Merryl
Je câline autant que je peux les deux animaux qui sont ici pour retrouver un semblant de liberté en sachant qu'ils sont déjà condamnés. Et sachant la manière dont ils devront à présent vivre, je ne peux que m'identifier à leur tragédie.
« Je suis contente de vous voir. »
Taehyung s'assoit à côté de moi en prenant soin de graver le moindre détail de Asko et Hutcha dans sa mémoire. Et même s'il ne le dit pas, je vois la blessure qu'il porte dans ses yeux. Il tient énormément à ses animaux et il est indéniable que la hyène et le raton laveur l'aiment tout autant.
Asko retire le bandeau que je portais lors de la soirée libertine et il le dépose sur la cuisse de Taehyung comme si ce morceau de tissu fait de dentelle noire appartenait à son maître.
« Je n'ai pas envie de les laisser dehors. Hutcha a été habituée à vivre une partie de sa vie dehors mais pas Asko. Je sais qu'il restera en compagnie de Hutcha mais...
— Tu t'inquiètes pour eux. C'est normal. Mais tu viendras les voir autant de fois que tu le pourras et ils auront à manger grâce à toi. »
Je lui offre un sourire qui se veut rassurant et je pose ma main sur la sienne.
Malheureusement, le temps nous est toujours compté alors nous ne pouvons pas nous s'attarder ici.
Nous nous levons tous les deux alors que Hutcha et Asko se sont endormis l'un contre l'autre pour se tenir chaud et Taehyung n'est pas décidé à partir.
« Je vais te raccompagner et ensuite, je reviendrai là. Je n'ai pas envie de les laisser livrés à eux-mêmes. »
Je caresse une dernière fois les animaux en veillant à ne pas les réveiller et une étrange sensation me resserre la gorge.
Il est vrai que je ne connais pas beaucoup ces animaux. Nous n'avons pas passé autant de temps ensemble que je l'aurais souhaité mais ils m'ont offert de la joie dans mes journées sombres, solitaires et interminables. Avec eux, tout passait si vite.
En regardant les animaux endormis sur un rocher sous l'éclat de la lune bienveillante, je sens Taehyung passer son bras autour de ma taille et nous regardons les deux petites bêtes.
« Je ne les reverrai jamais. » je l'avoue tristement.
Une larme coule le long de ma joue et je me rappelle avec mélancolie de toutes les fois où Asko a fait sortir Taehyung de ses gonds lorsque je vivais cachée dans sa suite. Je me souviens avec asthénie des rires de Hutcha à chaque bêtise du petit raton laveur. Et tout ça me manque déjà.
« On dit que toutes les âmes sont censées se revoir une fois mortes. Taehyung explique.
— Oui mais elles se revoient uniquement si elles vont au même endroit. Les Gandharva m'ont accordé l'enfer. Ces petits êtres innocents iront, je l'espère, au Paradis.
— Pas sûr pour Asko. Il s'amusera à jeter des pommes sur toutes les âmes défuntes. Il sera rapidement banni. »
Nous plaisantons mais j'espère de tout mon être que ces animaux auront une belle vie devant eux malgré la nouvelle condition de leur vie. Ils ont été tant de fois déportés de leurs habitats.
Je sens la main de Taehyung se mêler à mes doigts puis m'attirer vers le chemin.
« Allez, viens. Tu dois rentrer. »
Sans conviction, je me laisse traîner par Taehyung vers les sentiers assombris par la nuit noire qui berce l'île des Terre qui ne se nomment pas. Quelques oiseaux nocturnes chantonnent tandis que nous marchons doucement sur le chemin que nous avons regagné.
« Ils vont me manquer. » je dis.
Pour une raison que j'ignore, j'ai la nette sensation que moi non plus je ne retournerai plus jamais dehors. Si Taehyung est déshérité, il n'aura plus les avantages qu'il possédait et nous ne pourrons peut-être plus nous voir en dehors de l'hôpital.
Je ne verrai plus les cerisiers japonnais que Taehyung a ravivé malgré les dernières nuits pluvieuses. Je ne verrai plus Asko et Hutcha. Et je crains de ne plus pouvoir profiter de mes moments privilégiés en compagnie de Taehyung, l'ancien fils héritier du clan Gandharva.
Nous marchons en maintenant notre silence mais quelque chose semble sur le point de prendre fin entre nous. Tous ces jours de bonheur vécus avec lui prennent une allure d'aboutissement et je ne suis pas sûre de m'en accommoder.
Je n'aurais rien dû attendre de nous. De ce que nous avons été mais Taehyung m'a offert une perspective de vie que je ne soupçonnais pas.
Et aussi étrange que soit la vérité, c'est un peu grâce à Lilith. Si elle ne m'avait pas accordé quelques jours de plus sur Terre, je n'aurais jamais eu ce temps si précieux près de Taehyung.
« Merryl, penses-tu qu'il y a réellement un avenir pour les Gandharva ? Je veux dire, est-ce que tu penses que ce clan vaut la peine qu'on se batte pour lui ?
— Le nom de ce clan ne vaut rien. je reconnais sans honte. Mais les civils n'ont rien demandé. Ils ne devraient pas mourir pour les décisions prisent pas les chefs des différents clans. Ce ne sont pas des choses qui les concernent à proprement parler. »
Je croche mon bras au sien et je lui souris.
« Ne te bats pour le clan. Bats-toi pour ce que tu juges juste. Le tout premier fondateur West pensait apporter la paix sur le monde entier pour enfin faire cesser ces guerres incessantes mais personne n'a su reprendre la bonté de son esprit. Que ce soient ses descendants ou ses ennemis, personne n'a su reprendre sa sagesse... Hormis toi. »
Je sais que lorsqu'on a des sentiments pour une personne nous avons tendance à le glorifier mais c'est au contraire l'importance de son existence qui m'a apporté ce sentiment d'admiration pour Taehyung.
Il est le signe qui m'a redonné espoir en la vie et son humanité.
« Dans les archives de tous les pays, y compris chef les Phoenix, elles parlent toutes d'un être qui viendrait au moment le plus critique du monde. Les guerres se développeraient de partout et tout espoir semblerait perdu. Puis, un Daïki, un homme à la volonté de fer, arriverait sur Terre et serait la voix des morts.
— Ma mère disait que j'étais la voix de ceux qui n'en avaient plus.
— Et ta mère savait qui elle avait mis au monde. Malheureusement, nous ne réécrirons pas l'histoire et toutes les injustices commises ne pourront pas être effacées mais ici, un homme est capable d'éviter les prochaines horreurs de ce monde. »
Taehyung jette un coup d'œil à la lune.
« Si je suis réellement le Daïki, si je rate... Qu'est-ce qui se passera ?
— Un Daïki ne rate pas. Sa volonté sera si forte qu'elle résonnera dans le cœur de chacun. On dit dans la légende que lorsque le Daïki poussera un cri puissant, il déchirera chaque être sur Terre. Et lorsque le Daïki tremblera de colère, le monde en sera transformé.
— Mais ce n'est qu'une légende.
— Les légendes naissent d'une vérité. »
Nous apercevons l'hôpital et je sais que demain sera plus fragile que cette nuit alors je nous arrête et je l'embrasse.
« Même si je ne serai peut-être plus là pour voir quel incroyable homme tu deviendra pour ce monde, n'importe où mon âme sera, elle sera fière de toi et louangera ta personne. »
J'ai peur de ne plus le revoir. J'ai peur de l'attendre quelques jours avant de comprendre qu'il ne pourra plus jamais me voir puis que je meure avec son souvenir et l'espoir de sa présence.
Il y a des mots que j'aimerais lui dire. Des mots que j'aimerais réciproques...
« Taehyung ?
— Oui ? »
Nous nous dévisageons un instant et je sens mon cœur battre douloureusement dans ma poitrine.
« Je... »
Taehyung relève un sourcil pour me motiver à poursuivre mais ma tête me l'interdit. Nous n'avons pas le droit. Ce n'était pas ce qui était prévu entre nous.
Je t'aime.
« Je suis contente que tu m'aies amenée voir Asko et Hutcha. » je me rattrape.
Je lui souris et il me caresse la joue tendrement. Un geste qui me touche autant qu'il me fait du mal.
« Ce n'est rien. »
***
De nouveau seule dans ma chambre, je m'avance vers ma fenêtre en regardant la lune et je me demande comment la vie évoluera. Pour la première fois de ma vie, j'ai peur mais pas pour moi. J'ai peur pour Taehyung, Asko et Hutcha. J'ai peur pour le monde...
La folie d'aujourd'hui sera l'extinction de demain.
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DIRTY HEART II - spare me -
قصص الهواة- Il est la voix que les morts n'ont plus. - Moi, je suis libre mais pas ma vie. Je devais être honoré et digne de ce que j'allais hériter. Je devais changer pour être une autre version de moi-même. Je ne voulais pas changer. Elle, elle n'ét...
