Chapitre 4

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Lorsque j'ouvris les yeux, des trombes d'eau tombaient du ciel. Je me remerciais intérieurement d'avoir cette fois ci bien fermé la fenêtre de mon salon.

Il était sept heure et quelques, alors j'en profitais pour commencer à me préparer en douceur.
Une fois habillé, j'ai rapidement avalé mon petit-déjeuner. Il me restait une bonne demi-heure avant de partir au travail, alors je me suis occupée des derniers cartons qui traînaient dans mon appartement.
Ils contenaient des rouleaux de posters, les derniers que je n'avais pas affichés. Je mis celui de Radiohead derrière mon canapé, le Sonic Youth à côté, près de mes guitares puis un énième des Beatles au dessus de mon lit.

Puis, je partis en direction du boulot. Pour éviter d'arriver trempée, je pris le métro. Je fus arrivée à destination plus rapidement que la veille, mais j'aurais tout de même préféré y aller à pieds.
Pendant le trajet, j'ai beaucoup repensé à hier soir. Esther à raison, Damiano est bel et bien insaisissable.

Luca m'accueillit avec la même bonne humeur que la veille, ce qui me remonta le moral, un peu morose.
Esther me rejoint quelques heures plus tard, alors que j'étais à la caisse.
- Salut ! Désolée d'avoir disparue en coup de vent hier soir, je suis allée boire un verre avec Thomas.
Je n'avais même pas remarqué qu'elle n'était plus la, mais c'est vrai que lorsque je suis renvoie en coulisse après avoir parlé à Damiano, il ne restait que Victoria.
Esther reprit :
- Vic m'a d'ailleurs dit que tu étais allée développer tes photos avec Damiano, non ? Comment ça c'est passé ? Je veux tout savoir.
- Il ne s'est rien passé, justement, il était très distant et froid. Je ne sais vraiment pas comment l'interpréter.
- C'est bizarre... Avec moi, il s'est toujours montré gentil, comme tout le reste du groupe, quoi. Mais hier, il n'étais pas dans son état habituel, c'est certain.

- De toute façon, on sera fixées ce soir : il m'a dit de les rejoindre au studio, pour que Ethan me donne mes clés de son appart. Je dois aller récupérer les photos d'hier. Tu pourras m'y emmener ?
- Bien sur ! En attendant, Luca vient de m'appeler. On a des caisses entières de posters à enrouler et à étiqueter. Valentino va prendre ta place à la caisse. Tu ne l'as jamais rencontré ? Il est encore au lycée, mais il vient nous aider de temps en temps. Il est un peu timide, mais bosse bien.
- Super. On s'y met ?
Et c'est ainsi que nous passâmes le reste de la journée à emballer, déballer, étiquettes et ranger divers articles, du vinyle au mediator.
Quand sonna 18h30, nous saluâmes Luca et Valentino, qui avait effectivement pris le relais.
La couleur du ciel commençait peu à peu à décliner pour laisser place à une aura orangée qui enveloppait toute la ville.
Le studio se trouvait assez loin, si bien que nous dûmes enchaîner une suite de bus et de trams durant une bonne heure.
Le vigile qui se tenait devant la porte ne voulait pas nous laisser tenter, alors Esther appela Thomas, afin que l'on puisse pénétrer dans le bâtiment sans avoir à franchir cette armoire à glace.
- Cool, vous êtes là. Dam n'est pas la, on l'appelle depuis le début de la journée mais il ne répond pas. On est tous sur les gonds.
- Merde, confirma Esther. Merde. Comment vous avez fait, sans chanteur ?
- Rien, justement. Ca coûte une blinde, réserver un studio. C'est vraiment pas cool. J'espère malgré tout qu'il ne lui est rien arrivé...
- Vu comme il était hier, je ne crois pas qu'il ait quelque chose de grave, renchérit-elle.
- Hein ? Je ne l'ai pas trop vu, mais il ne m'a pas paru plus étrange que ça. Bon, montez. On va pas geindre dessus plus longtemps, on s'en est déjà occupé toute la journée.
Nous suivîmes Thomas dans un dédale de couloirs et d'escaliers, avant d'arriver devant une salle dans laquelle il entra.
Divisée en deux par une vitre en verre, la pièce était donc faite pour les enregistrements.
- Salut ! crièrent en cœur Victoria et Ethan.
- Je leur ai expliqué, pour Dam. C'est cool que vous soyez là, ça va nous remonter le moral, soupira Thomas.
- Mais oui, ne vous en faites pas. Il m'avait l'air un peu fatigué et morose, quand je l'ai quitté hier soir, les prévins-je.
- Bon ! Les filles, vous savez jouer, oui chanter ? On va s'amuser un peu.
La proposition de Victoria m'a paru être la bonne.
- Oui, je joue un peu de guitare, leur dis-je.
- Super ! Y'en a une derrière la table, prends la. On joue quoi ?
Et c'est ainsi que, Esther au micro, Thomas et moi à la guitare et Ethan à la batterie, nous passâmes un excellent moment. On a réécouté les enregistrements, et je dois avouer qu'ils étaient plutôt pas mal.
- Anna, on va chercher les photos ? me demanda Ethan.
- Yes ! Mais venez tous, ça sera plus sympa.
Tout le monde se dirigea alors vers la sortie, en direction de chez Ethan. Pour le trajet, une voiture était prévue à cet effet : c'était bien plus agréable que les transports en commun.
Au moment ou j'ouvrais la portière, Esther s'exclama :
- J'avais complètement oublié... J'ai un entretient d'embauche dans deux heures. Mieux vaut me préparer.
- Dommage... Un entretien la nuit ?
- Oui ! Le patron m'a dit que les journées étaient très chargées, alors ils faisaient les entretiens en soirée.
- Bon, bonne chance alors. J'espère que tout se passera bien pour toi, bisous !
Sur ces mots, elle nous quitta.
Dans la voiture, la conversation allait bon train. Quand nous arrivâmes devant chez Ethan, toute frustration à propos de Damiano s'était envolé.
Mais quand tout le monde pénétra dans l'appartement, quelle ne fut pas notre surprise ! Damiano était la, affalé sur la table, endormi.
Thomas se pencha pour le réveiller :
- Eh, mec ! Qu'est ce que tu fous ici ?
- Hein ? Je... Les mecs... balbutia Damiano.
- Tu répondais pas parce que tu dormais ?
- Non ! J'écrivais. J'ai passé toute la journée et la nuit dernier à écrire. J'ai retrouvé un vieux son que j'avais écrit il y'a deux ou trois ans.
- Ah, ok . Mais préviens nous la prochaine fois, histoire qu'on paye pas la journée de studio, prévins Victoria.
- Je sais, je suis désolé.
- On vient pour les photos, tu veux les voir ?
- Oh oui, bien sûr.
Il me jeta un regard empli de confusion, puis se pencha pour ramasser d'un air un peu paniqué tous les papiers qui traînaient sur la table.
Thomas le regarda faire d'un air mi-perdu mi-amusé, puis suivit les deux autres partis en direction de la pièce où attendaient les photos. Une fois récupérées, nous nous installâmes au salon pour y voir plus clair :
- Attends, Anna...
Tous avaient le souffle coupé, et semblaient ébahis.
Je dois avouer que les clichés rendaient plutôt bien. C'était un euphémisme, évidement, mais entre mon point de vue et celui des autres, je préférais garder ma satisfaction pour moi et rester modeste.
Thomas tenait entre ses mains celle qui était visiblement celle de I wanna be your slave, vu les gestes de Damiano. Le noir et blanc rajoutait un effet dramatique et intense. Une véritable émotion se faisait ressentir à travers les images.
- Elles sont incroyables, conclu Victoria.
- Merci, ça me fait vraiment plaisir !
- Samedi prochain, on a un autre concert. Et le mardi, vendredi et samedi suivant. Ça te dirait de revenir en prendre ? proposa Ethan.
- Bien sur ! Mais il faut que je m'arrange avec Luca, je viens à peine d'arriver et je ne voudrais pas manquer trop de travail.
- On s'arrangera avec lui, t'inquiète pas pour ça, rit-il, en me faisant un clin d'œil.
Damiano, lui restait de marbre. J'aurais aimé connaître son avis.
Avant que je n'ai pu lui poser la question, les trois autres se levèrent et proposèrent d'aller manger ensemble quelque part pour fêter ça. J'acceptais avec plaisir, et malgré son mutisme, Damiano aussi.
La soirée fut très agréable, et je me félicitais intérieurement de m'être si rapidement intégrée. C'était complètement fou, avec le recul, ce qu'il m'arrivait. J'étais à peine arrivée depuis deux mois, que je sympathisait déjà avec un des plus grand groupe de rock. Mais je ne crois pas au hasard, alors je préfère continuer à profiter de l'instant au lieu de me poser des questions.
Quand le repas toucha à sa fin, Thomas se proposa pour payer l'addition pour tout le monde. Je refusais tout d'abord, avant d'accepter face à son insistance.
- La meilleure des photographes ne doit pas payer son repas.
J'ai ris à sa blague, avant d'annoncer à tout le monde que je devais rentrer. Victoria s'enquit :
-Tu sais comment revenir chez toi ?
Je réfléchis un moment, avant d'avouer qu'effectivement ça allait se révéler plutôt compliqué.
- Dam, t'as qu'à venir avec elle. On rentre tous, et t'habites juste à côté.
Damiano habitait à côté de chez moi ? Je n'étais pas au courant.
Il accepta, sans réticence et même avec un léger sourire en coin. Victoria s'écria :
- On retrouve enfin notre Damiano habituel !
Il esquissa un nouveau sourire et me lança un regard inquisiteur :
- On y va ! dis-je, pour répondre à sa question non-formulée.
Je dis au revoir à tout le monde, et suivis Damiano dans la cage d'escalier.
Il ne dit pas grand chose pendant qu'il conduisait. Il était déjà très tard, deux heures du matin passées.
Il se gara, et me dit ses premières paroles de la journée :
- Je me gare là, je suis juste en face de chez toi.
En face ? Il n'y a qu'un appartement aux stores continuellement fermés, devant chez moi.
Je ne relevais pas sa remarque et le remerciais de m'avoir raccompagné une nouvelle fois.
- De rien. Une dernière clope pour la route ?
J'acceptais volontiers sa proposition.
Cette fois ci, nous discutâmes beaucoup: il me raconta sa rencontre avec le groupe, leur histoire avant de commencer à me poser des questions sur mon arrivée.
Je n'étais pas très à l'aise sur ce sujet, alors j'ai préféré mettre fin à la conversation. Je m'en voulais un peu, pour une fois qu'il semblait s'être ouvert.
- À demain, peut être.
- À demain.
Il me fixa encore quelques instants, sans bouger. Puis j'ai réalisé que c'était à moi de m'en aller. Un peu gênée, je tournais les pas précipitamment.
- Attend ! m'interpella t'il.
Il s'avança vers moi. Son visage n'était plus qu'à quelques millimètres du mien.
Je cru qu'il allait m'embrasser, mais il se recula soudain vivement, comme si il avait cédé a une pulsion incontrôlable. Le regard perdu et paniqué, il partit précipitamment, sans un mot.
Je restais donc là, les bras ballant, toute sonnée de ce qu'il venait de se passer.

Métro, boulot, Damiano Where stories live. Discover now