Chapitre 5

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Depuis l'épisode de Damiano à l'entrée de mon immeuble, je ne savais plus quoi penser.
Cela faisait à présent deux ou trois semaine qu'il ne s'était plus rien passé ; nous n'avions pas eu l'occasion de nous revoir seuls.
Enfin, cela me convient mieux, car son comportement trop ambiguë et lunatique m'aurait fait perdre les pédales à un moment où un autre.
Mes journées consistent donc depuis un mois à aller au travail, à y discuter avec Esther et à retrouver le groupe soit au studio, soit dans un bar du coin, ou directement lors de concerts pour faire leur photos.
Je passe d'excellent moments, et mes clichés llors de leurs concerts les ravissent. Plusieurs apparaissent maintenant sur leur instagram, ainsi que leur site internet. Ça me fait vraiment plaisir, mon travail n'avais jamais été qu'un loisir auparavant.
Esther, elle ne se joint plus que rarement à nos rendez-vous nocturnes : elle enchaîne les entretiens, jusque tard. C'est étrange, mais elle m'a l'air très motivée dans sa recherche et je ne peux qu'être ravie pour elle.
Ce soir, j'accompagne le groupe pour un autre concert : j'adore ça, mais le mélanger avec mon job chez le disquaire devient de plus en plus compliqué. Je rentre très tard, et n'ai que très peu d'heures de sommeil. Je ne sais pas quoi faire, car je n'ai pas envie me m'éloigner du groupe, mais mes cernes viennent contredire mes paroles.
Je comptais leur annoncer tout ça ce soir, autour de nos déjeuners habituels. Je ne renonce pas complètement à mon rôle de photographe (qui m'était tout de même un peu rémunéré), mais je préfère espacer les concerts, histoire de pouvoir me reposer aussi.
20h, je sors de chez moi pour les retrouver dans un petit restaurant, à quelques pas de chez moi.
Quand je suis arrivée, tous étaient déjà attablés.
- Che bella ! On t'attendais pour commander, me lança Thomas avec un grand sourire.
Je m'assis à côté de lui. J'avais un douloureux pincement au cœur, en pensant à ce que j'avais à leur dire. Je le faisais contre ma volonté. Luca m'avais fait remarqué plus d'une fois mon manque de rigueur du à cet épuisement perpétuel, et au delà de mon état personnel, décevoir Luca m'attristait grandement.
- J'ai quelque chose à vous dire, leur annonçais-je avec une voix un peu tremblante.
Je vis à tous leur regard inquiets, ce que me fendit encore plus le cœur.
Pour m'en débarrasser le plus vite possible, je leur expliquai toute la situation. J'ai fortement insisté sur le fait que je faisais tout ça à contrecœur, pour attiser leur tristesse, ainsi que la mienne.
Quand j'eus finit ma tirade, un silence de mort se fit. Victoria me fixait, la bouche entrouverte et les yeux hagards, Ethan semblait figé et Thomas fronçait les sourcils à s'en faire des rides.
Damiano lui, se contentait de me fixer dans les yeux, sans émotion apparente.
Thomas prit la parole :
- C'est que... Je..., on, je veux dire... avions eu un petit entretien avec Luca, avant de venir.
- C'est à dire, lui demandais-je.
- En fait, avec ton accord évidemment, on lui avait demandé si il serait d'accord pour que tu viennes définitivement travailler avec nous. Comme photographe. Officielle. Et payée, évidemment. Mais c'est comme tu veux. Si tu tiens à te focaliser sur le disquaire, je, on comprendrait totalement.
Le cœur battant, je mis quelques secondes à comprendre l'ampleur de la phrase de Thomas. Je me rendis compte que j'avais peut être pris trop de temps pour répondre lorsque je vis leurs visages déconfits. Ils avaient du prendre mon silence pour un non.
- Vous êtes pas sérieux ? Vraiment ?
- Ben oui, me répondit Victoria.
- Mais Luca est d'accord ? Qui me remplacera ? Évidemment que j'accepte la proposition, ça serait insensé de faire le contraire, mais je ne veux pas laisser Luca dans l'embarras...
Pour une fois, ce fut Damiano qui prit la parole :
- En fait, on a procédé à un petit échange. Tu viens avec nous, et en attendant, on s'engage à lui trouver remplaçant.
Je ne pouvais plus m'arrêter de sourire, tant le soulagement était intense.
- Je ne sais pas comment vous remercier. Tous.
- Pas besoin, bella, rit Ethan.
En un claquement de doigts, tout s'était arrangé : j'étais engagée auprès de Måneskin. Aussi simple que ça.
Le reste de la soirée se passa comme sur un nuage. Et je crus remarquer, sans les yeux de Damiano, une lueur de soulagement, qui s'opposait à la paniqué que j'y avais vu lorsque j'avais pris la parole pour leur annoncer ma nouvelle en tout début de repas.
- Et si on allait chez moi ? proposa Vic (qui m'avait demandée de l'appeler ainsi), pour finir la soirée tranquillement? Avec une ou deux bouteilles de Limoncello...
Personne ne répondit à voix haute, mais tous les regards voulaient dire la même chose.
Nous partîmes donc en direction de chez elle, dans sa voiture. Elle habitait à quelques rues du studio, dans un joli appartement.
Nous nous assîmes tous sur le canapé, et Vic sortit ses bouteilles de liqueur.
On a enchaîné les shot jusque tard, pendant qu'ils me racontaient confusément et en s'esclaffant des anecdotes sur le groupe et les concerts. Je n'avais jamais pris autant de plaisir avec eux que ce soir. Même Damiano, d'habitude discret et renfermé, participait volontiers.
Au bout de quelques temps, Ethan posa une question à Daminio :
- Eh, mec, tu nous avais parlé d'une nouvelle vieille chanson hier. Sur ta gonzesse de 2018 ? finit-il dans un éclat de rire.
- Tu nous la joue ? poursuivis Thomas. Allez, meeeec.
Malgré son état assez éméché, Damiano se braqua directement.
- J'ai jamais parlé de ça. Elle est vieille, sans intérêt et écrite à la va vite pour une fille que j'ai à peine remarquée durant le concert. Foutez-moi la paix avec ça.
Sur ces mots, il se leva et partit en direction du balcon, duquel il claqua la porte vitrée. À travers, on pouvait le voir nerveusement sortir une cigarette de sa poche.
- Je sais vraiment pas ce qu'il a en ce moment. Ça a commencé environ quand on t'a rencontré. Ce n'est qu'un indicateur temporel, évidemment je doute que tu en sois la cause, annonça tristement Vic.
- J'essaierai de lui parler dans la semaine, conclu Ethan. Mais en attendant, on va pas se faire de mauvais sang à cause de lui alors qu'on vient d'accueillir notre nouvelle photographe officielle !
Tous les quatre, nous rirent avec joie, pour tous cacher, je crois, au fond de nous, notre inquiétude vis à vis de Damiano.
Je jetais un coup d'œil au balcon, ou il fumait toujours. Je le voyais nous regarder dans le reflet. Je détournais mes yeux quand son regard croisa le mien ; et continua à parler comme si de rien n'était.
Quelques minutes après, je me décidais à partir. Même si j'étais à présent libérée de mes anciennes obligations professionnelles, je tenais à passer à la boutique demain pour remercier Luca. Il fallait que je sois un minimum en forme.
- Dam ne m'a toujours pas l'air en état de te ramener, dit Thomas. Si tu veux, je m'en occupe !
- Merci beaucoup ! T'as pas trop bu par contre ? Parce que je me sens pas très bien et pas en l'état de conduire.
- Nan, t'inquiètes, je gère ! Ciao les mecs, lança t'il à l'adresse d'Ethan et Victoria.
- A plus ! rétorquèrent-ils.
Nous nous concertâmes tous du regard pour savoir si valait le coup d'aller voir Damiano. Mais vu son air concentré sur sa troisième clope au moins, les yeux posés sur la ville, un accord silencieux nous mit du même avis.
Thomas et moi descendîmes les escaliers, tandis qu'il me tenait un peu par la taille, car je titubais à cause du nombre de verres ingérés. Quand Vic a précisé que c'était un Limoncello à 40 degrés, elle a du oublié une dizaine !
Je manquais de tomber plus d'une fois, alors Thomas me serrait un peu plus à chaque chute. On rigolait comme des enfants.
Quand nous fûmes sortis sur le trottoir, il s'arrêta quelques secondes pour chercher ses clés de voiture.
Pendant qu'il s'acharnait à fouiller dans sa poche, j'en profitais pour le remercier encore une fois :
- Vraiment Thomas, merci pour tout. Je ne sais même pas quoi dire.
- Mais c'est rien ! On  apprécie tous beaucoup trop ta compagnie pour ne pas penser à t'offrir un job avec nous, dit-il en ponctuant sa phrase avec un clin d'œil.
J'allais lui répondre, lorsque je vis flou encore une fois et tombais dans sa direction.
Alors qu'il me rattrapa une énième fois, j'en profitais de cette occasion pour le serrer dans mes bras et lui faire comprendre combien j'étais reconnaissante.
Il me rendis mon étreinte, tout en me murmurant :
- T'en fais pas, par rapport à Dam. C'est vraiment un con parfois. Mais je crois qu'il fait ça pour se protéger.
Avait-il lu dans mes pensées ? Et puis, pour se protéger de quoi ? J'aurais vraiment aimé qu'Esther soit la, ses conseils m'avaient souvent beaucoup aidés. En tout cas, il fallait vraiment que je lui fasse part de tout ce qu'il c'était passé aujourd'hui le plus rapidement possible.
Je me détachais de lui, et tenta de retrouver mon équilibre.
Il me pris par le bras, et m'emmena jusqu'à la voiture, à quelques mètres.
Au moment de m'y engouffrer, je levais à la tête et vis, au balcon, une silhouette nous fixant.
De la fumée s'échappait autour d'elle. Lorsqu'elle releva la tête, je vis, grâce à la lueur des lampadaires, quelque chose briller dans le coins de ses yeux.

Métro, boulot, Damiano Nơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ