sous le choc après la lecture de leur lettre. Toute les plus violentes les unes que les autres, d'une méchanceté sans nom.
Après avoir passé deux jours à errer comme des zombies, à pleurer toutes les larmes de notre corps et à dormir douze heures d'affilé, Thomas fut le premier à se ressaisir.
- C'est dur. Mais on a pas le choix. Alors acceptons. Il faut tourner la page, nous n'avons plus d'autres issues. J'aimerais toujours Dam, même si je ne lui pardonnerais jamais son geste. C'était mon meilleur ami. Je ne le reconnais pas dans son acte, comme aucun de nous je crois. Mais maintenant, on doit nous aussi commencer notre nouveau chapitre. Et on n'y arrivera jamais si on ressasse sans cesse les souvenirs. Alors il faut qu'on brûle ces lettres. Il est de notre devoir de les regarder se consumer sous nos yeux, d'en admirer les cendres et de finir notre deuil.
Nous approuvâmes tous. Esther sortit un briquet de sa poche. Brûla sa lettre. Elle passa l'objet à Vic, qui fit de même. A Thomas ensuite, à Ethan, puis à moi.
C'était fini. Dam n'existait plus. Rasé de nos mémoires.

Les jours s'écoulèrent lentement. La seule question non réglée était celle de l'avenir du groupe ; maintenant que Dam était parti, nous n'avions plus de chanteur.
Thomas fut encore une fois celui qui avait le plus de sang-froid, et dit à haute voix ce que personne n'osait admettre :
- Måneskin n'existe plus. Et même si l'on voulait encore le faire perdurer, cela ne serait
plus jamais comme avant. Pour mille et une raison différente. Alors il faut se rendre à l'évidence, conclu t-il les larmes aux yeux.
- Måneskin n'existe plus, nous murmurâmes tous à voix basse.
Puis je passais trois jours dans mon lit, sans me lever, presque sans manger et sans boire. Je dis juste à mes amis, rentrés dans leur habitats respectifs, que je souhaitais me reposer un peu.
Je ne voulais voir personne.
Je voulais juste faire arrêter ma souffrance. Trouver un moyen d'y mettre fin. Mon cerveau ne voulait pas accepter. Il ne pouvait pas. Dam n'avait pas pu me mentir. Ce n'était pas possible. Je n'avais même plus la force de pleurer.
Je comatais ainsi presque une semaine. Au bout de trois jours, je m'étais forcée à me lever afin de vider sa chambre. Pour le faire disparaître définitivement. À jamais. Mais chaque fois que je rangeais un draps, que je ramassais un stylo, que je pliais une chemise, son odeur me revenait.
Et je m'effondrais sur le sol, sans pouvoir me relever. Ce fut Vic qui vint me secouer en premier.
- Je vais faire les cartons à ta place. De toute façon, il ne reste plus grand chose. Il est partit avec quasiment toutes ses affaires.
Elle emballa toutes ses ultimes affaires. Scotcha les cartons, les rangea dans la cave en attendant de les emmener à la déchèterie.

Une semaine après, alors qu'il ne manquait qu'Esther dans l'appartement d'Ethan où nous étions réuni, celle-ci débarqua à la porte, un magazine à la main.
Elle nous le tendit sans dire un mot. Le titre annonçait en grand :
" Le batteur du groupe Måneskin mêlé au plus gros traffic de cocaïne du pays !"
Nous fronçâmes tous les sourcils.
- Hein ? Quoi ? Mais où est-ce qu'il sont allé pêché ça ? J'appelle le manager tout de suite.
Ethan mit son téléphone sur haut-parleur :
- Je sais. Mon assistant viens de me faire parvenir le journal. Je sais que c'est évidemment faux, Ethan. Mais c'est la goutte de trop. Entre ça et la disparition de Damiano, Måneskin ne tient plus la route. Je vous informe officiellement que je viens de rompre notre contrat. Måneskin n'existe plus, je n'ai plus rien à faire avec vous. Au revoir.
La voix acérée et tranchante du manager disparu en même temps qu'il raccrocha.
- Si simple que ça. Quel connard. -Heureusement qu'on avait déjà prit notre décision avant, tenta Vic afin de dédramatiser la situation.
Mais quand bien même nous avions convenu que le groupe se séparait, la rupture du manager avait été un énorme coup de massue.
Måneskin n'existait plus. Dam avait disparu, volontairement. Il m'avait splendidement avoué qu'il m'avait menti, que ses sentiments n'avaient été qu'un leurre.
Tout avait volé en éclat en seulement deux semaines. Comment était-ce possible ?
Je refusais d'y croire. Cela ne pouvait pas être la vérité.

Métro, boulot, Damiano Onde as histórias ganham vida. Descobre agora