Chapitre 15

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Ils montèrent à nouveau dans le petit bateau mais se dirigèrent cette fois-ci vers le large à grande vitesse. 

Hélios posa une main sur son front pour chasser les mèches en bataille qui lui cachaient la vue. Il transpirait. L'air marin ne suffisait pas à tiédir la chaleur étouffante de cette fin de matinée. 

Grégoire arrêta le moteur lorsqu'ils furent à bonne distance. L'eau était ici si transparente qu'elle laissa voir des petits poissons multicolores qui nageaient paresseusement autour du bateau. Hélios les enviait de pouvoir vivre si près de la surface. 

— L'endroit m'a l'air parfait, commenta Grégoire en se levant. 

Barbara lui sourit. 

— Oui, plus que parfait ! renchérit-elle. 

Elle retira son chapeau de paille et secoua sa longue chevelure bouclée. Elle n'était vêtue que de deux minuscules morceaux de tissu rose pâle. 

Hélios eut l'impression qu'elle cherchait à attirer l'attention de Grégoire qui, pourtant, ne lui accorda qu'un vague regard. 

Une vague plus haute que les autre fit taguer le bateau et envoya quelques gouttelettes à moins d'un centimètre du triton. Hélios se réfugia aussitôt en plein centre de l'embarcation pour éviter tout contact malheureux avec l'eau. 

— Je vous attends ici, déclara-t-il. Je n'ai pas envie de me baigner. 

Grégoire retira son t-shirt après avoir haussé les épaules. Hélios le scruta du coin de l'œil, mine de rien. Il était fasciné par ses yeux sombres et sa peau presque noire. Tous les tritons étaient extrêmement pâles, sans doute à force de vivre aussi loin du soleil, ce qui n'avait rien de naturel. Ce n'étaient pas les conditions qu'avaient connues ses ancêtres les plus lointains. 

Hélios observa sa propre peau. Peut-être allait-elle prendre quelques couleurs pendant son séjour à la surface s'il l'exposait au soleil ? 

Il se débattit avec son propre haut pour le retirer. 

Plouf ! 

Le triton sursauta et réussit enfin à dégager sa tête. Barbara s'était lancée à l'eau tête la première et s'enfonça gracieusement dans l'eau transparente. Elle refit surface un peu plus loin dans un grand bruit d'éclaboussures et adressa des signes joyeux aux passagers du bateau. Maude ne tarda pas à rejoindre son amie en se laissant tout simplement tomber dans l'eau. De son côté, Grégoire préféra prendre de l'élan, bondir et plonger après une pirouette en l'air impressionnante. 

Hélios les observa avec une curiosité mêlée d'envie. C'était donc ainsi que nageaient les humains ? S'ils plongeaient de temps en temps, ils restaient surtout à la surface, étant incapables de respirer sous l'eau. Le triton se demanda s'ils étaient conscients de l'ampleur de la vie si différente de la leur qui se déroulait en-dessous d'eux. Probablement pas. Il y avait tant de choses que cette espèce ignorait alors qu'elle s'imaginait dominer la planète entière. 

Le triton sursauta à nouveau en voyant surgir la tête de Grégoire. Il ressemblait presque à un triton, ainsi, mais Hélios voyait ses deux jambes bien humaines remuer paresseusement dans l'eau. 

— Tu es sûr de ne pas venir ? insista le jeune homme en s'agrippant au rebord du bateau qui s'abaissa sous son poids. Elle est vraiment bonne ! 

Hélios ne put s'empêcher de fixer la bouche du jeune homme. Il mourait  d'envie de l'attraper par le cou pour l'embrasser à nouveau. 

Il recula précipitamment avant de faire une bêtise. 

— Non non. C'est bon. 

Il se rassied sur le banc, à bonne distance de toute goutte. Lorsqu'il se retourna, Grégoire s'était éloigné du bord pour nager à nouveau vers les filles qui s'éclaboussaient en poussant des cris. Hélios admira la puissance des muscles de ses bras en action. Il était heureux d'avoir une bonne excuse pour pouvoir regarder l'humain qui le fascinait tant. Il était persuadé qu'il ne pourrait jamais se lasser d'un tel spectacle. Quand il avait Grégoire sous les yeux, il n'éprouvait plus aucun désir pour l'Atlantide. Même ses parents lui apparaissaient comme de lointains inconnus. Juste l'espace d'un instant. 

Puis la culpabilité revenait. 

Hélios observa avec nostalgie l'étendue d'eau danser devant lui. Il ne se souvenait pas d'avoir auparavant passé plus d'une journée sans se baigner à un moment ou à un autre. Il avait l'impression que la mer bleu azur lui tendait les bras. Qu'elle l'invitait à la rejoindre. Comme elle était tentante ! Il serait si bon de se rafraîchir par une telle chaleur ! 

Il s'approcha du bord sans parvenir à s'en empêcher et s'installa à quelques centimètres de l'eau. Peut-être pourrait-il juste l'effleurer brièvement ? 

Assis sur le rebord, il laissa ses jambes pendre et immergea l'extrémité de son gros orteil, les yeux à demi clos. Il poussa un gémissement en sentant l'eau lui lècher agréablement la peau. C'était une sensation si familière, si réconfortante ! Son corps entier se cambra d'envie et il se retrouva à deux doigts de sauter dans l'eau tout habillé.

Puis il entraperçut un éclat bleu. Son orteil était en train de se recouvrir d'écailles ! 

Horrifié, il s'empara de sortir son pied de l'eau et l'enfouie sous l'une des serviettes. Il frotta frénétiquement son doigt pour le sécher. L'embryon de transformation s'estompa bien vite et il poussa un soupir de soulagement avant de secouer la tête et de regagner prudemment sa place. 

Son cœur battait fort. Il transpirait. 

Il devait faire plus attention que cela et éviter l’eau à tout prix. Grégoire, Maude ou Barbara auraient pu remarquer les écailles. Il avait été à deux doigts d'éventrer son secret et celui de son espèce. 

Arc en ciel (bxb) [terminée]Where stories live. Discover now