Chapitre 38

1.1K 159 42
                                    


Les FIT accordèrent à Hélios le droit de se transformer une dernière fois sous étroite surveillance, la veille de son opération. Le petit triton découvrit à cette occasion que le centre des FIT dans lequel il avait été amené disposait d'une très longue piscine qui devait servir aux agents pour se détendre. Elle était remplie d'eau salée qui clapotait joyeusement sous les néons accrochés au plafond. Hélios aurait certes préféré pouvoir se baigner dans la véritable mer, bien sûr, mais cela aurait été sans doute beaucoup trop demander.

Il se déshabilla vivement et entra dans l'eau avec un grognement de plaisir. Sa métamorphose fut presque instantanée dès qu'il fut suffisamment immergé. Il se tourna alors timidement vers Grégoire, craignant de lire du dégoût sur son visage. Mais le jeune homme en maillot de bain l'observait depuis le bord du bassin avec un sourire émerveillé.

— Tu es encore plus magnifique, sous cette forme, assura-t-il en s'accroupissant. Ta queue est d'un très joli bleu brillant.

Les joues d'Hélios en rougirent de plaisir. Pour cacher son trouble, il s'enfonça dans l'eau tête la première et avança sur une vingtaine de mètres avant d'émerger à nouveau.

Lorsqu'il tourna la tête, il vit que Grégoire l'avait suivi dans l'eau et le rejoignait à la nage, les joues gonflées. Il songea soudain que lui aussi pourrait se baigner de cette façon lorsqu'il serait devenu presque un humain. Il se demandait quel effet cela lui ferait de se retrouver dans l'eau sans pouvoir y respirer. Aimerait-il toujours nager après son opération ? Il ne savait même pas comment s'y prendre sans queue ! Les jambes étaient avant tout faites pour marcher sur la terre, c'était un fait connu !

Le triton observa avec attention la façon dont Grégoire se propulsait derrière lui avec ses jambes, à la manière d'une grenouille. Cette technique était très lente, mais permettait au moins au jeune homme de ne pas couler. Il devrait l'apprendre. Son contact avec l'eau ne pourrait certes plus être aussi fusionnel qu'avant, mais il pourrait tout de même continuer à s'y plonger, ce qui représentait une certaine consolation.

Hélios laissa Grégoire le rattraper.

— Tu es sûr de ta décision ? s'inquiéta-t-il dès qu'ils furent assez près l'un de l'autre pour se parler sans se faire entendre des FIT. Tu vas quitter ta famille, tes proches, ton confort de vie...

Grégoire secoua fermement la tête.

— Peu importe. C'est avec toi que je veux vivre le reste de ma vie. Maude me manquera un peu, mais certainement pas mon père.

Son expression s'était durcie en évoquant ce dernier et Hélios posa une main sur son bras pour le calmer. Les FIT s'étaient déjà occupées de M. Faure. A l'heure actuelle, il dormait dans son lit suite à l'administration de la drogue. Il se réveillerait bientôt sans autre séquelle qu'une certaine confusion. Hélios trouvait tout de même qu'il s'agissait là d'une bien légère punition pour ce qu'il lui avait fait subir. Enfin... Lui-même n'était pas tout innocent...

— Laisseras-tu à nouveau tes cheveux pousser ? demanda Grégoire.

Hélios passa instinctivement une main sur sa tête. Ses mèches avaient déjà repoussé de deux bons centimètres au cours de l'été et il pouvait presque recommencer à entortiller ses mèches sur son index, ce qui le réconfortait un peu.

— Je ne sais pas, répondit-il en se mordant la lèvre. Ça te plairait ?

Grégoire le contempla pensivement.

— Je crois que oui. Mais la décision te revient.

— Il faudra des années avant qu'ils ne retrouvent leur longueur d'origine, prévint Hélios.

Grégoire lui sourit en réponse.

— Mais nous avons du temps devant nous, n'est-ce pas ?

Le cœur du triton s'emballa. Cette perspective lui plaisait énormément.

— Oui. Beaucoup beaucoup de temps.

Et il replongea joyeusement dans l'eau pour se propulser d'une seule traite jusqu'à l'autre extrémité du bassin.

Pendant une vingtaine de minutes, le triton et l'humain jouèrent à se poursuivre. Hélios était trop rapide pour Grégoire, mais il laissa plusieurs fois ce dernier gagner pour le simple plaisir de se retrouver dans ses bras. Ce plaisir était d'autant plus vif qu'il ne s'était jamais imaginé qu'il se retrouverait un jour à pouvoir nager aux côtés du jeune homme sans qu'aucun secret ne subsiste entre eux.

— Tu as réfléchi à l'endroit où nous irons ? demanda Grégoire l'une des fois où il parvint à attraper Hélios.

Le commandant des FIT s'était engagé à leur remettre à tous les deux une nouvelle identité et des fonds suffisants pour pouvoir entamer une nouvelle vie à l'endroit qu'il leur plairait.

Hélios colla sa tête contre la poitrine du jeune homme.

— J'aimerais bien commencer par parcourir le monde, avant de nous décider pour un endroit. C'est ce que j'avais prévu de faire, à l'origine, avant de me laisser déconcentrer par un humain trop attirant...

Grégoire lui déposa un baiser sur le sommet du crâne.

— Humm... L'humain trop attirant en question souhaiterait te proposer de commencer par le Bénin. C'est au bord de la mer... Et je rêve depuis longtemps de visiter le pays de ma mère. Qu'en penses-tu ?

Hélios hocha la tête avec enthousiasme.

— C'est une excellente idée !

Ils échangèrent un regard, pleins d'espoir pour leur avenir.

— Le temps est écoulé, annonça soudain à voix haute l'une des agents qui les surveillait, un œil sur sa montre.

C'était la sirène peu commode qui les avait arrêtés. Hélios se retint de lui tirer la langue, comme il l'aurait fait avec sa grande sœur. Il jugea plus prudent à la place de se diriger lentement vers l'un des rebords sur lequel il se hissa.

Pour une fois, le petit triton n'était pas le moins du monde pressé de se sécher. Il resta immobile pendant que les gouttes roulaient sur ses écailles avant de s'écraser une à une sur le dallage.

— Tout va bien se passer, lui assura doucement Grégoire.

Il glissa sa main dans la sienne et caressa ses doigts palmés sans avoir l'air d'en ressentir la moindre gêne.

Hélios observa une dernière fois sa queue et détourna les yeux pour regarder Grégoire à la place. Il puisa une bonne portion de courage dans ses yeux noirs.

Enfin, l'inévitable arriva. Le triton ne put s'empêcher de ressentir un petit pincement au cœur en contemplant ses jambes nues. Et voilà. Il avait repris forme humaine à tout jamais.

Sa gorge se noua. Grégoire passa un bras par-dessus son épaule.

— Comment te sens-tu ? Tu n'auras pas de regret. Tu abandonnes plus de choses que moi.

Le petit triton se serra contre lui.

— Non. Je n'en aurai pas. Et puis, c'est trop tard maintenant. Tout est prêt pour mon opération...

Il agita tristement les jambes. Elles comportaient encore quelques écailles qui disparaîtraient le lendemain pour toujours. Mais c'était là un moindre mal. Il était fait pour vivre sur la surface. Il le savait.

---------------

Dernier chapitre la semaine prochaine !

Arc en ciel (bxb) [terminée]Where stories live. Discover now