Chapitre 18

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Samedi matin, 7h. Je prends mon petit-déjeuner seule, face à la vue du soleil en train de se lever sur la ville. La dernière fois que je vois cette vue.
Car dès ce soir, je suis plus ici chez moi. Mais je crois que je m'en fiche complètement, je vivais dans cet appartement depuis à peine un an, pas de quoi s'attacher.
J'enjambais les cartons pour aller jusqu'à ma cuisine et nettoyer ma tasse de thé. Une fois propre, je l'emballais dans un torchon et la glissais dans le dernier paquet non fermé.
Je me prépare doucement, en musique, jusqu'à ce que j'entende ma sonnette résonner.
C'était Vic, Esther, Ethan et Thomas.
- On est prêts ! On y va ? me demanda Ethan.
- Yes, c'est parti. J'appelle Dam pour lui dire qu'on commence.
Mais mon téléphone sonna dans le vide. Aucune réponse.
- Et merde. Est-ce que on est sur qu'il soit réveillé, au moins ?
En guise de réponse, j'enjambais mon balcon pour aller toquer au sien. J'attendis quelques minutes. Puis, il arriva, torse nu, en boxer, les yeux plissés et les cheveux en bataille.
- Oh merde, Ann'. Je suis désolé, j'ai complètement zappé de mettre mon réveil. Donne moi cinq minutes !
- Pas de soucis, rejoins moi direct en face. On commence à amener quelques cartons !
Je repartis en sens inverse, en prévenant mes amis du léger contretemps.
Puis chacun s'empara de mes affaires, en les faisant transiter entre les deux balcons. Bien plus efficace que par l'ascenseur, il faut le reconnaître !
Damiano, qui arriva très rapidement après, nous fut d'une grande aide ; et alors que nous avions commencé à 8h, l'intégralité de mes affaires se trouvaient maintenant dans l'appartement de mon nouveau colocataire alors qu'il était à peine 11h30.
Ensuite, avant de procéder à l'aménagement, nous nettoyâmes en profondeur toute la surface du logement : ma mère m'avait renvoyé un mail dans lequel elle précisait que "si l'appartement n'était pas impeccable" à son arrivée, elle n'hésiterait pas à faire appel à la décision du juge afin de me retirer quelques droits. Une ordure.
Mais nous nous livrâmes tous à la tâche avec joie, et 14h sonnèrent quand nous nous regardâmes enfin avec un air satisfait, la corvée terminée.
Je déclarais donc à mes amis :
- Resto. Tout de suite. Et je paie pour tout le monde, pas de négociations possibles.
Le repas se déroula donc dans une pizzeria du quartier, dans la bonne humeur. Ici, les gens savaient qui étaient Måneskin, et ne prenaient donc plus la peine de les accoster en pleine rue ou d'en faire toute une scène jusqu'à faire venir des paparazzis. Après deux mois de course poursuite avec eux, c'était bien agréable de pouvoir manger dehors en paix.
Esther et Thomas furent les premier à nous quitter :
- On vous laisse, on s'était prévu une petite après-midi tranquille tout les deux. Bon emménagement, Ann' ! nous dit Thomas.
Puis ils partirent, main dans la main. J'eus quand même le temps d'intercepter le clin d'œil d'Esther, le même qu'elle me lançait depuis quelques temps. Celui qui sous-entendait quelque chose à propos de Dam. Je levais les yeux en l'air pour lui faire comprendre qu'il n'en était rien ; elle rit.
Je déclarais par la suite à Ethan et Vic :
- Merci beaucoup pour votre aide ! Mais je ne vous retient pas plus longtemps, je pense qu'on peut largement se charger seuls de ranger les affaires.
- Mais c'était avec grand plaisir ! À demain, me lancèrent-ils.
Je m'occupais de régler l'addition, puis rejoins Dam à table.
- Allez, on rentre chez toi ?
- Chez nous, tu veux dire.
Il se leva, et nous partîmes donc à pieds en direction de l'immeuble.
- J'ai beaucoup trop mangé, me dit-il. Et si on se baladait un peu ?
- Avec plaisir. Il fait un temps superbe, en plus.
Nous nous mîmes donc à déambuler paisiblement dans les rues de la ville en ce milieu d'après-midi peu animé, sous un soleil doux et lumineux.
Alors que nous nous apprêtions à tourner à gauche afin de rentrer, un bruit musical nous parvins à l'oreille. Quand on s'approcha, on se rendit compte que c'était un orchestre de rue, un semblable à celui que nous avions rencontré noël dernier.
Dam me prit la main.
- J'avais beaucoup aimé notre petite danse, cet hiver. Un remake me plairait plutôt bien.
Et sans attendre ma réponse, il m'attira de nouveau au milieu d'une foule dansante. Le chanteur, debout sur une petite scène surélevée, s'égosillait sur une reprise d'un vieux classique de jazz.
La main de Dam se posa sur ma taille, l'autre leva son bras en l'air pour me faire tourner. Et au rythme d'une musique enjouée, je tournais, tournais, tournais, sans m'arrêter de rire jusqu'à en avoir la nausée. Toute étourdie, je titubais et m'affalais sur sa poitrine. Lui aussi en pleine crise de fou rire, il referma ses bras sur moi et lui même se mit à tourner.
- Arrête, Dam, m'écrirais-je au milieu d'un hoquet, je vais vomir !
Mais il riait encore plus et continua à me faire décoller du sol, toujours au rythme du même standard de jazz.
Les gens autour de nous étaient dans le même état d'euphorie, et j'eus comme l'impression d'avoir atterris dans une autre dimension. Une dimension où les gens étaient heureux, ne se préoccupaient pas du regard des autres et se contentaient de danser, jusqu'à ce que leur muscles ne puissent endurer plus.
Un autre air s'était emparé de la foule, et Damiano continua de m'entraîner à danser. Il semblait transporté. Ses yeux bruns respiraient le bonheur. Ses cheveux, à cause de ses mouvements, s'envolaient dans tous les sens, avec quelques mèches rebelles reposant sur son front. Ensemble, nous continuâmes notre bal improvisé, tantôt serrés l'un contre l'autre, tantôt séparé par une foule qui s'accaparait de tout le monde pour l'entraîner dans son univers coloré.
Puis, au bout d'une bonne heure, les musiciens s'arrêtèrent.
- Merci à tous de nous avoir écouté, bonne fin de journée à vous !
Nous applaudîmes tous jusqu'à en avoir les mains douloureuses.
Et, ensuite, nos yeux toujours ivres de cette euphorie que nous avait transporté, nous nous rendîmes, titubant de fatigue sous le soleil couchant, jusqu'à chez nous. Chez nous.
Alors qu'il était sur le point de renter la clé dans la serrure, il se ravisa et me dit :
- C'était un trop bon moment pour qu'il se finisse aussi mollement. On retourne boire un verre.
Et il redescendit la cage d'escalier aussi vite qu'il l'avait gravie.
- Alors, tu viens ?
Je dévalais les marches aussi vite que je le pu afin de le rejoindre.
Il m'emmena vers un bar non loin de là où nous étions tout à l'heure. L'ambiance était tamisée mais enjouée, et de nombreuses personnes étaient déjà présentes.
À peine étions nous assis à notre table qu'in groupe de filles gloussantes s'approcha de nous :
- Hihii Damiano ? On peut avoir une photo ?minauda une petite blonde.
- Une aussi pour moi ! s'enquit une deuxième.
Damiano, excédé, leur demanda de s'en aller.
-J'aimerais bien être tranquille, s'il vous plaît mesdames. Une prochaine fois peut-être.
Son ton état tranchant et autoritaire. Aucune d'entre elles n'osa répliquer. Elles partirent la mine hautaine comme si rien ne s'était passé.
On commanda ensuite tout les deux un mojito.
Il trinqua avec moi :
- À notre emménagement ensemble !
Je cognais en souriant mon verre contre le sien.
Nous passâmes le reste de la soirée à discuter, jusqu'à ce que nous entendîmes le batman annoncer à son collègue que 23h approchait. Le temps était passé à une vitesse folle !
- Allez, un dernier verre pour la route, me proposa t-il.
J'acceptais, mais à contre cœur. Boire me faisait oublier mes résolutions, et à chaque nouvelle pulsion de sang dans mes veines alcoolisées, je sentais une envie de plus en plus irrépressible de coller mes lèvres aux siennes. De sentir son corps contre le mien, comme je l'avais ressentis il y'a quelques heures quand nous dansions. Je me promis intérieurement de me contrôler.
On m'avait pourtant décrit Dam comme étant quelqu'un avec une réputation assez volage, et des sentiments amoureux indécis voir invisibles, lui qui aurait préféré à cela des plaisirs bien plus charnels.
Mais rien de tout ça. À part en boîte de nuit, quelques instants avant mon agression, je l'avais aperçu flirter avec quelques jeunes femmes, mais rien au delà. Je n'étais pourtant pas dupe, et tomber amoureuse de lui alors qu'il nous cachait tout simplement sûrement ses conquêtes serait une erreur bien trop naïve.

Puis, une fois notre troisième tournée fut finit, nous prîmes d'un commun accord le chemin de l'appartement, pour de bon cette fois ci. Nous étions tout les deux un peu pompettes, riant de tout et n'importe quoi.
Mais notre innocence retomba bien vite lorsque, alors que nous venions à peine de pousser la porte du bar, une salve de flash nous tomba dessus.
Des paparazzis. Ça faisait longtemps. Je ne voyais aucune issue possible, afin que nous puissions nous éclipser discrètement.
Dam se pencha vers mon oreille afin de me parler par dessus les hurlements des photographes.
- Ça doit être les filles de tout à l'heure, sinon je ne vois personne d'autre qui aurait pu nous faire un coup pareil. Les gens nous connaissent, ici.
Et ces paparazzis avaient visiblement l'air de me reconnaître aussi, puisque ils hurlaient mon surnom :
- C'est la fille du supermarché de Madrid ? C'est vous, mademoiselle ? C'est vous ? Depuis combien de temps êtes vous ensemble ? Vous connaissez vous depuis longtemps ? Quel âge avez vous ? Des rumeurs disent que Damiano enchaîne les conquêtes, avez vous conscience du risque que vous prenez ? me hurla une petite femme à lunettes.
- Fait chier, bordel. On retourne à l'intérieur du bar et j'appelle le manager pour qu'il nous débarrasse de tout ça.
Il composa le numéro, qui résonna dans le vide. Au travers des baies vitrées, on voyait une horde de paparazzis, leur appareils photos glués à la main, dans l'attente de notre prochaine sortie.
Le barman nous confirma qu'il n'existait pas de sortie dérobée qui nous permettrait de quitter les lieux discrètement. Nous n'avions plus qu'à patienter jusqu'à leur départ.
- Bon, on va attendre. Désolé, Anna. Que notre bon moment se finisse ainsi. Ça a tout gâché...
-Ça n'a rien gâché du tout, Dam ! Ça a été une journée géniale. Et les paparazzis font partis du lot, on y peut rien.
Il me répondit d'un sourire triste.
Nous patientâmes encore une demi-heure. Le temps était long. Puis, alors que minuit et demi venait de sonner, Damiano saisit ma main d'un air déterminé :
- Il ne nous lâcherons pas tant que l'on ne leur a pas donné ce qu'ils veulent.
Il avança jusqu'à la porte, et nous fûmes encore une fois noyés sous les flash.
- Ah oui, et, au cas où, c'est un cas exceptionnel. Ça sort des clauses du pari. On va leur donner ce qu'ils veulent.
Et avant que je n'eus le temps de comprendre ce qu'il disait, ses bras enserrent ma taille et ma nuque. Ses lèvres se posèrent sur les miennes. Il me serra encore plus fort, sous les hurlements déchaînés des paparazzis. Et comme je l'ai dit auparavant, l'alcool me donnait une furieuse envie de l'embrasser. Je n'allais sûrement pas me refuser cette occasion. Je lui rendis alors ce baiser. Je sentais son odeur contre ma peau, ses cheveux frottant à mon front. Et malgré cet artifice pour se défaire une bonne fois pour toute des photographes, je cru ressentir, durant ce baiser, une vraie tendresse venant de sa part. Ses mains caressaient doucement mon visage, traçaient ses contours. L'espace d'un instant, c'était comme si il m'aimait. Comme si à travers ce baiser passionné, fougueux et dramatique mais fait pour satisfaire les caméras, se cachait au fond un amour puissant. Cela ne pouvait pas être qu'une excuse pour de défaire des paparazzis. Non. Ce n'était pas possible. Sinon, mon cœur éclaterait en mille morceaux.

Métro, boulot, Damiano Where stories live. Discover now