Chapitre 16

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Après la baignade, ils décidèrent de se rendre en ville, à la grande joie d'Hélios qui n'était pas fâché par la même occasion de s'éloigner de l'eau un peu trop tentante.

Le bain de mer semblait avoir rendu Grégoire et les deux filles de bonne humeur. Ils riaient et bavardaient entre eux sur le bateau pendant qu'Hélios était bien trop occupé à dévorer du regard tout ce qui passait sous ses yeux. La veille, il avait fait trop sombre pour qu'il profite réellement du paysage de la surface. Le petit triton avait l'impression surréaliste d'avoir été télétransporté tout droit dans l'un de ses films préférés. Peut-être allait-il même pouvoir vivre une aventure ou deux !

Nice était une grande cité qui s'étirait tout en longueur le long de la mer et s'achevait sur des collines. Des montagnes étaient visibles au loin. Hélios se demanda s'il pourrait les escalader un jour. L'idée de s'écarter autant de la mer lui donnait le tourni et l'excitait en même temps.

La vieille ville dans laquelle le petit groupe s'engagea était composée de ruelles étroites dont le moindre espace disponible était encombré par des présentoirs pleins de marchandises diverses et variées et d'une foule de vacanciers. Hélios ne cessait de tourner la tête dans tous les sens pour ne pas rater une miette du spectacle. Il voyait des vêtements de toutes les couleurs. Il reniflait des odeurs de nourriture qu'il n'aurait pas pu nommer mais qui sentaient incroyablement bon. Il entendait des éclats de voix qui s'élevaient dans les airs sans entrave. Les humains étaient beaucoup plus bruyants que les sirènes et tritons.

Le triton s'arrêta en salivant devant une échoppe de fruits et légumes. Il n'avait pas d'argent, ce qui valait peut-être mieux car il avait envie de tout acheter et se serait instantanément ruiné.

Il y avait quelques serres, en Atlantide, et quelques marchands se procuraient à grands prix des marchandises de la surface. Mais le moindre fruit ou légume coûtait une petite fortune. Pour son anniversaire, Hélios avait reçu un panier entier de cerises qu'il avait pu manger tout seul, sans avoir à partager avec sa sœur (il lui en avait tout de même donné une, par bonté d'âme, et surtout pour qu'elle arrête de l'embêter).

Puis il remarqua que ses trois compagnons s'étaient éloignés et il pressa le pas pour les rejoindre, se faufilant au milieu de la foule pour ne pas les perdre.

Les touristes parlaient toutes sortes de langues différentes. Le traducteur d'Hélios ne cessait de vouloir se mettre à jour. Espagnol, anglais, chinois... Il en avait la tête qui tourne.

Grégoire leur acheta des glaces à tous les trois sur une petite place bondée. Après une longue hésitation qui parut impatienter tout le monde, Hélios en choisit une à la framboise. Elle se révéla délicieuse. Qui plus est, il put même manger son contenant !

Le petit triton était en train d'en croquer le dernier morceau lorsque son regard fut attiré par un mouvement. Il se figea. Deux personnes, un homme et une femme, tranchaient dans leur attitude rigide avec les touristes décontractés. Ils avançaient le regard fermé, regardant tout autour d'eux avec attention. Il ne faisait aucun doute qu'ils cherchaient quelque chose. Ou quelqu'un.

Hélios se figea en examinant plus attentivement leurs visages. Ces passants-là ressemblaient beaucoup à des humains mais avaient les yeux d'un bleu aussi vif que les siens. Il était difficile de passer à côté de cette évidence : il s'agissait d'un triton et d'une sirène. Et pire encore : de deux agents des Forces d'Intervention Terriennes !

Hélios se jeta dans la première boutique qui se présenta et se cacha derrière la porte. Le commerçant lui jeta un regard suspicieux de derrière son comptoir. Le triton lui sourit et essaya de prendre l'air plus naturel en examinant une collection de magnets accrochés sur une plaque métallique. L'un d'entre eux représentait une sirène à la poitrine démesurée dans une pose lascive.

Hélios fronça les sourcils. Il avait appris que, si les humains avaient oublié que l'existence du peuple de la mer était réelle, ils avaient créé des légendes étranges dans lesquelles il ne semblait composé que de femmes séductrices et dangereuses qui, parfois même, dévoraient les humains après les avoir attiré dans l'eau. Comme si une espèce pouvait se reproduire sans mâle ! Et comme s'il avait envie de manger Grégoire...

Hélios jeta un regard prudent par l'ouverture de la porte sans réussir à repérer les agents. Avait-il été vu ? Il lui avait semblé que la sirène avait brièvement tourné les yeux dans sa direction.

Le petit triton se rongea les ongles.

Les FIT avaient dû localiser son vaisseau et en déduire sa position approximative à la surface. C'était auprès de lui qu'ils en avaient. S'ils le voyaient, ils le captureraient et le ramèneraient de force en Atlantide et il n'aurait plus jamais l'occasion d'embrasser Grégoire.

Son ventre se creusa. Il s'enfonça plus profondément dans la boutique, caché derrière une pile de bric à brac pour touristes. En plus, il était maintenant tout seul et n'était pas certain de réussir à retrouver le yacht facilement...

La clochette accrochée à la porte tinta. Quelqu'un venait d'entrer !

Le triton prit une grande inspiration pour se calmer. Ce n'était pas nécessairement les agents des FIT. Il pouvait très bien s'agir de vacanciers et...

Une main se posa sur son bras. Il faillit pousser un cri. Il ferma les yeux de soulagement en voyant qu'il ne s'agissait que de Grégoire.

- Tout va bien ? s'inquiéta le jeune homme. Je t'ai vu disparaître soudain.

Le petit triton prit un air dégagé.

- Oh, oui... Je... Je voulais juste regarder...

Il pointa du doigt au hasard un présentoir rempli de lunettes de soleil.

- Tu veux des lunettes ? proposa aussitôt Grégoire. Je te les offres.

Hélios secoua la tête.

- Oh non non ! Je veux dire... oui... d'accord.

Pour rester le plus longtemps possible et laisser le temps aux FIT d'aller voir ailleurs, il essaya toutes les paires de lunettes les unes après les autres, même les roses en forme de cœur qui ressemblaient à celles de Barbara et qu'il n'avait pas l'intention d'acheter. Grégoire se prit au jeu et lui donna son avis. Ils se mirent d'accord sur un modèle bleu brillant.

- Elles sont presque de la même couleur que tes yeux, commenta Grégoire avec approbation en sortant son portefeuille.

Hélios lui sourit, ravi. Et, cette fois-ci, le jeune homme étira même légèrement les lèvres en retour.

Le petit triton jeta un regard inquiet vers l'extérieur de la boutique. Les agents des FIT n'étaient plus en vue. Ne trouvant plus d'excuse pour s'attarder, il suivit Grégoire à l'extérieur, scrutant les alentours. Il ne lui semblait voir que des humains.

- Tu ne voudrais pas que je t'achète quelques vêtements à ta taille ? proposa soudain Grégoire d'un ton abrupt. Tu pourrais passer encore quelques jours avec nous, puisque nous avons une cabine de libre. Enfin, si tu veux...

Il jeta un regard anxieux au triton en se mordant la lèvre.

Hélios s'empressa d'ouvrir la bouche.

- Bien sûr que je le veux !

Il aurait été prêt à rester la vie entière auprès de Grégoire s'il l'avait pu.

Il se sentait si heureux de cette proposition qu'il en oublia son angoisse.

L'achat des lunettes de soleil était finalement une bonne idée car elles cachaient ses yeux à la couleur trop reconnaissable. Et elles lui donnaient du style. Le petit triton observa son reflet du coin de l'œil. Il était vrai que les lunettes lui allaient bien. Il se sentait plus humain que jamais. Et il avait passé un bon moment juste avec Grégoire. Et il allait pouvoir en passer encore d'autres ! Après tout, il avait tout un mois devant lui. Il pouvait bien rester une bonne semaine avant d'aller explorer le reste du monde.

Le petit triton accéléra le pas pour coller le plus possible au jeune homme, comptant sur sa haute stature pour le cacher en partie des regards. Ils étaient si proches que leurs bras se frôlaient. Hélios vit les doigts de Grégoire remuer. Pendant une folle seconde, il crut que ce dernier allait lui saisir la main. Puis le jeune homme pivota et croisa les bras sur sa poitrine.

Arc en ciel (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant