Chapitre 21

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La veille, je m'étais endormie d'une traite, une fois ma tête posée sur l'oreiller. Ce fut une lumière aveuglante qui me réveilla le lendemain, ses rayons blancs perçants à travers mon store. Il était déjà non loin de midi. J'avais donc dormi tout ce temps ? C'est étrange, d'habitude, le boucan de Damiano me faisait ouvrir les yeux dès 9h.
Un peu confuse, je me levais et me dirigeais vers la cuisine. Toujours personne.
Les sourcils de plus en plus froncés, je me rapprochais de l'îlot central, sur lequel je trouvais un post it.
Salut Ann',
Je suis vraiment désolé, mais dans la nuit, le manager a rappelé et a exigé que nous partions dès ce matin. Je n'ai pas voulu te réveiller, il n'était que 5h. On rentre dans deux semaines.
À plus, Dam

Quoi ? Ils étaient donc déjà parti ? Le manager n'avait visiblement pas de temps à perdre... Je me consolais en me disant que j'avais ainsi deux semaines tranquilles, durant lesquelles je pourrais vaquer à mes occupations sans être dérangée par des paparazzis.
J'envoyais un message à Esther, qui avait elle aussi reçu un mot de Thomas lui indiquant leur départ précipité. Je lui proposais de me rejoindre quelque part, dans un musée ou un café, afin de passer un peu de temps ensemble. Elle me répondit, navrée, qu'elle était déjà dans le train pour rendre visite à sa famille dans le sud du pays.
- Je suis désolée, Ann'! Je suis partie un peu sur un coup de tête, je n'ai pas réfléchi. Mais on se voit dès mon retour, promis !
- Super ! Bonnes vacances, et bonjour à ta famille.
Je raccrochais, pensive de ce que j'allais donc pouvoir faire de mes journées. Je me décidais alors à me programmer un promenade dans la ville, juste pour errer tranquillement et profiter de la toute fin de l'été. Je pris mon appareil photo avec moi, et passais le reste de la journée à saisir des clichés de Rome.
Ethan m'avait de maintes fois invité à développer mes photos directement chez lui, dans sa chambre noire. Je n'osais que rarement le faire, mais puisque tout le monde était absent, cela allait tout de même me faciliter la tâche.
Je rentrais donc chez moi dans la nuit, une heure du matin venant de sonner, mes photos en poche. Je me mis au lit, et ne me réveillais que le lendemain après-midi.
L'appartement, immense, me paraissait vide sans Damiano. Son odeur flottait tout de même dans les pièces, mais cela me poussait à la confusion, me faisant croire qu'il allait débarquer à chaque instant. Mais je crois que me retrouver seule un moment allait me faire beaucoup de bien, et me permettre de faire le points sur de nombreuses choses qui me taraudaient.
Comme Damiano et ses réactions imprévisibles. Je m'en voulais un peu à propos de l'autre soir, de m'être autant emportée. Mais fait est de constater que cela m'avait permit de mieux comprendre Dam, ses peurs et ses émotions. Il me faisait penser à un petit garçon tout perdu, derrière ses airs de bad boy dépourvu d'empathie.
Il n'arrivait pas à maîtriser et à s'avouer ses propres sentiments, et se fermait comme une huître dès qu'on les évoquait. Ses yeux humides et ses membres tremblotant lors de notre dernière discussion ne faisant que confirmer mes dires : Dam est un petit garçon apeuré qui a besoin d'être rassuré. Mais ça, il n'en a pas conscience. Ou en tout cas, l'idée d'accepter cela lui est intolérable.
Malgré l'évidente tolérance que je ressens à son égard à ce sujet, la seule chose sur laquelle je veux être intransigeante, c'est celle concernant notre relation.
Je ne sais quoi en penser. Je me suis interdite de tomber amoureuse, et même ne serais-ce de songer à une possible relation avec lui.
Il a beau être plus faible que ce que l'on imagine, cela ne le dispense pas de sa réputation de bourreau des cœurs. Je ne veux pas tomber dans le piège. J'ai déjà bien vu ce que les dégâts de l'amour destructeur pouvaient engendrer, et je ne souhaite sûrement pas m'y risquer.
Mais comment expliquer ses réactions ? Ce baiser ? Ces baisers, au pluriel même ! Pourquoi je ressentais à travers ses mains sur mon visage tant d'amour, de volonté de me protéger, de me rassurer ?
J'avais déjà dans le passé expérimenté les relations amoureuses sans sentiments, celles que l'on accepte juste pour une question d'ego, afin de se sentir aimé et désiré. C'est évidement illusoire, et cela se ressent dans les baisers. Ils sont de simples contact, nos mains de simples points d'équilibre. Mais avec Damiano, le monde semble se transformer lorsqu'il vous tient dans ses bras. Il me serrait comme si il avait peur que je m'envole, comme si j'étais effrayée et que seul lui pouvait me rassurer. Il était d'une douceur infinie.
Par curiosité, j'avais déjà scruté Internet à la recherche de photos de lui prises par des paparazzis, avec certaines de ses innombrables conquêtes. Et je crois que sur aucun de ses clichés je n'ai vu transparaître autant d'émotion que sur les nôtres. Cela dit, ils dataient tous d'il y'a au moins un an ; depuis septembre dernier, il n'avait jamais été rephotographié en charmante compagnie. Peut-être est-ce mon inconscient qui me joue des tours.
Mais pourquoi, dans ce cas là ? Ne m'étais-je pas convaincue que mon cœur ne devait jamais songer à lui ? Mais alors, pourquoi chaque pensée, chaque geste me ramenait sans cesse à lui ? La simple idée de l'imaginer tenir dans ses bras, avec la même tendresse, un autre, me serrait le ventre et me piquait les yeux.
Assise sur le sol de la salle de bain, plongée dans mes réflexions depuis une bonne heure, je du me rendre à l'évidence : je crois que j'étais déjà amoureuse de lui.
Depuis le début.
Comment avais-je pu de pas m'en douter ?
Mon inconscient devait savoir que c'était déjà trop tard, et le blocage que je me suis imposée m'interdisant de lui succomber n'était sûrement qu'une parade inefficace pour tenter de lutter contre ce sentiment déjà bien installé. L'intention était bonne, mais elle n'avait qu'au final fait accroître mon amour.
Était-ce réciproque ? Mon cœur s'emballa. Après tout, lui aussi s'était montré ambiguë quand à ses intentions de nombreuses fois. Souvent en étant soûl, je dois le reconnaître. Mais ne dit-on pas souvent que l'ivresse fait ressurgir nos désirs les plus profonds, ceux qu'on tente désespérément d'enfouir au plus profond de nous même ?
Et ce maudis pari. Quelle mouche m'avait donc piquée pour que j'accepte ? Un combat interne commença alors à faire rage en moi : lui avouer mes sentiments, réfrénés si longtemps qu'ils en avaient doublés d'intensité, ou satisfaire mon ego avide de victoire, refusant la défaite et l'inclination devant l'adversaire.
Soudain, un souvenir de la tournée me revint en mémoire : quand j'étais allée fouiller dans la chambre afin de retrouver mon appareil photo perdu, j'avais aperçu dans sa valise la photo qu'il avait prise de moi, le soir de notre rencontre. Il ne m'en avait jamais reparlé depuis. Le sang palpitait dans mes veines. J'en étais certaine à présent : il m'aimait ! Il y'avait trop de preuves pour que ça ne soit pas le cas.
En réunissant tout mon courage, je me suis convaincue de tout lui avouer à son retour. Je ne pouvais pas garder cela pour moi plus longtemps.
Alors que j'avais passée plus d'une heure assise sur le rebord de ma baignoire, occupée à remettre l'entièreté de mon existence en question, je me levais alors soudainement, emplie d'une nouvelle énergie qui coulait à présent dans mes veines. Une énergie folle, courageuse, entêtée mais surtout amoureuse.
Je me sentais gai, sur un petit nuage. Comme si m'avouer mes sentiments m'avait libéré d'un poids affreusement lourd.
Je ne voulais en parler à personne pour le moment, afin de lasser mûrir mon idée dans ma tête. Réagir sous le coup d'une émotion est rarement une bonne chose.
Déterminée, je me redressais, m'habillais et me préparais afin de me promener en ville. Le soleil brillait et illuminait Rome d'un halo doré.
J'étais heureuse, tellement heureuse. J'étais amoureuse d'un homme qui, je le crois, m'aimait en retour. Rien n'aurait pu me faire redescendre.
Pendant deux heures, j'arpentais les rues pleines de la capitale, profitant des derniers rayons de l'été. J'avais conscience d'être radieuse. L'amour peut effectivement vous transformer d'un instant à l'autre.
Alors que je m'apprêtais à rentrer à l'appartement, je décidais d'aller m'acheter un magazine à lire pour la soirée. Je m'arrêtais alors devant le petit bureau de tabac en face de l'immeuble.
Soudain, alors que je me rendais à la caisse, un étalage en particulier attira mon attention. Celui contenant toute la rangée des people que je haïssais tant.
« Et encore une ! Quand Damiano s'arrêtera t-il ? » annonçait le grand titre jaune.
En dessus, un plus petit paragraphe décrivait un peu plus l'immense photo de Dam embrassant une grande blonde vêtue d'une longue robe bleue.
« Actuellement en tournée promotionnelle en Europe avec son groupe Måneskin, Damiano David a de nouveau jeté son dévolu sur du local : il a été aperçu avec pas moins de deux jeunes suédoises depuis son arrivée à Malmö. »

Tremblante de tous mes membres, je reposais le magazine sur l'étalage. Je payais mon article le plus rapidement possible, sous l'œil inquiet de la caissière.
Des points noirs apparaissent devant mes yeux au fur et à mesure que je progressais dans la rue. Des larmes de haine, de tristesse, de déception me brûlaient les joues. Comment avais-je pu être aussi stupide ? Je ne pouvais pas croire ce que j'avais devant les yeux à l'instant. Non. Ce n'était pas possible.
J'étais tellement secouée par mes sanglots que je n'arrivais plus à marcher. Je m'arrêtais alors au milieu de la rue, pleurant de tout mon soûl. Je crois que je n'avais jamais ressentie de peine aussi immense et brutale que celle ci.
Alors que j'essayais de retrouver mon calme, un brouhaha me parvint. Je n'y prêtais pas attention. Mais quand ce bruit de foule s'ajouta à celui d'un déclic d'appareil photo bien connu, mon premier réflexe fut de partir en courant. Des paparazzis. Encore. Je couru, couru sur une centaine de mètre à en perdre haleine.
Leur coup devait être réfléchi, et bien pensé, afin d'arriver à m'attraper au bon moment.
Après avoir effectué un immense détour, j'arrivais enfin devant le hall d'entrée de l'immeuble. Je me sentais défaillir ; je pouvais tomber dans les pommes à tout instant.
Les clés dans la serrure. Ouvrir la porte. Se déchausser. Puis se jeter sur son lit et s'y endormir, les yeux ruisselants et le corps criant souffrance.
Quand je me réveillais, quelques heures plus tard, ma décision était prise : j'allais quitter mon emploi. Quitter Måneskin. Quitter Dam.
C'était trop, et l'intervention des paparazzis n'avait fait que confirmer mes dires. Je devais m'éloigner de Damiano. Le faire complètement disparaître de ma vie.

Métro, boulot, Damiano Where stories live. Discover now