Chapitre 14

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Il s'assit à côté de moi. Je sentais sa présence, malgré le noir, grâce à son parfum ainsi qu'à la chaleur qui émanait de lui. C'était si rassurant.
- Tu as eu ma lettre ?
- Oui, Esther me l'a donné au réveil. Elle m'a vraiment fait plaisir, lui dis-je avec un mince sourire en sa direction.
Il me sourit faiblement en retour.
- Merci, merci pour tout. Je ne préfère pas imaginer ce qu'il serait arrivé si tu n'était pas arrivé à ce moment là...
- Oh, ne t'inquiète pas pour cela. Vraiment, si je, on avait pas été tous aussi con, au point de se séparer, rien de tout cela ne serait arrivé.
- Mais comment as tu eu l'idée d'aller dehors ? Je veux dire... Pile à cet instant...
- Ce mec avait pas l'air net, c'est tout, me coupa t-il brutalement. J'ai préféré juste aller vérifier que tout allait bien.
On ne dit plus mots pendant quelques minutes. On admirait la vue, encore faiblement illuminée par le halo du soleil de cette fin juin descendant lentement.
- Et toi, reprit-il, pourquoi t'as voulu t'embarquer avec ce type ?
- Parce-que je suis majeure, je ne suis dépendante de personne et que si je veux m'envoyer n'importe qui sur terre, c'est moi qui décide.
- Roh, ne t'énerves pas, répliqua t-il en ricanant. Moi je crois surtout que tu étais trrrrrès jalouse... De moi.
- N'importe quoi, répliquais-je en piquant du nez.
Il se rapprocha de moi. Je sentais son épaule contre la mienne, et son odeur qui en émanait me donnait juste envie de le serrer très fort contre moi. Mais je ne pouvais pas, je me mentais promis.
Cette frustration soulevait en montagnes de colère et de tristesse. Je les repoussais la plupart du temps comme je le pouvais, mais des fois ces vagues se transformaient en tsunami. Comme maintenant.
Leur écume commença à dévaler les joues, par petites gouttes régulières puis plus abondamment. Je pleurais de tout mon soûl, toutes les émotions de ces derniers jours ressortant au travers de mes larmes.
Les bras de Damiano s'étaient enroulés autour de moi, et je me serrais contre sa poitrine. Il se balançait doucement d'avant en arrière, et ce mouvement fit petit à petit sécher mes pleurs.
Je me redressais, toute honteuse d'avoir été vue en si grande position de faiblesse. Dam sembla lire dans mes pensées et me dit :

- C'est pas grave de pleurer. Refouler ses émotions est vraiment le pire truc à faire. Vraiment. C'est une chose que j'ai faite pendant des années, jusqu'à l'explosion. Tout ce qui s'est passé ces derniers jours à vraiment été très intense, et il faut que tu extériorise tout ça !
- Merci. Oh, désolée, j'ai un peu reniflé dans ton t-shirt.
Il rit.
- Pas grave, garde le comme mouchoir si ça te fait plaisir !
Il resserra son étreinte contre moi. Je ne m'étais jamais sentie aussi bien après une crise de larmes. Mes pensées étaient confuses, je n'arrivais plus à réfléchir correctement. Lorsque sa main s'approcha un peu trop près de mes lèvres, je reculais vivement.
- Je... commença t-il.
Je le coupais instantanément :
- C'est moi qui suis désolée, Damiano. Il faut que je te dise quelque chose. Je... Je ne veux plus de ces situation d'ambiguïté. Le chat et la souris. Tu m'embrasses, tu disparais, et vice-versa, et on fait comme si de rien n'était... Je n'en peux plus. Je n'en veux plus.
- Je...Je comprends tout a fait. Mais on ce l'était déjà dit, non ? Juste amis.
- Mais ça n'a pas l'air de vraiment fonctionner.
- C'est vrai. Alors je te propose un truc : le prochain qui tente quoi que ce soit à perdu. Il doit quelque chose à l'autre. Ce qu'il veut.
- Mais ça sous-entends qu'il est presque autorisé de tenter ces trucs. Moi, je veux que l'on soit clair l'un envers l'autre, sans pour autant refouler nos sentiments.

- D'accord. Alors voici ma seconde proposition : le premier qui tombe amoureux a perdu. Comme ça, personne de refoule quoi que ce soit. Et on ne tente rien. Juste amis !

- Si tu veux... Mais je ne vois pas pourquoi un contexte d'amour rentre la dedans. Mais j'accepte. Et que devras l'autre en cas de défaite ?
- Ce qu'il veut. Tu tombes amoureux, tu perds.
- Vendu.
Nous nous fixèrent dans les yeux pendant une dizaine de secondes, en tentant de ne pas rire. Puis, aussi fatigués l'un que l'autre, nous allâmes nous coucher sans attendre le retour des autres.
Alors que j'étais sur le point de m'endormir, mon pari avec Dam continuait de me trotter dans la tête. Je n'allais pas perdre. Je me l'interdisais. Mais lui non plus n'avait pas l'air très décidé à déclarer forfait.
Et oui, après tout, ce n'était qu'un pari débile. Je n'allais pas me tracasser avec ça. Je m'endormis ensuite rapidement, mais avec malgré tout une légère boule au ventre qui ne me quitta plus depuis ce pari.

Le lendemain, un énième avion nous et tendant en direction de Lyon, puis Bordeaux le lendemain. Ces trajets incessants m'épuisaient, mais l'euphorie de la tournée me faisait quasiment tout oublier.
Puis, au fur et à mesure que nous avancions dans ces dates, le temps se mit à avancer plus vite. Et ce n'est que quand le nouvel album de Måneskin sortit que je réalisais que cela faisait déjà plus de deux semaines que nous étions partis.
Tous les concerts se ressemblaient, et quand bien même le public était très différent à chaque fois, il restait inlassablement le même pour moi chaque soir.
Les photos que je pris durant cette période furent fantastique, et je me rendis compte que je n'avais jamais pris autant de plaisir à exercer mon métier de photographe.
Depuis la sortie du nouvel album, le 3 juillet, la liesse était encore plus intense que d'habitude. Le peu de concerts auxquels il restait des places de disponible furent rapidement complets.
Mais la célébrité, comme n'importe quelle chose, a son revers de médaille. Les paparazzis n'avaient jamais été aussi présents. Il nous était impossible maintenant de faire une simple sortie en ville ou d'aller au restaurant sans les attirer. Les rumeurs concernant ma relation avec Dam ne cessaient de s'affoler, et quasiment une fois par semaine, nos visages se retrouvaient imprimés sur des magazines people.
Alors, à contre-cœur, nous avions tous, après une decision commune de groupe, décidés d'arrêter de se montrer en public. Ensemble, en tout cas.
- Je n'en peux vraiment plus, s'exclama Vic. Avant la tournée, ils n'étaient pas aussi présents. Depuis le nouvel album, par contre, ça y va.
- Moi aussi, j'en ai marre, répondit Thomas. Esther, je suis tellement désolé. De t'imposer ça. Je voudrais que l'on puisse vivre comme tous les couples normaux, sortir le soir, aller au cinéma, se promener... Mai tant qu'on ne sera pas au moins rentré à Rome, ça ne sera pas possible.
Celle ci lui répliqua :
- Ne te tracasses pas avec ça ! On a tous conscience de la pénibilité de la chose. Mais on va trouver des solutions, c'est promis. Ne t'en veux surtout pas pour ça.
De mon côté, la chose qui me gênait le plus était les rumeurs concernant Dam et moi. Lui ne semblait pas les prendre plus mal que ça, mais c'était pour moi un véritable calvaire. Cela était tout à fait contraire à ce que nous nous étions fixés, même si c'était contre notre gré.

Prétendre que nous étions un vrai couple. Alors qu'en mon for intérieur, c'était un vrai combat interne chaque jour. « Quelle idée d'avoir fait ce pari... »  «  Tu ne peux pas l'aimer » « Regarde comme il te fixe, il t'aime c'est sûr » « Regarde comme il parle à ces filles, comment à tu pu t'imaginer de telles choses ?
Puis je prétendais en public que cela ne m'affectais pas.
19 juillet. On était déjà le 19 juillet. Le temps passait si vite. Tous les jours se ressemblaient : concert, avion, hôtel, soirée. Ce rythme ne me déplaisait pas non plus ! Je restais tout de même prudente et sur mes gardes depuis l'incident de Paolo. Dam fait très attention, et veille à ce que nous soyons toujours à portée de vue des uns des autres quand nous sommes dans des lieux inconnus. Il est très rassurant.

La tournée touchant de plus en plus vite à sa fin, la fatigue accumulée se fait vite sentir, car des nombreuses tensions naissent chaque jour. Elles se résolvent très vite, mais le moral des troupes commence sérieusement à décliner.
Tout le monde n'avait qu'une hâte : rentrer à la maison.
Retrouver la routine, le studio, les terrasses. Mes discussions nocturnes avec Dam. Sa cigarette au coin de la bouche. Sa voix recouvrant le son de ma guitare.
3 Août. Nous sommes en Russie. Une des raisons pour lesquelles j'adore cette tournée, c'est le voyages. Jamais je n'ai vu en si peu de temps autant de cultures différentes défiler sous mes yeux, et je n'en perds pas une miette. Mon appareil photo ne me quitte plus. Vic devant le Kremlin, Ethan sur la place Rouge.
Esther et Thomas souriant sous le soleil moscovite. Les photos respirent malgré tout la joie.
Finalement, concernant le pari avec Dam, je crois que je m'y suis habituée. On se comporte a présent comme des amis « normaux », et cela me fait le plus grand bien. Plus de baisers à la sauvette, de pleurs sur les épaules de l'un et l'autre.
15 Août. Avant dernier concert. Je crois que j'avais commencé à prendre l'habitude de ce nouveau rythme, mais le voilà qui se stoppe dans quelques jours à peine. Je suis tout de même un peu triste à cette idée.
19 Août. L'avion vient d'atterrir à Rome. L'odeur. Les gens. La langue. Les rues. Mon appartement. Le studio. Pour fêter notre retour, on s'est rendu au studio. On s'est tous enfilé des verres à n'en plus finir. J'aurais voulu embrasser Damiano. Je crois que lui le voulais aussi. Mais même avec l'alcool coulant à flot dans le mes veines, je me souvenais du pari. Lui aussi. On s'est contenté de se dévorer du regard sous l'œil certes amusé mais soûl de tout les autres.
Le lendemain, quand je me suis réveillée, j'ai eu terriblement honte de la veille. Je crois que lui aussi.

Métro, boulot, Damiano Where stories live. Discover now