Chapitre 19

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Il se détacha alors doucement de moi, me fixa dans les yeux quelques instants puis pris ma main.
Avec ses joues et ses lèvres rosies, ses cheveux en bataille et ses yeux pétillants, il s'exclama :
- Prête ?
Et avant d'entendre ma réponse, il se lança dans une course effrénée au milieu des paparazzis.
- C'est la seule solution pour partir, me hurla t-il par dessus le bruit. Dépêche toi !
Alors je me mis également à courir aussi vite que mes jambes me le permettaient, afin d'échapper à l'assault des paparazzis.
Après avoir couru sur environ deux cent mètres, je me stoppais dans une petite ruelle où il s'était arrêté, quelques secondes avant moi.
Nous étions à bout de souffle. Cette interlude sportive avait presque réussi à dissiper le malaise du baiser. Ainsi que le brasier qu'il avait engendré dans mon cœur.
- On les a enfin semé, me dit il. Oh, ne me regarde pas comme ça. Je t'ai dit que ce n'était qu'une parade pour s'enfuir plus vite.
- Oui, mais officiellement, tu as manqué à ton engagement. Dam, c'était exactement pour ce genre de chose que je t'avais demandé de trouver une solution.
- Désolé... Mais si tu ne voulais vraiment pas, tu n'avais qu'à me repousser, non ?
Je ne trouvais rien à redire. Ces événements m'avaient complètement dégrisée et je ne ressentais plus aucune once d'ivresse.
- On appelle un taxi pour rentrer ? lui demandais-je afin de changer de sujet.
Il esquissa un sourire en coin avant de s'emparer de son téléphone et de composer un numéro.
- Il arrive dans 10 minutes, me dit-il après avoir raccroché.
Nous nous adossâmes alors à l'immeuble derrière nous et nous laissâmes glisser nos fesses au sol, tant nous étions éreintés. Ce baiser ne voulait absolument rien dire pour lui, et il me le faisait bien comprendre. Cela m'agaçais. Il était si dédaigneux lorsqu'il en parlait, qu'on aurait cru que cela l'avait dégoûté.
J'étais sur le point de m'endormir lorsque une voiture s'engouffra dans la rue.
La main de Dam tapota mon épaule.
- Le taxi est là.
Ne voyant aucune réaction de ma part, j'étais déjà à moitié partie, il me saisit ma taille d'une main et mes épaules de l'autre.
Ainsi, il rentra dans le taxi, me déposa sur le siège arrière et s'assît à mes côtés.
- Tu dors ? me demanda t-il.
Pas complètement. Mais je ne lui répondit pas, j'étais trop fatiguée et avais surtout besoin de réfléchir. Seule.
Pour lui, ce baiser ne semblait vouloir rien dire, et il se comportait comme sur tout était normal. Mais pour moi rien ne l'était ! Comme je me sentais faible d'avoir répondu si passionnément à l'appel de ses lèvres. A l'instant où elles s'étaient posées sur les miennes, j'avais compris ce qu'il cherchait. Juste une parade assez intelligente pour pouvoir s'enfuir ensuite. Mais j'aurais simplement pu me contenter d'une simple pression réciproque sur sa bouche, et non pas cette fougueuse avance à laquelle il a tout de même répondu. Mon cœur battait encore la chamade. Le sien aussi ? Je ne crois pas. J'ouvrais doucement les yeux pour le regarder discrètement.
La tête posée contre la vitre, son regard glissait sur la ville endormie qui défilait à travers nos fenêtres. Il semblait mélancolique, habité de cette tristesse passagère qui s'empoignait parfois de vous sans raison.
On rediscutera de tout cela demain, la tête reposée. Je ne voulais pas cette fois ci prétendre qu'il ne s'était rien passé, mais autant lancer la conversation la tête reposée, et non pas sous le coup d'une émotion encore bien trop vive.
Le taxi s'arrêta une dizaine de minutes plus tard devant chez nous. Le chauffeur perçu l'inquiétude de Dam et lui dit :
- Ne vous inquiétez pas ; les paparazzis ont perdu votre trace. Si j'étais vous, je ferais ma petite enquête pour savoir qui les a appelé. C'est vraiment trop étrange pour être du hasard, dans le quartier, tout le monde vous connaît.
- Oh, vous savez, on a arrêté de chercher des explications à ce genre de choses. Ça fait parti du job...
- Vous êtes raisonnable. Bon courage et bonne soirée, monsieur. Prenez votre temps pour réveiller votre demoiselle. Elle s'est endormie.

Je n'étais effectivement qu'à moitié consciente, mais je percevais malgré tout leur discussion.
- Ah oui. Je ne vais pas la réveiller, elle est bien trop fatiguée. Je vais la porter jusqu'à la maison. Bonne soirée, merci beaucoup.
- Bonne soirée. Eh, jeune homme. Prenez soin d'elle. On en voit défiler, des nanas, à votre âge. Surtout à votre place. Mais malgré tout ça, faut faire gaffe à pas laisser passer la bonne. On s'en rend compte souvent trop tard, et on a plus que ses yeux pour pleurer.
J'entrouvris très discrètement les paupières. Damiano avait baissé la tête et légèrement rougi au niveau des joues. Ou peut-être était-ce le reflet d'un lampadaire dans la nuit noire. Je ne savais pas. Dans tout les cas, il ne répondit pas et adressa juste un sourire timide dans le rétroviseur au chauffeur.
Puis il détacha sa ceinture, et se pencha vers moi. Il passa un bras dans mon dos, un autre sous mes jambes et sortit du véhicule. Je l'entendis s'énerver un peu alors qu'il tentait de chercher ses clés avec les doigts qui lui restaient de disponible. Alors que je m'étais forcée à rester éveillée pendant le trajet, une fois blottie dans les bras de Damiano, je me sentais partir petit à petit, pour de bon cette fois-ci.
J'entendis tout juste le bruit de la porte qui s'ouvrît, puis de la douceur avec laquelle il me déposa sur un lit. Sûrement pas le mien, puisque on ne l'avait pas encore installé.
Son squelette, dépourvu de matelas, gisait au beau milieu du salon. Allait-il s'allonger à mes côtés ? Apparemment pas. Il descendit les stores, ceux qui donnaient sur mon ancien appartement, puis ferma la porte.
Et, seule dans une chambre qui n'était pas la mienne, je m'endormis. Mes rêves furent cette nuit emplis de flash, de lumières aveuglantes, d'une odeur de cologne ainsi que d'une main douce caressant ma joue.
Jamais je ne fus aussi déçue que ce matin là lorsque je me réveillais en réalisant que ce contact n'avais été qu'un songe, et que j'étais en réalité seule dans un grand lit bien trop froid.

Métro, boulot, Damiano Où les histoires vivent. Découvrez maintenant