Chapitre 33

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Hélios étouffait dans le minuscule coffre avec sa tête recouverte. Il se débattait en vain pour essayer de délier ses mains, mais les nœuds étaient trop serrés et lui mordaient douloureusement la peau. Par dessus tout, il était terrifié. Que se passait-il ? Qu'est-ce que ces humains lui voulaient ? Travaillaient-ils pour les FIT ? Non, impossible... Les FIT n'employaient pas des humains. Il avait suffisamment étudié leur organisation pour le savoir. Le secret de l'Atlantide était plus important que tout.

Ses jambes n'étaient pas entravées. Le triton donna de violents coups de pied derrière lui, espérant parvenir à ouvrir le coffre. Il ne réussit qu'à se faire mal au talon.

— Au secours ! voulut-il crier.

Le sac étouffa le son presque entièrement. Qui aurait pu de toute façon l'entendre depuis la route presque déserte à cette heure-là ? Et qui souhaiterait le secourir ? Personne ne tenait à lui, à la surface, à part Grégoire. Sa disparition passerait inaperçue...

Le cœur du petit triton battait à toute rompe. Il avait l'impression de mourir. Au moment où il fut sur le point de tourner de l'œil, il sentit la voiture ralentir puis s'immobiliser.

Hélios était si paniqué qu'il avait perdu la notion du temps. Il lui semblait cependant que le trajet avait été plutôt bref. Il se tendit comme un arc lorsque le coffre fut ouvert. Une personne le saisit par le bras sans douceur aucune et le força à en sortir. Ses pieds entrèrent brutalement en contact avec le sol et il poussa un petit cri.

— Ta gueule, le houspilla une voix grossière.

On le força aussitôt à avancer. Son talon lui faisait toujours aussi mal. Il ne voyait toujours rien. Il comprit de ce qu'il entendait qu'il venait d'entrer dans un bâtiment. Il était toujours entraîné plus loin. Il faillit tomber dans un escalier, mais l'homme qui le maintenait le retint au dernier moment.

On lui retira brusquement le sac qui l'aveuglait. Il cligna des yeux. Une forte lumière était braquée sur lui. Il ne voyait rien d'autre qu'un halo blanc. Une désagréable odeur de chlore lui chatouillait les narines.

Quand il retrouva la vision, il eut la grande surprise de voir le père de Grégoire devant lui.

Hélios prit une grande inspiration, un peu rassuré d'être en présence de quelqu'un qu'il connaissait.

— Que me voulez-vous ? Relâchez-moi ! exigea-t-il en essayant de prendre un air impressionnant.

Il fut ignoré. M. Faure le scrutait froidement comme s'il avait été un objet qu'il envisageait d'acquérir. Ou de jeter à la poubelle sans autre forme de procès. Hélios plaignit Grégoire d'avoir été élevé par un tel homme dépourvu de la moindre chaleur. II mesura alors pleinement la chance qu'il avait eue d'être né de parents attentionnés et aimants quoique parfois un brin envahissants.

L'homme à la chemise était venu se poster à côté de M. Faure. Il observait également le triton avec une curiosité malsaine.

Hélios remarqua soudain où il avait été amené : dans la salle de l'aquarium. L'immense bassin rempli d'eau se trouvait juste derrière M. Faure qu'il éclairait d'une lumière verdâtre. Il y avait cependant quelque chose de bizarre. Il était désormais dépourvu du moindre poisson.

Hélios se sentait de plus en plus mal à l'aise. Son bref soulagement disparut instantanément. Pourquoi se trouvait-il dans cet endroit précis ? Il s'était d'abord imaginé que le père de Grégoire voulait le menacer pour l'obliger à quitter son fils après avoir échoué à l'acheter, mais la réelle raison était peut-être encore plus effrayante.

Et si... ?

Sa peau se recouvrit de chair de poule. Il eut soudain horriblement froid. Ses dents s'entrechoquèrent.

Un individu aux airs de brut se grattait la tête, un peu en retrait.

— Vous croyez vraiment qu'il en est un, monsieur Faure ? demanda-t-il d'un ton sceptique.

Ce dernier haussa très légèrement un sourcil, aussi réactif qu'une statue en marbre.

— Bien sûr que oui, affirma l'homme à la chemise d'un ton pincé.

— Détachez-le et balancez-le dans le bassin et nous verrons bien si tout cet argent que je vous ai donné en valait la peine, monsieur Verdini, finit par répondre le père de Grégoire.

Le cœur d'Hélios s'emballa de plus belle.

"Ils ne doivent surtout pas voir ce que je suis", s'affola-t-il.

Il se précipita vers la porte à toute allure dès qu'il eut les mains libres. Il avait réussi à atteindre la poignée lorsqu'il fut violemment agrippé par la taille et soulevé dans les airs. Il hurla, se débattit, chercha à griffer par l'arrière l'homme qui le ceinturait. Mais ses efforts restèrent vains. Son agresseur l'entraînait inexorablement vers le bassin. L'homme à la chemise vint lui prêter main forte lorsqu'ils arrivèrent au niveau des marches qui jouxtaient le bassin. À eux d'eux, ils n'eurent guère de difficulté à hisser Hélios jusqu'au sommet de l'aquarium. Une trappe était grande ouverte. Le petit triton entendait l'eau clapoter sinistrement. Pour une fois, cela ne provoqua en lui aucun attrait. Il ne voulait surtout pas entrer en contact avec cette surface liquide. Il s'agrippa désespérément à l'un des hommes, enfonçant ses ongles dans ses bras nus. Son camarade lui donne une tape sur les doigts si vive qu'il lâcha prise en criant de douleur.

Et Hélios fut propulsé dans le bassin la tête la première. Sa chute lui parut durer une éternité. Il ressentit comme une explosion lorsque son corps entre en contact avec l'eau.

Pendant une seconde ou deux, le triton flotta simplement en se débattant, ses poumons luttant pour lui permettre de respirer. Puis ses branchies poussèrent à une vitesse telle qu'il en eut mal. Son pantalon de toile se déchira au moment où ses jambes se transformèrent en queue de poisson.

Vlam !

L'un des hommes avait refermé la trappe sur lui, le plongeant dans un silence glaçant.

Hélios aurait voulu hurler à nouveau mais il était incapable d'émettre un son sous sa forme de triton. Il se laissa tomber à pic, désespéré. Il voyait M. Faure le regarder. L'eau était trop trouble en raison de son agitation pour qu'il puisse lire son expression.

"Non non non non non", paniqua-t-il en remontant à toute vitesse grâce à sa longue queue.

Il se colla contre la trappe pour essayer de la rouvrir. Mais le mal était fait. Il était trop tard pour chercher à fuir. Il avait pris sa forme de triton devant trois humains mal intentionnés ! C'était la pire situation qui pouvait se produire !

Sa panique atteignit de nouvelles proportions. Des étoiles dansaient devant ses yeux. C'était un bassin d'eau douce et Hélios peinait à respirer car les tritons étaient faits pour vivre dans les océans salés. Il n'en mourrait pas, mais cela n'avait rien d'agréable.

Les trois hommes étaient toujours là. Hélios voyait leurs lèvres bouger mais ne percevait aucun bruit. Ses oreilles bourdonnaient. Il se mit à tourner en rond à toute allure, bien qu'il sache qu'il n'avait aucun échappatoire.

Il était... il était démasqué !

Arc en ciel (bxb) [terminée]Where stories live. Discover now