Chapitre 28 Grégoire

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Grégoire n’avait jamais aimé cette villa de Cannes. Il s’y sentait comme un invité et non comme chez lui. Tout était trop grand, trop impersonnel, trop froid, à la façon d’un hôtel. La demeure avait été achetée il y a quelques années avec ses meubles à un autre entrepreneur qui n’y avait presque jamais séjourné. Les Faure eux-mêmes ne s’y rendaient pas souvent. Grégoire ne se souvenait pas d'y avoir jamais fait aucun bon souvenir. 

Après une nuit maussade, tout seul dans une immense chambre presque vide, il descendit l’escalier de marbre à la rampe monumentale. Il avait l’impression que les personnages des tableaux accrochés aux murs le regardaient passer avec sévérité, lui signifiant qu’il n’avait rien à faire ici. Il ne savait même pas de qui il s’agissait. Ces portraits ne représentaient plus que des hommes et des femmes oubliés depuis longtemps et qui n’étaient plus bons qu’à servir de décoration désuète. 

La porte de la salle à manger était entrouverte. Grégoire y jeta un œil. Seul M. Faure y était attablé. Il était sur le point de se retrouver seul avec lui, une situation qu’il s'efforçait habituellement d'éviter. Au mieux, son père se contentait de l'ignorer. Et au pire… 

Le jeune homme envisageait de retourner discrètement sur ses pas lorsqu’il vit alors son père tourner la tête vers lui. Il n’eut alors pas d’autre choix que de continuer à avancer et se laissa tomber sur l’une des chaises en se retenant de soupirer. 

— Bonjour Papa. 

Il s’efforça de jouer son rôle de fils aimant de la façon la plus convaincante possible. 

Quand il était enfant, il avait développé envers son père une très forte admiration. Il le prenait pour une sorte de super héros toujours très occupé à sauver le monde, ce qui expliquait pourquoi il avait si peu de temps à consacrer à son fils. Puis, en grandissant, il n’était plus parvenu à s’aveugler devant les défauts de celui qui lui tenait lieu de père. Il ne voyait plus qu'un homme aux cheveux grisonnants, plus petit que lui maintenant. Et, pourtant, il se sentait toujours comme un enfant en sa présence. Après toutes ces années de déception, il espérait toujours trouver un jour ou l'autre grâce aux yeux de son père. 

La salle à manger était ridiculement grande. La table s’étendait sur une bonne vingtaine de mètres. On aurait pu y faire manger au moins une trentaine de convives. Cela arrivait parfois, lorsque M. Faure avait besoin d’organiser un quelconque dîner d’affaires. Grégoire n’y était jamais convié et ne s’en plaignait pas. On devait s'y ennuyer à mourir. 

Le jeune homme se servit une rasade de café dans le silence absolu. Il ne se sentait jamais autant seul que lorsqu’il se trouvait en présence de son père. Il tourna la tête sur le côté pour contempler l’horizon. Les six fenêtres alignées donnaient toutes sur la mer. M. Faure ne daignait pour sa part pas leur accorder le moindre coup d'œil, trop occupé à consulter ses mails sur son téléphone portable. Il aurait aussi bien pu se trouver à Paris ou n'importe où ailleurs dans le monde. Il n’avait acheté cette villa que pour faire un placement, ou pour impressionner d’éventuels investisseurs. 

Une mouette traversa le ciel et disparut du champ de vision de Grégoire aussi vite qu’elle n’y était entrée. 

M. Faure prit brusquement la parole. 

— Je pense vendre le yacht, déclara-t-il de sa voix froide. C’est une dépense bien inutile. 

Grégoire cacha sa colère. Il savait que son père faisait cela pour le punir de il ne savait trop quoi au sujet et lui causer de la peine. Et pour lui rappeler au passage qui commandait et détenait les cordons de la bourse. Il s'efforça donc de hausser les épaules avec une indifférence étudiée. 

Arc en ciel (bxb) [terminée]Where stories live. Discover now