Chapitre 12

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À la surprise d'Hélios, ils ne se dirigèrent pas vers la queue principale où patientaient tous ces nombreux humains, mais vers une autre entrée plus discrète, située sur le côté du bâtiment. Un autre garde en costume noir était posté là. Il salua Grégoire d'un signe de tête avant de faire signe au petit groupe de rentrer sans attendre davantage. Le petit triton en resta dubitatif. Cela signifiait-il que le jeune homme était quelqu'un d'important ici ? C'était étrange pour quelqu'un qui vivait sur un bateau et non dans une maison et ne disposait que d'une voiture sans toit.

La porte se referma derrière Hélios, les plongeant dans l'obscurité. Puis ils débouchèrent sur une salle aussi immense que bondée. Des centaines de corps se pressaient les uns contre les autres sous une lumière bleutée. La musique était assourdissante, à l'intérieur. Hélios lutta contre l'envie de poser ses mains sur ses oreilles pour se protéger les tympans. Personne d'autre dans la salle n'agissait ainsi.

Ne sachant très bien comment se comporter, le petit triton reste tout près de Grégoire pour épier chacun de ses gestes afin de les imiter du mieux qu'il pourrait.

Barbara et Maude s'étaient déjà précipitées sur la piste de danse située au milieu de la pièce où elles avaient l'air de bien s'amuser. La robe à paillettes de Barbara brillait tandis qu'elle se trémoussait en riant. Puis Hélios les perdit de vue et elles disparurent, happées par la foule.

Il sursauta en se rendant compte qu'il ne voyait plus non plus Grégoire. Après un bref instant de panique, il le trouva adossé à un comptoir, un verre à la main. Ses yeux se baissèrent sur le triton et il lui dit quelque chose qui se perdit dans le brouhaha ambiant. Puis il lui tendit à lui aussi un verre bien rempli.

Hélios l'accepta timidement et le porta à ses lèvres pour en tester le contenu. Il faillit tout recracher quand le liquide ambré lui brûla la gorge. Le goût était horrible et le fit grimacer. Grégoire ne pensait visiblement pas la même chose s'il fallait en croire le nombre de consommations qu'il commandait. Il s'agissait vraisemblablement d'alcool, comme dans les nombreux films qu'Hélios avait visionnés en compagnie de Ptolémée. Ces breuvages étaient interdits en Atlantide car on les estimait nuisibles pour la santé. Oh, bien sûr, il était toujours possible de s'en procurer par contrebande, mais Hélios avait toujours été très respectueux des lois. Du moins jusqu'à une date très récente. À présent, il était devenu un criminel certainement recherché. Ce qui justifiait peut-être le fait de boire de l'alcool ? Il y trempa une nouvelle fois les lèvres avant de renoncer. Non, c'était vraiment trop mauvais. Il préfère poser discrètement le verre sur un coin du comptoir et se concentrer sur Grégoire qui était toujours aussi plaisant à regarder. Ses yeux brillaient d'un éclat nouveau. Il observait lui aussi Hélios, la tête penchée sur le côté, bien plus expressif que tout à l'heure. Il avança soudain la main pour attraper le menton du petit triton.

— Tu as un sourire magnifique, commenta-t-il.

Puis il le lâcha en secouant la tête, apparemment confus de son propre comportement.

Hélios avait senti comme une décharge électrique lorsque Grégoire l'avait touché. Il attrapa la main de ce dernier pour le tirer vers lui. La musique était entraînante.

— Nous ne pouvons pas danser ensemble, protesta Grégoire d'une voix pâteuse. Nous sommes deux mecs.

Il tenait toujours un verre dans la main qu'il termina d'une traite avant de s'en débarrasser.

"Et alors ?" aurait voulu protester Hélios, étonné.

Il lui arrivait souvent de danser avec Ptolémée ou d'autres de ses amis et pas seulement avec des sirènes. Personne n'y trouvait rien à redire.

Têtu, il refusa de lâcher le jeune homme. Il continuait à essayer de le tirer vers lui mais le corps de Grégoire était bien plus robuste que lui et il aurait tout aussi bien pu vouloir faire bouger un rocher.

— Je t'ai dit non, marmonna ce dernier en se débattant mollement. Oh, et puis comme tu veux, mais juste une seconde ou deux.

Le visage renfrogné, il laissa le petit triton ravi l'enlacer. Hélios prit la direction des opérations. Ils ne suivaient même pas le rythme de la musique, se contentant de se dandiner dans un coin sombre de la pièce. Grégoire avait les yeux mi-clos et la bouche entrouverte. Ses cuisses ne cessaient de frôler celles du triton. Il chancelait et n'avait pas l'air de très bien tenir sur ses pieds. Hélios le soutenait du mieux qu'il pouvait malgré leur différence de taille. Il se sentait lui aussi dans un état second. Il avait l'impression qu'ils étaient seuls au monde, malgré la foule d'humains qui les entourait.

— Tu..., commença Grégoire. Tu es vraiment... Je... Je voudrais...

Il ne termina jamais sa phrase car il bascula soudain en avant, droit sur Hélios qui se sentit partir en arrière. Ils se retrouvèrent plaqués contre un mur, collés l'un sur l'autre. Leurs lèvres se rencontrèrent comme par accident. Hélios n'aurait su dire lequel d'entre eux avait pris l'initiative de ce baiser et il s'en moquait, trop occupé à profiter du moment. Ses bras s'enroulèrent autour du cou du jeune homme pour l'attirer davantage contre lui.

Boum boum boum.

Le cœur du petit triton se mit à battre très fort, comme s'il voulait s'échapper de sa poitrine. Il sentait celui de Grégoire palpiter à l'unisson. C'était une sensation enivrante qu'il n'avait jamais ressentie et qui ne devait rien au peu d'alcool qu'il avait ingurgité.

Il remarqua sans y prêter grande attention que le bourdonnement incessant dans son esprit avait cessé. Le traducteur avait achevé son œuvre. Hélios devait parler à présent le français aussi couramment que l'un des habitants de ce pays. Il profita d'un bref instant où ils s'étaient écartés pour reprendre leur souffle pour dire :

— Je m'appelle Hélios.

Il fut émerveillé de constater qu'il s'exprimait dans cette langue inconnue sans le moindre accent.

Grégoire lui jeta un regard intense.

— Hélios...

Le prénom prononcé par les lèvres du jeune homme prenait une saveur exotique toute particulière.

— Hélios..., répéta-t-il. Hélios... C'est un joli nom. Aussi joli que toi.

Il lui sourit brièvement avant de recommencer à embrasser le triton avec voracité. Leurs bouches semblaient incapables de s'écarter l'une de l'autre plus d'une seconde ou deux.

Hélios perdit la notion du temps. Il en oublia ses craintes de se trouver si loin de chez lui et la culpabilité qui le rongeait. Il se sentait entier. C'était comme avoir enfin trouvé la place qui lui revenait dans le monde.


Arc en ciel (bxb) [terminée]Where stories live. Discover now