Chapitre 14

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Hélios n’avait pas disparu. Il avait passé une excellente nuit, allongé sur le lit confortable de la cabine qu'on lui avait attribuée. Grégoire était apparu dans presque tous ses rêves et c'est son visage qui s'imprima le premier dans son esprit lorsqu'il s'éveilla. 

Le petit triton s'étira en bâillant. La lumière du soleil s'infiltrait par la petite fenêtre ronde et il ne put s'empêcher de sourire jusqu'aux oreilles. 

Il se leva d'un bond et effectua un tour sur lui-même en fredonnant. Son ventre le rappela sur terre en gargouillant. Il se rendit compte qu'il était affamé. Son dernier repas avait été pris en Atlantide ! 

Cette fois-ci, il pensa bien à s'habiller avant de sortir pour ne choquer personne mais renonça à mettre ses chaussures qui claquaient. Il marcherait pieds nus et cela serait très bien comme cela. 

La porte de sa cabine s'ouvrait en coulissant, laissant passer un flot de lumière dorée. La journée semblait avoir commencé depuis longtemps. Il allait falloir qu'il perde au plus vite cette mauvaise habitude de passer toutes ces heures de jour à dormir. 

Hélios ne savait pas très bien vers où se diriger. Il se fia à son odorat. Une délicieuse odeur de nourriture provenait du pont. Il la suivit, les narines dilatées. Son ventre gronda à nouveau et il pressa le pas. Il franchit une porte et se retrouva à l'air libre. 

La chaleur qui régnait à l'extérieur le surprit. Il en comprenait d'autant moins la réticence des humains à la nudité. Il regrettait cependant l'absence de ses chaussures lorsque la plante de ses pieds entra en contact avec le parquet brûlant du pont. 

Grégoire, Maude et Barbara se trouvaient attablés sous un grand parasol. Les trois humains se tournèrent vers lui en l'entendant arriver. Il regarda en direction de Grégoire en souriant mais le jeune homme détourna brusquement le regard et se concentra sur le morceau de pain qu'il était en train de recouvrir d'une sorte de mélasse rouge. Surpris, Hélios ne sut comment réagir. 

— Bonjour Hélios, lui lança Maude sur un ton sévère. Viens donc t'asseoir avec nous. 

Le triton se dandina, gêné. La jeune fille le scrutait avec intensité, comme si elle se doutait qu'il cachait un gros secret. 

— B… bonjour, bredouilla-t-il. 

Puis son appétit reprit le dessus sur sa timidité et il se laissa tomber sur une chaise libre, rongé par la faim. 

La table était remplie d'aliments bien plus appétissants que la purée de plancton qu'Hélios avalait généralement le matin. Il décida soudain qu'il ne mangerait plus jamais de plancton, quoi qu'en pense son père. Il avait horreur de ça. 

Ses yeux tombèrent sur une orange entière qu'il fixa avec convoitise. À sa grande joie, Grégoire la fit rouler vers lui. Il l'attrapa dans le creux de sa main, éperdu de reconnaissance pour un aussi beau cadeau. Le fruit était dodu et coloré. Il en admira la forme parfaite un long moment, caressant les aspérités de l'écorce avec ses doigts. 

Les trois humains le regardaient cependant en sourcillant et il s'empressa de mettre fin à son manège et croqua dans l'orange avec délectation. Il remarqua cependant que cela sembla provoquer encore plus la surprise des humains et n'en comprit pas la raison. 

— Tu la manges avec la peau ? finit par demander Barbara avec une grimace perplexe. 

Hélios essuya le jus qui coulait sur son menton. 

— Hum… oui… ?

Il remarqua que la jeune fille avait déposé sur un coin de son assiette l'écorce de sa propre orange qu'elle ne semblait pas vouloir consommer. Pourquoi donc se priver d'une telle quantité de fruit ? 

Il planta un nouveau coup de dents, trop affamé pour chercher à comprendre. Barbara avait détourné les yeux et buvait le contenu d'une tasse, les lèvres un peu pincées. 

Après l'orange, Hélios eut le droit à deux grosses tartines qu'il recouvrit de la mélasse rouge que Grégoire avait utilisée, ainsi qu'à un liquide brun amer qui le fit grimacer. Il se retrouva ainsi à la fin du repas rassasié et le ventre un peu rond. 

Maude posa soudain les coudes sur la table et se pencha vers le triton qui faillit tomber de sa chaise de saisissement. 

— Eh bien, Hélios, commença-t-elle. Tu habites ici ou tu es en vacances ? 

Paniqué, Hélios jeta un coup d'œil à Grégoire qui avait recommencé à ne pas le regarder. Il ne ressemblait pas du tout au jeune homme passionné qui l'avait embrassé avec tant de fougue quelques heures auparavant. 

— Euh… euh… non, je ne suis pas d'ici… 

Maude continua son inquisition, impitoyable. 

— Vraiment ? Et d'où viens-tu ? Tu es tout seul ? 

Paniqué, Hélios ouvrit et referma plusieurs fois la bouche sans qu'aucun son n'en sorte. Il aurait dû continuer à prétendre être muet. Que ferait un agent des FIT à sa place ? Il ne se serait pas mêlé à des humains, pour commencer. Et il n'en aurait certainement pas embrassé un. Oh là là ! Il ne faisait décidément que des bêtises depuis son arrivée ! 

Maude et Barbara le regardaient toujours, attendant une réponse qu'il ne pouvait pas donner. 

Tout le monde sursauta lorsque Grégoire se leva soudain en faisant racler les pieds de sa chaise. 

— J'ai envie d'aller nager un peu, déclara-t-il. Soyez prêtes à partir d'ici dix minutes, les filles. 

Ce qui entraîna aussitôt un mouvement immédiat qui permit à Hélios de se faire oublier. Il se leva lui aussi avec un moment de retard, indécis concernant la suite des opérations. 

Le petit triton sentit comme une décharge électrique lorsque Grégoire l'attrapa par le bras pour l'entraîner dans un coin. 

— Hier soir, marmonna très vite le jeune homme, j'étais bourré, d'accord ? Cela ne voulait rien dire et ça ne se reproduira plus. 

Leurs regards se croisèrent brièvement. 

Hélios ne savait pas ce que voulait dire le mot “bourré”, mais il comprit que cela signifiait qu’il n’aurait pas de baiser ce matin ni peut-être un autre jour. Il en fut vivement déçu. Il avait adoré embrasser Grégoire et avait cru que ce sentiment était réciproque. 

— D'accord, dit-il cependant, car il lui semblait qu'il s'agissait de la réponse appropriée. 

Et il se mordit la lèvre inférieure, frustré. 

Grégoire le lâcha aussitôt pour plonger ses mains dans ses poches. 

— Souhaites-tu te baigner aussi ? reprit-il comme si de rien était. Tu peux nous accompagner à condition d'accepter de porter un maillot de bain. Ou alors rends-toi sur une plage nudiste. 

Hélions aurait dû refuser. Il ne pouvait bien sûr pas entrer dans de l'eau en présence d'humains. Mais la perspective de ne pas être avec Grégoire lui déplaisait. Après tout, il lui suffirait de rester sur le bord et tout irait bien. 

Arc en ciel (bxb) [terminée]Where stories live. Discover now