Arc en ciel (bxb) [terminée]

Chapitre 23

En s'approchant du bord revêtu de sa combinaison, Hélios comprit progressivement à quel point cette expédition était une très mauvaise idée. La mer naguère si placide s'était métamorphosée. De grosses vagues grises avaient remplacé l'étendue plane bleue azur. Mais il ne voulait pas renoncer pour autant à accompagner Grégoire. 

Hélios avait menti en répondant qu'il n'avait pas peur. Il se sentait en réalité effrayé. Pas pour lui. Il était un triton. La mer était son amie. Non, c'était la colère de Grégoire qui l'inquiétait. Il craignait qu'il ne fasse quelque chose d'irréfléchi. 

Le capitaine lui expliqua rapidement comment manœuvrer son scooter. Hélios l'écouta distraitement. Ce n'était pas très compliqué. Moins que de piloter un Poséidon, en tout cas. Il suffisait d'appuyer ici ou là ou de faire pivoter ceci ou cela. 

Il y eut un bruit de moteur lorsque Grégoire démarra sans l'attendre. 

Maude s'approcha de l'embarcadère. 

— Hélios, commença-t-elle d'un ton réprobateur, ce n'est pas parce que Grégoire semble avoir perdu la tête que tu… 

Il ne lui laissa pas le temps de l'arrêter et démarra à son tour en trombe sans attendre la fin des explications du capitaine. Grégoire était déjà à une bonne vingtaine de mètres de là et il ne voulait pas le perdre de vue. 

Le scooter avançait plus vite que ce à quoi il s’attendait, avec un bruit de moteur assourdissant. Et il projetait des éclaboussures dans tous les sens. Le petit triton se retrouva instantanément trempé. Une autre conséquence de la très mauvaise idée de Grégoire… Sans sa combinaison qu'il espérait étanche, il aurait déjà le corps plein d'écailles. Heureusement que la peau de son visage restait toujours lisse, car il était couvert d'embrun ! 

Grégoire filait devant lui à toute allure sans se retourner, laissant derrière lui un long sillage blanchâtre. Hélios le suivait tant bien que mal. Il n'aimait pas beaucoup le moyen de transport qu'il utilisait. Il préférait de loin être bien tranquille sous l'eau plutôt que malmené par-dessus à chaque passage de vague. Cette promenade n’avait rien d’agréable. Elle ressemblait plus à une fuite éperdue. Il ne comprenait pas ce que voulait Grégoire en l’exigeant. Il avait semblé… contrarié… 

CRACABOUM ! 

Hélios faillit tomber de son embarcation lorsqu'un premier éclair zébra le ciel suivi par un grondement assourdissant. L'orage était tout proche. C'était le premier qu'il voyait et il n'aurait pas cru que ce phénomène était aussi effrayant. 

La tempête parut encore davantage encouragée par tout ce vacarme et redoubla d'ardeur. Une pluie torrentielle se mit à dévaler du ciel. Comme si Hélios n’était déjà pas assez mouillé comme cela ! 

Et, soudain, le petit triton vit un mur se dresser devant lui. C'était une vague, la plus haute qu'il n'aie jamais vue. Et elle arrivait droit sur lui en mugissant férocement. 

Il fut soulevé dans les airs sans avoir eu le temps de réagir et serra les cuisses contre son véhicule. Il se retrouva au sommet de la vague, entraîné en arrière. Pendant une seconde ou deux, il eut l'impression de voler. Puis la vague s’écroula et il retomba en chute libre. Son scooter s'enfonça dans la mer, puis parvint miraculeusement à rester à flot. 

Hélios s'agrippa aux poignées, secoué, ruisselant d'eau. Sa peau lui picotait de partout, prête pour une transformation immédiate. Il pria mentalement son corps de bien vouloir se maintenir encore un peu. Il ne fallait surtout pas que sa queue se forme dans sa combinaison. Ni qu’elle se forme tout court, d’ailleurs, car Grégoire était dans les parages ! 

En parlant de Grégoire… Le triton n’entendait plus le bruit du deuxième moteur. Il tourna la tête dans tous les sens. Ni le jeune homme ni son  véhicule n'étaient plus visibles. La panique le gagna. Grégoire avait-il été déstabilisé par la vague ?