Chapitre 40

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Damiano.

Le soleil me réveilla le lendemain matin ; ayant oublié de fermer les stores la veille, ses rayons secs m'aveuglèrent soudainement. Je tournais la tête. Anna était toujours en train de dormir. Sa poitrine se soulevait doucement au rythme de sa respiration, ses cheveux étaient éparpillés autour d'elle comme un soleil. Je me levais, l'embrassais sur le front et sortis du lit.
- Dam ?
- Je vais préparer du café, la rassurais-je.
Chaque matin, quand je me levais avant elle et qu'elle semblait toujours enveloppée dans les brumes du sommeil, son premier réflexe était de m'appeler. Comme pour s'assurer que je ne partais pas. De nouveau. Cela me rendait fou de culpabilité, même si elle m'assurait que cela n'avait rien à voir.
Une fois à la cuisine, je préparais comme prévu deux tasses de café. Il était dix heures du matin. Il y'a quelques minutes, Thomas m'avait envoyé un message me demandant à quelle heure étions nous sensés nous rejoindre au studio. Je lui répondis que quinze heures serait parfait, et j'en informais de suite Vic et Ethan.
La veille, nous avions annoncé via Instagram la sortie de Coraline, prévue pour aujourd'hui, vingt heures trente. On voulait être tous ensemble à cet instant.
J'avais encore un peu mal à la tête de la veille, alors je m'habillais afin de m'aérer l'esprit en marchant. Je jetais un coup d'œil dans la chambre : Ann' s'était rendormie. Avant de partir, je l'embrassais une seconde fois sur le front.
- Je vais faire un tour. Je reviens bientôt.
Je bus sa tasse de café, sinon condamnée à refroidir tristement, et m'en allais.
La fraîcheur de ce début mars fit rougir mes joues. Il n'y avait pas grand monde dans la rue, en cette fin de matinée. En revenant, au bout d'une demi-heure, j'aperçus un fleuriste. Ça serait une bonne idée d'en ramener un bouquet à Anna ! Me maudissant d'avoir des idées aussi culcul, je me rassurais en disant que c'était sûrement à cause de l'amour.
J'achetais un bouquet de fleurs séchées, qui ne faneraient donc jamais. Le concept me plaisait.
Satisfait, je rentrais à l'appartement.
D'un air faussement innocent, cachant mes fleurs derrière mon dos, je me postais derrière elle, le menton sur son épaule, alors qu'elle buvait son thé à la cuisine.
- Ta ballade s'est bien passée ? me demanda t-elle.
- Excellente.
Rougissant, je me reculais alors afin de lui tendre mon cadeau.
- Oh, elles sont superbes, Dam ! J'adore les fleurs séchées. Elles ne fanent jamais.
Elle me prit la joue pour déposer un baiser sur mes lèvres. Je lui en donnais un autre. Puis un autre, et encore un autre. Quelques secondes après, elle se tortillait en riant, sous mon attaque de baisers sur tout son visage.
- Arrête ! Je n'arrive plus à respirer, parvint-elle à murmurer entre deux hoquets hilares.
- Non. Je compte bien profiter de toi le plus longtemps possible, lui souriais-je en retour.

Si l'on m'avait dit il y'a un an dans quelle situation je serais aujourd'hui, y aurais-je cru ? Probablement pas. Jamais je n'avais été aussi heureux qu'en ce moment. Depuis que j'étais avec elle, je remarquais combien mes sentiments étaient déjà bien plus développés que ce que j'imaginais. Il fallait juste que je l'entende rire, que je sente son odeur, que je la tienne dans mes bras pour que mon cœur s'emballe. Nous n'étions « officiellement » ensemble que depuis quelques semaines, mais c'est comme si j'avais déjà passé toute une vie avec elle. Sûrement que le fait de la connaître depuis bientôt deux ans et de vivre avec elle depuis un certain temps aidait à renforcer ce sentiment. Mais reste que j'en suis toujours à me demander comment ai-je pu passer un an en collocation avec elle en ayant pu résister à toutes les tentations qui s'offraient à moi.

Nous nous décidâmes à manger de nouveau au restaurant ce midi.
- Mais c'est moi qui invite cette fois-ci, insista t-elle.
J'abdiquais en riant devant son intransigeance.
Nous mangeâmes dans la même pizzeria que la veille, avant de nous rendre au studio. Ethan et Vic s'y trouvaient déjà :
- Salut ! On attend plus que Thomas et Esther. Il arrivent dans cinq minutes.
- Super, répondis-je. Il faut qu'aujourd'hui, on commencé à se pencher sur l'hypothèse d'un nouvel album !
- C'est ce qu'on pensait tous aussi. De toute façon, avec la sortie de Coraline, les gens vont forcément s'y attendre.
Une fois Vic et Ethan arrivé, nous passâmes la journée à enregistrer quelques nouvelles chansons que j'avais écrites ces derniers jours, à tester des riffs expérimentaux ainsi qu'à répéter de vieilles reprises que nous avions laissé de côté. Pendant ce temps là, Anna nous prenait en photo et Esther remplissait des papiers pour la sortie de Coraline, et ainsi que tout ce qui concernait un éventuel clip.
Pendant toute l'après-midi, je ne cessais de m'émerveiller de l'alchimie qui nous enveloppais. J'avais comme l'impression que rien de s'était jamais passée ; que nous avions passé ces derniers mois comme nous l'avions toujours fait jusqu'à présent. Ma disparition n'avait été qu'un nuage, que le vent avait désormais balayé.
À dix-neuf heures vingt, nous avions fini notre session. Personne n'avait trop d'appétit, nous attendions juste nerveusement les coups de vingt heures trente.
La sortie de Coraline était une épreuve : c'était un titre très personnel pour tous mes amis, ainsi que pour moi. Il fallait accepter de se mettre à nu devant des millions de personnes. Ensuite, cela marquait le début du retour de Måneskin. Depuis que la vérité sur le manager avait été révélée au public, celui-ci attendait avec impatience de savoir où en était le groupe. Chacun avait sa propre opinion, de nouvelles hypothèses émergeaient chaque jour.
Måneskin allait-il se reformer ? Måneskin avait-il pardonné à Damiano ? Les questions fusaient de partout, sans que personne n'arrive à obtenir de réponses. Nous étions restés muets, jusqu'à hier où nous avions annoncé la sortie de Coraline. J'espérais que les gens prendraient bien ce grand retour. La surexcitation de mes amis me poussait à croire que tout irait bien. Au fond de moi, je crois que j'en étais aussi persuadé. J'avais mit mes entailles dans cette chanson, la moindre goutte de mon sang. Elle ne pouvait que marcher.

Vingt heures et vingt-six minutes. Ethan était assis en face de l'ordinateur, le pouce posé sur la souris. En un clique, Coraline serait à disposition du monde entier. Mon cœur battait vite et fort. Ann' se rapprocha de moi :
- Allez, ne t'inquiètes pas. Tout va bien se passer.
- Sûre ?
- Certaine.
Avoir la validation d'Anna, c'était avoir la validation du monde entier. Alors les battements de mon cœur ralentirent, mes mains se firent moins moites. J'attendis en comptant les secondes, jusqu'à ce qu'Ethan se retourne vers nous :
- Prêts ?
- Prêts, nous lui répondîmes en cœur.
Il cliqua sur la souris.
Et c'était fait. Coraline était sorti.
- On va pas rester comme des idiots pendant des heures en attendant des réactions, il faut qu'on s'occupe, déclara Thomas.
- Et si on allait chez nous ? proposa Ann'.
- Seulement si vous avez du Limoncello, répondit Esther.
Nous rîmes à la blague, et appelèrent un taxi afin de nous y emmener.
Dans les instants que je préférais à tous les autres dans ma vie, c'était ceux-là. Être tous ensemble, affalés dans notre salon. À boire, à discuter, à refaire le monde. À jouer des trucs sans queues ni têtes, à rire jusqu'à en avoir mal au ventre pour des choses complètement puériles. Je ne me sentais jamais plus à ma place que dans ces moments là, et pour rien n'au monde je n'aurais voulu y changer quoi que ce soit.
Et comme elle s'était déjà déroulée des centaines de fois, la soirée consista à nous passer la bouteille, à se raconter les mêmes anecdotes que l'on se disait déjà il y'a trois ans, à rire à gorge déployée. Aux alentours d'une heure du matin, tous un peu soûls, nous nous décidâmes à aller regarder les réactions à Coraline. Vic lu à voix haute les commentaires :
- « J'en ai pleuré. » « Je kiffe, rien d'autre à dire ! » « C'est qui Coraline ? » «  On voit bien qu'ils y ont mis toutes leurs tripes ! » «  Ma chanson préférée. » Et des dizaines d'autres comme ça.
- Eh ben. Chapeau l'artiste, déclara Ethan en s'inclinant devant moi.
- Chapeau à vous tous, surtout. C'est tous ensemble, que l'on y est arrivé !
Puis la soirée de finit doucement dans la bonne humeur, jusqu'à ce que chacun se décide à rentrer chez soi.
- On se revoit demain !
Puis, Anna et moi, toujours un peu éméchés, rangeâmes l'appartement en désordre. Ensuite, elle s'empara des fleurs toujours posées sur la table de la cuisine.
- J'ai mis le bouquet dans le vase, tu aimes ? me demanda t-elle, toute fière à côté du pot en terre cuite bleue qui contenait à présent les fleurs que je lui avais offertes plus tôt dans la journée.
- Ça rend magnifiquement bien.
- Encore merci, je les adores, me répéta t-elle en passant ses bras autour de mon cou.
Elle m'embrassa. Je lui rendis sans attendre son baiser, en la serrant encore plus fort contre moi. Ses lèvres caressaient doucement les miennes. Mes mains glissaient entre son visage et sa nuque, les siennes se perdaient sur les tatouages de mon dos et dans mes cheveux.
J'avais envie de connaître son corps par cœur, de pouvoir être capable d'en tracer la carte les yeux clos. De sentir la moindre de ses courbes sous mes doigts, de me consumer sous sa chaleur. De me noyer dans sa nuque, de sentir ses cheveux caresser mes épaules. De faire de nos deux peaux une seule et unique, de nos deux corps, un.
Dans un élan de fougue, nous nous dirigeâmes vers ma chambre. Je m'allongeais à ses côtés sur le lit, sans desceller nos lèvres. Tout allait de plus en plus vite, je ne contrôlais plus mes mains brûlantes ; elle non plus.
Puis des étincelles ; nos peaux nues l'une contre l'autre ; deux pièces d'un puzzle enfin réunies. Sa respiration chaude le long de ma clavicule ; ses longs doigts fins dessinant les contours de mes tatouages. Ses yeux clos, ses joues roses. Deux corps se glissant sous les draps, au milieu des soupirs, des sourires. Des caresses, des mots doux. Le début de tout ; le commencement. L'ivresse amoureuse.

Métro, boulot, Damiano Where stories live. Discover now