Chapitre 11

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Hélios rêva qu'il se promenait à la surface, sur une plage de sable fin. Une personne marchait à côté de lui. Un beau jeune homme à la peau brune. Ses doigts ne cessaient de frôler les siens et le triton finissait par en oublier presque le paysage idyllique qui l'entourait, trop concentré qu'il était à profiter de chaque caresse. 

Puis il y eut un terrible tremblement de terre. Le sol tanguait sous les pieds d'Hélios qui chancela. Il tenta de s'agripper au jeune homme qui l'accompagnait, mais celui-ci avait disparu, remplacé par un agent des FIT qui le toisait avec sévérité. 

— Tout est de ta faute, Hélios, le sermonna-t-il avec la voix de son père. Tu n'as pas ta place ici. Vois les catastrophes que tu provoquées par ta désobéissance. 

Le petit triton voulut crier. Le sable tourbillonnait tout autour de lui, rentrait dans sa bouche, l'étouffait. Et il se réveilla dans un endroit inconnu, complètement désorienté. Quelqu'un le secouait. 

— Hé ! lui lança une voix désormais familière. 

Hélios ouvrit un œil. Grégoire se tenait au-dessus de lui. C'était une vision si agréable que le petit triton sourit sans pouvoir s'en empêcher, toute terreur envolée. Une partie de son rêve - la plus agréable - était vraie. Il avait bien rejoint la surface. La lumière orangée qui se faufilait par la fenêtre entrouverte était celle du soleil et non d'une quelconque lumière artificielle plus ou moins réaliste. 

Grégoire recula d'un pas et mit ses mains dans ses poches en regardant sur le côté. 

— Nous allons en boîte, dit-il sans transition. Est-ce que tu veux venir avec nous ? 

Hélios lui jeta un regard surpris. En boîte ? Quelle boîte ? Il ne savait de quoi il s'agissait, mais il hocha la tête avec enthousiasme. Il voulait expérimenter toutes les activités humaines, quel que soit leur nom. Et il se sentait bien, en compagnie du jeune homme. Il souhaitait rester avec lui pour le moment. Il serait toujours tant de partir explorer plus loin d'ici quelques jours. 

Lorsqu'il se redressa, le petit triton remarqua qu'une fine couverture avait été posée sur son corps par Grégoire. Hélios se sentit touché par ce geste. Le jeune humain était plus attentionné qu'il ne le laissait paraître sous ses airs bourrus. Il écarta doucement la couverture et se leva, au meilleur de sa forme. 

Le soir tombait lorsqu'ils arrivèrent sur le pont. Hélios comprit avec surprise qu'il avait dormi la journée entière. Ses aventures sous-marines l'avaient épuisé plus qu'il ne l'aurait pensé. Dire qu'il avait consacré sa première journée à la surface à roupiller ! Quelle perte de temps ! Frustré, il se mordit la lèvre et suivit de près Grégoire qui rejoignait les deux jeunes filles qu'Hélios avait rencontrées à son arrivée. 

Grégoire le désigna tour à tour à Hélios. 

—Voici Maude, ma cousine, et son amie Barbara. 

La première était la fille aux cheveux courts. Elle adressa un signe de main à Hélios. 

— Salut. 

Il lui répondit d'un hochement de tête, toujours incapable de s'exprimer. Son caractère froid était le seul point commun qu'il voyait entre elle et son cousin. Physiquement, ils étaient très différents et ils n'avaient pas du tout la même couleur de peau. 

La dénommée Barbara se tenait en retrait, méfiante, et ne disait rien. Pourtant le triton était-il cette fois-ci vêtu de pied en cape. Elle portait pour sa part une robe à paillettes bleues qui lui donnait une certaine ressemblance avec une sirène. Maude avait enfilé une robe noire beaucoup plus simple qui lui allait bien. Hélios se sentit d'autant plus ridicule dans ses vêtements trop amples. Mais ces derniers sentaient bon. Il aimait un peu moins les chaussures de Grégoire lui avait fait mettre. Il s'agissait d'une sorte de semelle en matière étrange qui ne tenait à ses pieds qu'au moyen d'une petite barre glissée entre deux orteils du triton. La semelle frappait contre le plante de son pied à chaque pas qu'il faisait avec un grand bruit de claquement. 

Ils montèrent dans un bateau beaucoup plus petit que celui dans lequel ils s'étaient trouvés jusqu'alors. Deux banquettes se faisaient face. Grégoire s'installa au poste de pilotage et Barbara s'empressa de s'asseoir à quelques centimètres de lui tandis que la cousine Maude la suivait à l'arrière. Hélios se glissa timidement sur la dernière place restante, à côté de Maude qui ne lui adressa pas une fois la parole. Il ne s'en préoccupa pas, trop occupé à dévorer les alentours du regard. Un reste de soleil couchant lui permettait d'apercevoir une grande ville au loin, située derrière une route courbée bordée de palmiers qui se détachaient du ciel rougeâtre. Une file de voitures passait presque sans intermittence. La lumière de leurs phares clignotait à chaque fois qu'elles passaient devant l'un des palmiers. Elle permettait de distinguer les silhouettes innombrables qui se pressaient le long de la mer. 

Pris d'une soudaine timidité, Hélios tourna la tête vers l'arrière et observa les vagues qu'ils laissaient dans leur sillon. Il savait à quel point les humains étaient nombreux. Bien plus que les sirènes et tritons qui n'étaient qu'une goutte d'eau de l'océan à côté d'eux. Mais le constater de ses propres yeux avait quelque chose d'effrayant. 

La vision de sa famille s'imposa dans son esprit et un sentiment de culpabilité désormais familier le traversa. Il s'efforça de le chasser et releva les yeux, ignorant l'angoisse qui menaçait de le submerger. 

Le trajet fut bref, car le rivage était tout proche. Grégoire avait dirigé l'embarcation vers un port assez étroit et la gara le long d'un embarcadère. 

Hélios mit pied à terre le premier, tout excité. Et voilà, il marchait véritablement sur le sol de la surface et non plus seulement sur le pont d’un bateau. Il était tellement heureux qu’il aurait été prêt à faire des bonds en l’air. Son aventure prenait une toute nouvelle tournure ! 

Grégoire lui jeta un regard en biais en le rejoignant sur le quai. 

— Tout va bien ? 

Le triton hocha la tête avec joie. Il n'arrêtait pas d'avoir envie de sourire depuis son arrivée à la surface. 

Ils reprirent leur trajet dans une voiture rouge sans toit, ce qu'Hélios ne trouva pas très pratique. Comment feraient-ils s'il se mettait à pleuvoir ? Le ciel n'était cependant pas menaçant. Les premières étoiles de la nuit commençaient à poindre et le triton ne savait plus où donner des yeux. Il avait mal au cou à force de tourner la tête dans tous les sens. Il regrettait que l'obscurité ne fasse qu'augmenter, lui masquant peu à peu le paysage. Il ne pouvait même plus distinguer la mer pourtant très proche et se sentit mal à l'aise à l'idée d'être privée de toute fuite. 

— Nous voilà arrivés, dit soudain Grégoire. 

C'était le premier mot qu'il avait prononcé depuis un bon moment, alors que Barbara papotait joyeusement à côté de lui. 

Hélios regarda sur sa gauche. La boîte était en réalité un bâtiment illuminé par des guirlandes et une enseigne en néon situé au sommet d'une corniche. De la musique s'en échappait à chaque fois que la porte s'ouvrait. Des jeunes gens faisaient la queue devant la porte d'entrée gardée par un vigile. La file s'étendait sur une bonne vingtaine de mètres. 

Le cœur d'Hélios se mit à frétiller d'impatience lorsqu'il comprit qu'il s'apprêtait à assister à sa toute première fête humaine. 

Arc en ciel (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant