Chapitre 8

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Un flot de parole se mit à jaillir du haut-parleur. Hélios fut sommé de donner son identité. Il ne le fit pas, préférant rester muet. 

Il vérifia sa position sur la carte qui continuait miraculeusement à s'afficher. Il n'avait pas pu atteindre la Grèce. Il se trouvait à un peu plus de cinq cent mètres de la surface, entre deux pays du continent européen qui se nommaient la France et l’Italie. Ces deux États figuraient en haut de la liste de ceux que le jeune triton espérait visiter un jour. Et qu'il ne découvrirait finalement jamais. 

Hélios enfonça rageusement son poing contre le tableau de bord désormais inutile. Il trouvait si frustrant d’être arrêté si près de son but ! Quelques minutes de plus lui auraient permis d'atteindre son rêve. 

Puis une idée étrange commença à germer dans son esprit. Après tout… La pression ici était supportable. Et il n'était pas si loin de la surface. Il était un triton. Il pouvait y aller à la nage ! 

Sans plus réfléchir, Hélios retira hâtivement tous ses vêtements qu'il jeta sur le siège de pilotage avant de pénétrer dans le petit sas d'évacuation attenant à la cabine de pilotage. Il actionna l’ouverture manuelle. L’eau s’engouffra à gros bouillons. Elle était bien plus froide que celle des aquariums dans lesquels le petit triton se baignait. Déjà, il en avait jusqu'aux chevilles et ses pieds se couvraient d'écailles bleues. II frissonna, les bras repliés autour de son torse. L'eau dépassait ses genoux. Ses jambes frémissaient dans l'attente de la transformation. Des écailles apparurent sur ses mollets puis ses cuisses jusqu'à ce que sa queue bleue se forme. Le niveau de l'eau augmenta soudain. Il en avait jusqu'à la poitrine. Puis jusqu'au menton. Puis il fut entièrement immergé. Il suffoqua pendant une seconde ou deux, le temps que ses branchies prennent le relais. Et sa transformation s'acheva. 

Hélios ouvrit grand les yeux et nagea jusqu'à la porte de sortie qui s'ouvrait automatiquement. Il s'extirpa du sas et pénétra dans la mer profonde en battant vigoureusement de la queue. 

C'était la toute première fois qu'Hélios nageait en pleine mer et non dans un aquarium fermé. L'immensité de l'espace qui s'ouvrait devant lui lui donnait le tourni. Il se sentait désorienté et effrayé de s'éloigner de son vaisseau si confortable et l'idée de renoncer et faire demi-tour lui traversa l'esprit. Et s'il y avait des requins dans les environs ? Il n'avait ni arme ni aucune protection. Puis il se traita de lâche. Il jeta un dernier coup d'œil au Poséidon désormais froid et immobile puis reprit son ascension, les bras tendus vers le haut. Il ne dépendait désormais plus que de ses seules forces. 

Il était étrange d'évoluer dans l'eau sans sentir le poids familiers de ses cheveux derrière lui. Ou sans se heurter à aucune limite comme la paroie d'un aquarium. Des bancs de poissons passaient tout autour du jeune triton. Hélios les sentait plus qu'il ne les voyait car il faisait encore très sombre. Il regrettait les phares du Poséidon désormais loin derrière lui. Il n'avait aucun moyen de s'éclairer et avançait à l'aveuglette. Il lui semblait qu'il nageait depuis des heures alors que le temps ne devait pas dépasser la vingtaine de minutes. L'épuisement le gagnait. Il faisait des pauses de plus en plus régulières pour reprendre son souffle. Il se demandait si les FIT avaient déjà atteint son vaisseau et s'ils se lanceraient immédiatement à sa poursuite. Il regarda nerveusement derrière lui sans rien percevoir. Il faisait toujours sombre. Hélios n'arrivait pas à estimer le rythme de sa progression. Combien de mètres restait-il encore ? 

Plus il montait et plus l’eau était chaude et polluée. Le triton peinait à respirer. Son cœur battait à toute allure sous l'effort. 

Enfin, sa tête creva la surface et Hélios prit une profonde inspiration, les yeux fermés, tandis que de l'eau dégoulinait sur tout son torse. Des senteurs nouvelles s'infiltrèrent dans ses narines dilatées. Il sentit d'abord celle, familière, de l'eau de mer et des algues. Puis virent des milliers d’autres odeurs qu'il n'arrivait même pas à identifier. Certains étaient vives et agréables, d'autres si lourdes et artificielles qu'il grimaça. Les humains ne prenaient pas grand soin de leur environnement. 

Hélios ouvrit lentement les paupières. Il eut un bref de panique en constatant que sa vue ne parvenait à rien discerner. Sans doute aurait-il rit s’il en avait eu l’énergie en comprenant qu’il faisait tout simplement nuit, une notion qui n'avait pas sa place dans l'Atlantide où l’obscurité régnerait en permanence sans l’apport des lumières artificielles. Sa vision, d'ailleurs, était en train de s'adapter à l'obscurité tandis qu'il tournait la tête dans toutes les directions avec curiosité en continuant à humer l’air salé. 

Des milliers de petits points lumineux semblaient flotter au-dessus de lui. Des étoiles. 

Le jeune triton se laissa flotter un moment sur le dos autant pour se reposer un instant que pour contempler la voûte céleste avec délectation. Il n'y avait presque aucune vague. Le spectacle était aussi beau que ce qu'il avait espéré. Non, il était encore plus magnifique ! Les étoiles scintillaient doucement. Hélios avait un jour appris à reconnaître les différentes constellations. Il reconnut la grande ourse juste au-dessus de lui et la scruta avec passion. Dire qu'il contemplait l'espace et non des lumières artificielles ! Il n'arrivait pas à y croire ! 

Au bout d'une quinzaine de minutes, il entendit sur sa droite un léger clapotis. 

“Un bateau approche”, comprit Hélios en se retournant. 

Il le perçut bientôt. L'embarcation était toute proche et n'allait passer qu'à quelques mètres de lui. 

Le jeune triton aurait préféré atteindre la terre ferme dont il devinait les éclairages au loin, mais il était bien trop épuisé pour nager plus longtemps. Il usa de ses dernières forces pour nager jusqu'au bateau. Il se hissa sur une surface plane sur laquelle il s’affala à plat ventre. Il sombra dans l'inconscience avant même d’avoir achevé sa transformation. 

Arc en ciel (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant