Chapitre 27

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Une sorte d'équilibre un peu tendu s'installa sur le yacht les jours suivants. Grégoire et Barbara évitaient de se parler, plaçant Hélios et Maude entre eux, comme des sortes de boucliers humains. Ils faisaient de leur mieux pour agir comme s'ils ne se voyaient pas l'un l'autre, ce qui valait peut-être mieux que de se crier dessus.

Pour se changer les idées, ils se lancèrent tous les quatre dans une véritable frénésie d'activités variées qui les faisaient partir tôt le matin et revenir tard le soir. Les nuits, ils fréquentaient toutes les fêtes suffisamment branchées qui se présentaient et ne dormaient parfois que quelques heures.

Malgré la fatigue que cela occasionnait, Hélios accepta avec enthousiasme tout ce qu'on lui proposait, sauf les baignades, bien sûr, et tout ce qui risquait de le mouiller ou de l'obliger à retirer son t-shirt. Il était devenu prudent. Pas moins de quatre écailles ne voulaient désormais plus disparaître de son dos, ainsi qu'une autre sur le haut de sa cuisse.

Un matin, ils prirent la voiture pour aller escalader une montagne. Hélios ne sut que conclure de cette aventure. Le paysage était magnifique, bien sûr, mais il n'avait encore jamais été aussi loin de la mer et ce simple fait l'angoissa tout au long de la promenade. Il était un triton voyons, pas un oiseau !

Il allait cependant bien falloir qu'il s'y habitue pour reprendre son voyage plus loin dans les terres...

Hélios avait décidé de tenir un compte strict des jours. Il avait trouvé un calendrier mensuel sur lequel il avait tracé un grand cercle rouge sur la date à laquelle il devrait impérativement partir (il l'avait finalement un peu retardée par rapport à son ancienne résolution). Le triton sentait son cœur se serrer un peu plus à chaque jour qu'il barrait. L'heure de son départ approchait. Ce matin-là, lorsqu'il reposa son crayon, il ne restait plus que cinq cases vierges.

Il alla prendre son petit-déjeuner en s'efforçant de se reprendre. Cinq jours avec Grégoire n'étaient pas si mal. C'était toujours mieux qu'aucun, bien sûr.

Il entendit Grégoire pousser un juron au moment précis où il s'asseyait autour de la table.

— Que se passe-t-il ? s'inquiéta aussitôt Hélios.

Le jeune humain fit une moue contrariée et posa son téléphone à côté de lui.

— Mon père débarque dans deux heures.

— Pourquoi ? voulut savoir Maude en levant les yeux de son bol.

Grégoire haussa les épaules.

— Aucune idée. Tu crois qu'il me le dirait ?

Il avait l'air agacé et sa cousine changea de sujet.

— Il va loger à la villa de Cannes ?

Grégoire soupira.

— Ouais. Nous y sommes d'ailleurs convoqués. On ferait mieux de préparer nos bagages.

Il jeta alors un curieux petit regard en direction d'Hélios. Maude en fit de même. Mais ils détournèrent très vite les yeux. La jeune fille s'était mordue la lèvre, comme si elle se retenait de dire quelque chose. Elle essaya d'établir un contact visuel avec Grégoire, mais ce dernier s'était déjà levé pour retourner vers sa propre cabine.

*

Si Hélios avait été impressionné par le yacht, ce ne fut rien à côté de l'immense demeure que le père de Grégoire possédait dans une autre ville balnéaire.

Il s'agissait d'une maison blanche dotée d'une colonnade qui encadrait le porche d'entrée. Sa terrasse - immense - donnait directement sur la mer. Le petit triton se sentit pris de timidité en franchissant la porte pour pénétrer dans une entrée recouverte de marbre. Il avait peur de salir ou de casser l'un de ces vases disposés esthétiquement sur une commode et qui semblaient très anciens.

Barbara parut retrouver un peu d'entrain et de curiosité tandis qu'ils parcouraient ensemble les pièces principales du rez-de-chaussée (un salon, un deuxième salon encore plus vaste, une salle à manger, une bibliothèque). Toutes étaient richement meublées. Le personnel était en train de s'activer pour ouvrir les volets et retirer les housses qui protégeaient les fauteuils.

— Les chambres sont en haut. Et il y a une salle de sport et un garage au sous-sol, conclut Grégoire qui, pour sa part, ne manifestait pas le moindre enthousiasme.

Il semblait nerveux et ne cessait de jeter des coups d'œil vers les fenêtres. Son père devait arriver d'un instant à l'autre.

Hélios ne comprenait pas comment une seule famille de deux personnes pouvait posséder autant d'espace. Et ce n'était qu'une résidence secondaire ! Personne, en Atlantide, ne pourrait se permettre un tel gâchis de place. Les six bulles qu'habitait sa propre famille auraient pu rentrer dans le premier salon.

On entendit alors un bruit de moteur. Grégoire sursauta. Il abandonna alors la visite pour se diriger à nouveau vers l'entrée.

Le voiture qui vint se garer devant la porte était longue, noire et austère, très différente de la décapotable de Grégoire. La personne qui conduisait sortit sans accorder d'attention au petit comité d'accueil. Hélios crut pendant une seconde qu'il s'agissait de M. Faure, mais il se contenta en réalité d'ouvrir l'une des portières arrières avant de reculer d'un pas pour laisser place à un deuxième individu.

C'était un homme d'une cinquantaine d'années. Il portait un costume gris aux manches longues qui paraissait tout à fait déplacé sous le soleil de la Côte d'Azur. Il ne semblait cependant pas souffrir de la chaleur tandis qu'il s'avançait sur les pavés, comme s'il était d'une nature supérieure le dispensant de transpirer comme le commun des mortels.

Hélios le reconnut quand il ne fut plus qu'à quelques mètres. C'était bien l'homme de la photographie que Grégoire lui avait montrée le jour où il lui avait parlé de ses parents. Mais il était plus âgé et bien plus dur. Il avait le visage d'une personne aux lèvres incapables de sourire, aux yeux froids et calculateurs. Il était difficile d'imaginer qu'il ait pu un jour tomber amoureux.

Il adressa à son fils un coup de tête.

— Grégoire. Tu as l'air en forme.

Grégoire se montra d'une même politesse glaciale.

— Toi aussi, Papa.

Et ce fut leur seules salutations.

Hélios en resta estomaqué. Si lui avait revu son père après plusieurs semaines de séparation, il se serait certainement jeté dans ses bras et lui aurait raconté dans le détail toutes ses dernières aventures.

À cet instant là, ses parents lui marquèrent à un point tel qu'il en eut mal au ventre. Il croisa les bras sur sa poitrine, attirant l'attention de M. Faure sur lui. Ses yeux ne se posèrent que brièvement sur sa personne, mais ce simple contact suffit à glacer le triton jusqu'aux os et il fit instinctivement un pas sur le côté pour se cacher à moitié derrière Grégoire. Le père de ce dernier était vraiment effrayant. Il comprenait mieux l'expression qui s'affichait sur le visage de son fils lorsqu'il l'évoquait.

M. Faure ne s'intéressait heureusement plus à lui.

— Nous nous reverrons demain, déclara-t-il à Grégoire. J'ai à faire en ville ce soir.

Et il pénétra dans la maison du pas pressé de celui qui a mieux à faire que de perdre son temps à bavarder.

Arc en ciel (bxb) [terminée]Where stories live. Discover now