Chapitre 32

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Monsieur König nous rappela le lendemain matin, dès 8h30.
- On vient de m'informer que l'affaire sera rendue publique demain, dans toute la presse du monde entier.
Nous en eûmes tous les larmes aux yeux. Le calvaire touchait à sa fin, nous allions bientôt pouvoir reprendre le cours de notre vie normale !
- Il faut que l'on rentre en contact avec Dam, nous dit tout de suite Vic. On a plus aucune raison les uns les autres de s'en vouloir, maintenant que nous avons tous connaissance de la vérité.
- Mais où est-il ? On a aucun contact avec lui. La seule chose que l'on sait, c'est qu'il était à Rome il y'a quelques jours pour l'émission.
À cet instant, un autre téléphone sonna. Le mien.
- Allô Anna ?
Je souris en entendant la voix qui se tenait à l'autre bout du fil.
- Luca ? Mon dieu, ça fait tellement longtemps ! Je m'excuse de ne pas t'avoir rappelé ces derniers temps...
- Ne t'inquiète pas pour cela ! Vous aviez sûrement bien n'autres problèmes à gérer, me répondit-il sans aucun sous-entendu. Et puis, entre nous, je me doute bien que vous n'y êtes pas pour grand chose concernant le depart de Damiano. Je vous connais depuis trop longtemps.
Je me rappelais alors que personne n'était alors sensé être au courant du coup de théâtre qui venait de se jouer ; il ne devait être rendu public que demain.
Et il était également vrai que Luca connaissait les amis bien avant que je ne fasse leur rencontre ; il les avait vu effectuer leur premiers concerts dans la rue, avec des guitares pas toujours très accordées et un public à moitié attentif.
- Ce n'est pas une raison...
- Bien sûr que si. Mais je ne t'appelle pas pour que tu culpabilises, plutôt pour vous transmettre un message. Que je suppose que vous attendiez.
A cet instant, je mis l'appel sur le haut-parleur afin que mes amis puissent l'entendre.
- Damiano vient de passer à la boutique. En chair et en os. Et il m'a laissé une lettre pour chacun de vous. Une lettre ; c'est bien étrange non ? Vous les jeunes, vous êtes plus sur textos pourtant, rit-il. Mais bref. De jolies enveloppes bien calligraphiées vous attendent sur mon bureau.
- Merci beaucoup, Luca ! On arrive de ce pas.

Mon cœur s'était mit à battre à un rythme insoutenable. Je sentais bien que le moment clé était celui-ci. Dam, en personne, était venu déposer des lettres à note attention. Et le fait que Luca ai mentionné une calligraphie particulière ne faisait que confirmer l'évidence qu'était celle qui prouvait que Dam en était cette fois bel et bien le véritable auteur.
Alors que nous étions à ce moment là en train de petit-déjeuner, nous sortîmes tous de table à une vitesse fulgurante.
L'avantage depuis quelques mois était que nous vivions constamment tous ensemble ; ainsi, nous allions heureusement pouvoir éviter les mille détour pour chercher tout nos amis les uns après les autres chez eux.
Thomas sortit les clefs de sa voiture d'un tiroir dans lesquelles elles étaient enfouies depuis des mois. Nous n'utilisons nos voitures personnelles que rarement, mais aujourd'hui, nous n'avions absolument pas le temps de commander un taxi.
Ethan sauta sur le volant, et démarra en trombe avant que nous soyons tous attachés.
Vu la vitesse à laquelle il roulait, nous aurions pu faire Rome-Paris en moins de deux heures, j'en suis presque certaine.
Ainsi, il se gara devant le petit commerce de Luca 5 minutes après qu'il ai raccroché.
Lorsque nous pénétrâmes dans la boutique, une vague de nostalgie me submergea.
Elle me renvoyait à une époque vieille de quasiment un an et demi, où je venais à peine de faire la rencontre de mes amis. C'était le début de ma nouvelle existence, ou même de mon existence tout court.
L'odeur qui émanait de chez Luca me rassurait plus que tout. Je me sentais en sécurité. Pourtant, j'avais conscience de fait qu'un instant crucial était sur le point de se jouer.
Luca sortit de son bureau en souriant.
- Vous êtes déjà là ? Super.
Il sortit de sa poche arrière les fameuses enveloppes.
- Une chacune. Il y'a vos noms dessus.
Il me tendit alors en premier la mienne, avant de distribuer les restantes aux autres. Puis il reprit :
- Par contre, je me sens infâme de vous dire ça, mais je vais devoir vous mettre à la porte... Je ferme boutique pour les vacances de février, je ne faisais qu'un dernier check-up ce matin. Damiano a eu de la chance, à quelques minutes près, il aurait été trop tard !
- Pas de soucis, Luca, au contraire ! Merci infiniment de nous avoir appelé. On reviendra te voir dès ton retour, lui dis-je en le serrant dans mes bras.
Il me répondit d'une petite tape affectueuse sur le crâne avant de me relâcher :
- Allez, les jeunes. Vous allez vous en sortir.
Comme si il a avait compris, depuis le début, l'enjeu que représentait ces lettres.
Nous lui sourîmes une dernière fois une retour avant de retourner, au pas de course, vers la voiture.
Nous avons convenus que nous n'ouvririons nos lettres qu'une fois rentré à l'appartement. Mais pendant tout le trajet, qui me parut cette fois-ci bien plus long que l'aller, la mienne le brûlait les doigts. Je sentais pulser le sang dans ma main, qui tenait fermement l'enveloppe verte, sur laquelle était copié, d'une écriture que j'aurais pu reconnaître entre mille, mon nom. Aurèle.
Nous remontâmes les escaliers rapidement, avant de nous asseoir, tremblants, sur le canapé. Nous ne savions pas ce que contenaient ces lettres. Mais nous savons tous qu'elles seraient décisives.
Les mains moites, je sortis de l'enveloppe la fine feuille qui y résidait.

À vous tous.
Je ne sais même pas par quoi commencer. Tout d'abord, peut-être, je vais justifier l'envoi de ces lettres. Je trouvais cela bien plus facile ( et bien plus lâche également) de vous écrire les choses au lieu de vous les dire en face. Par message, cela aurait été bien trop impersonnel ; alors la lettre m'a paru être une bonne solution. Sûrement que cela me permettait de boucler la boucle, par cette fois-ci, un texte qui découle de mes propres pensées, et non pas d'un semblant d'assemblage de mots qui a été dicté à mon insu. La première partie de la lettre est la même pour tout le monde ; un mot plus personnel pour chacun de vous se trouve à la fin.
Je tiens à m'excuser. Pour tout, depuis le départ. La culpabilité me ronge, et m'empêche de dormir. Je me sens tellement désolé d'avoir cru aux mensonges de ce connard de manager. Comment aurais-je pu, ne serait-ce qu'une seule seconde, douter de notre amitié ? Je ne saurais même pas, à postériori, vous expliquer pourquoi. Mais à partir du moment où j'ai accepté de le suivre, c'était déjà trop tard. J'étais à présent affaibli, à la merci de n'importe qui. Je croyais avoir perdu tout ce qui comptait le plus pour moi, n'importe quel nigaud aurait pu me faire gober n'importe quoi, à présent. L'engrenage s'était déjà bien enclenché. Peut-être l'était-il depuis longtemps, d'ailleurs ? Souvent, vous me surnommiez le chouchou ( du manager). Avait-il, dès le départ, échafaudé son plan ? Maintenant, avec le recul, tout le semble logique. Son plan, si j'ai bien compris ce que les douze-cents avocats que j'ai vu passer ces derniers jours, aurait dû être mit à exécution bien plus tôt. Mais l'arrivée d'Anna aurait tout chamboulé. De ce qu'on m'a raconté, en tout cas.
Mais je ne cherche pas à travers cette lettre à me déculpabiliser de quoi que ce soit, non. Je suis tout autant responsable. Les vraies victimes, ce sont vous. Si je n'avais pas été aussi con, rien de tout cela ne serait arrivé.
Alors je m'excuse, une dernière fois. Il ne serait pas juste de ma part que je revienne vers vous en prétendant que rien ne s'est passé. Je ne vous demande pas d'accepter mes excuses. Loin de là. Je crois qu'il vaut mieux, pour le bien de chacun, que je disparaisse une bonne fois pour toute. Mais ne culpabilisez pas ! C'est ma punition. Je vous aimes tous, plus que tout. Mon avion décolle ce matin à 9h30, en direction de la Sardaigne. Il ne sert à rien de me cacher, c'est évident. Ce serait encore une erreur égoïste de ma part. Mais j'espère que je serais déjà parti lorsque vous ouvrirez mon message.
Anna. Je ne sais pas qui dire. Répéter que je suis désolé ne sert à rien, je le sais. La seule chose que je te demande, c'est de me détester. Vraiment. Je pensais chaque mot de ce que je t'ai dit sur la plage. N'en doutes jamais ! Mais il est bien trop tard pour les pardons, alors passe à autre chose. Je suis bien trop con pour toi, tu mérites bien mieux. Je n'aurais jamais pensé dire ça, c'était pour les films culcul, normalement. Mais bon. Nous ne sommes plus dans la réalité depuis un bon moment.
Je t'aime, une dernière fois.
Damiano.

Je n'eus même pas le temps de pleurer. Nous finîmes tous de lire nos lettres quasiment en même temps, et notre premier réflexe fut de regarder l'horloge au mur. 8h58.
Sans un mot, juste dans un fracas violent, nous nous levâmes tous en même temps avant de nous ruer vers la cage d'escalier. Je manquais de m'y étaler plus d'une fois, mais un élan que je n'avais jamais ressenti jusque là me retint à chaque fois.
On sauta une nouvelle fois dans la voiture de Thomas, encore plus rapidement que plus tôt dans la matinée.
Quand j'avais dit que tout à l'heure nous aurions pu réaliser Rome-Paris en deux heures, vu la vitesse à laquelle nous nous dirigions dorénavant vers l'aéroport, on aurait plutôt fait Rome-Los Angeles en deux heures. J'ai cru mourir au moins six fois durant le trajet, mais à peine nous fûmes garés sur le parking que nous nous ruâmes à l'intérieur du bâtiment aussi vite que nous le pûmes.
L'aéroport était déjà bien rempli à cette heure de la journée. Nous nous frayâmes un passage tant bien que mal au milieu de tous les passagers, la plupart excédés par notre impolitesse à les bousculer sans y prêter attention. J'aurais voulu m'excuser, mais nous étions déjà bien trop en retard. Une voix féminine résonna soudain, alors que nous étions presque arrivé sur le tarmac de décollage.
"Les derniers passagers n'étant pas à bord de l'avion 378-F45 en direction de Caligari ne seront pas accepté. L'avion décolle dans 3 minutes".
À cet instant, lorsque l'annonce se termina, nous étions déjà à l'extérieur, à quelques dizaines de mètres de l'avion. Une dernière personne de précipita pour y rentrer. Elle fit soudain tomber quelque chose. Elle se pencha pour ramasser l'objet. Et au moment où elle se releva, son regard croisa le mien.
Quelques secondes suffirent pour nous perdre de nouveau dans les yeux l'un de l'autre. Quelques secondes qui me parurent être de longues minutes.
Dam ajusta soudain sa veste, essuya quelques chose de brillant dans le coin de son œil. Puis, sans me quitter du regard, il rentra dans l'avion.

Métro, boulot, Damiano Where stories live. Discover now