𝐒𝐄𝐋𝐅𝐈𝐒𝐇

Chapitre 58

|Pour ce dernier jour de l'année, voici un nouveau chapitre ^^
Bonne lecture !
btsdreams13  |

Peu importe dans quel sens les pensées de Jimin s’entrechoquaient, elles n’en avaient jamais de conclusions. L’engrenage dans sa tête avait cessé de fonctionner correctement. En fait, à ce moment précis, il n’avait jamais eu aussi peur. Peur qu’on lui arrache ce qu’il avait enfin cherché depuis si longtemps. L’affection de quelqu’un.

« Merci d’être resté »

Pour lui ça ne voulait rien dire d’autres que « je reprends le flambeau ». Il ne se sentait pas spécialement trahi, en fait ça n’avait rien à voir. Au fond, il savait bien que son petit train ne roulerait pas pour toujours sur les mêmes rails. Il aurait bien fini par croiser la route d’un carrefour. Alors, pourquoi avait-il l’impression d’avoir été pris au dépourvu ? Il devait s’y attendre. Taehyung l’avait prévenu.

« Je reviendrai quand je serai assez fort pour la protéger » avait-il dit.

Voilà chose faite. Il était devenu le patron qui dépassait des envergures titanesques. Et va savoir par quels moyens. Il s’était élevé si haut que la chute lui serait fatale, en imaginant qu’il puisse tomber un jour. Mais ça n’avait pas l’air d’être le cas. En atteignant un tel statut, il y avait peu de risque pour qu’il se prenne les pieds dans une racine. Jimin avait eu quelques fois cette pensée, les « et si » ou « peut-être que » étaient à la pointe de ses pensées. Néanmoins, il les laissait vite de côté. Car il n’était pas comme son frère. Il ne voulait faire de mal à personne. Pas même à celui qui risquerait de lui voler son trésor.

Taehyung : Tu as été rapide.

Face à lui, en plein milieu du trottoir, Taehyung portait Nayu sur son dos. Elle dormait profondément. Jimin, essoufflé par la course folle qu’il venait d’entreprendre, essuie de sa manche les gouttes de sueurs qui lui tombaient dans les yeux. Son cœur ne voulait décidément pas se calmer, il avait l’impression d’avoir un tambour à la place de celui-ci. Seul un lampadaire éclairait leur chemin. Ils ne s’étaient pas retrouvés tous les trois depuis ce soir-là.

Jimin : Alors ça y est. Tu reviens. Tu es assez fort ?

Taehyung : Pas vraiment. Mais disons que mon cœur fait des siennes en ce moment.

Jimin : Ton cœur ?

Taehyung : Je pensais pouvoir tenir encore un moment sans l’avoir à mes côtés.

Avec une tendresse que Jimin avait rarement eu l’occasion de voir, Taehyung pose ses yeux sur celle qu’il portait.

Taehyung : Il s’avère que je me suis surestimé.

Une colère se met à grandir, à bouillir dans les chaires de Jimin.

Jimin : Et donc ? Maintenant lassé de son absence, tu décides de revenir comme si rien n’était ? Est-ce que tu sais au moins à quel point elle en a souffert ? Est-ce que tu sais qui était là chaque soir pour veiller sur elle ? Pour la réconforter ? Qui était là quand elle était au plus bas ? Qui était là quand la mort est venue la chercher à plusieurs reprises ? Elle ne voit que le monde en noir et blanc, fini les couleurs depuis que tu t’es dissipé dans la nature. Elle n’a plus goût à rien. Ses « je vais bien » sont imprégnés par le mensonge et pourtant elle ne cesse de dire qu’elle s’en sortira. Mais elle ne s’en sort jamais. Elle rechute toujours et encore plus bas qu’elle ne le pourrait. Son père est mort d’inquiétude, il gagne dix ans d’âge pour chaque année qui passe. Et moi… et moi j’ai chaque jour peur qu’on m’appelle pour me dire « elle l’a fait, elle n’est plus là, elle l'a rejoint ». Mais rejoindre qui ? Oui, qui ? Puisque toi-même tu ne t’y trouves pas, là où elle veut aller. Elle sera le restant de sa vie, traumatisée par la mort. Par ce qu’on peut lui arracher. Moi, j’étais là. Toi non.

Taehyung n'avait pas cillé, ni bougé d’un pouce.

Taehyung : Je t’ai rarement vu aussi expressif.

Jimin : C’est tout ce que tu as à dire ?

Taehyung : Non, mais ce n’est pas vraiment l’endroit pour en parler.

Jimin : Tu veux que je t’invite à boire un verre peut-être ?

Taehyung : A l’occasion.

Jimin se mord la lèvre, complétement irrité par son comportement.

Taehyung : Je plaisante.

Jimin : Sérieusement…

Taehyung, ses cheveux noirs bouclant légèrement sur son front, s’approche d’un pas, puis de deux. Il se tourne de façon à ce que Nayu soit dos à Jimin.

Taehyung : Ça sera… la dernière fois que je te la confie. Prends-la.

Les frissons se mettent à parcourir le moindre bout de peau du garçon. La dernière fois… non, Jimin ne voulait pas. Et malgré tout, il se contente de la prendre dans ses bras en refermant son étreinte aussi fort qu’il le pouvait. Taehyung se retourne, poussant les quelques mèches rebelles de la jeune femme. Il y dépose sur son front, un baiser qui aurait pu durer toute une vie s’il l’avait voulu. Oui, il n’avait jamais cessé de l’aimer. Jimin en avait bien conscience. Peut-être même trop.

Jimin : Comment tu comptes lui expliquer tes années d’absences ?

Taehyung : Je ne sais pas trop encore… Je ne sais même pas si je serai moi-même capable d’aligner un mot devant l’autre. Je verrai le moment venu.

A-vrai-dire, il n’y avait pas vraiment de bonnes façons pour s’y prendre. A ce moment-là, les mots ne viendront que du cœur et non de la tête. Ça n’aurait servi à rien d’y réfléchir en amont. Il n’y avait rien de mathématiques là-dedans. Quoique, on aurait pu définir ça comme le théorème de l’amour. Mais c’était bien trop cliché pour les deux garçons qui n’avaient jamais su comment s’y prendre.

Taehyung : Jimin, je suis désolé.

Jimin : Pour ?

Taehyung : Je savais. Les sentiments que tu as à son égard.

Jimin devient aussi livide qu’un cachet d’aspirine.

Jimin : …depuis quand ?

Taehyung : Un moment déjà.

Donc voilà à quoi Jimin devait s’abstenir de ses propres sentiments « un moment déjà ».