Chapitre 30

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Oscar Verdini aimait bien affirmer qu'il était le meilleur détective privé de la Côte d'Azur. Il l'avait fait écrire en lettres dorées sur le site internet qu'il s'était fait réaliser à grands frais et aucun de ses confrères n'avait protesté. Il est vrai qu’il avait résolu la plupart des cas qu’on lui confiait, même si ses affaires ne fonctionnaient pas pour le mieux en ce moment. 

La saison avait été assez décevante (un seul client en plus de quatre mois : une star américaine de passage au festival de Cannes l'avait mandaté pour retrouver son chiwawa, un espèce de gros raz teigneux qui l'avait mordu jusqu'au sang lorsqu'il avait enfin réussi à mettre la main sur lui à la fourrière). Ainsi avait-il été particulièrement satisfait lorsqu’un client fortuné avait toqué à la porte du minuscule bureau qu’il occupait sur la Croisette. 

L'affaire était assez classique : M. Faure, un homme d'affaire qui dirigeait une puissante firme d'import-export, désirait trouver un moyen de séparer son fils de son petit-ami homosexuel. Parce que "il n'avait rien contre les gays, bien sûr", tant que cela ne touchait pas sa propre famille, apparemment. 

Oscar avait hoché la tête sans faire de commentaire. Il n'était pas là pour juger, mais pour répondre aux souhaits de ses employeurs. 

— Quels éléments avez-vous sur ce jeune homme ? demanda-t-il en sortant un carnet à spiral. 

Il prenait toujours ses notes à la main, considérant que cela correspondait mieux à l’image que la majorité des gens se faisaient d’un détective privé. 

— Pas grand-chose, répondit M. Faure avec une légère moue. Ce jeune homme est invisible. Il n’apparaît sur aucun réseau social ni nulle part en ligne. Je souhaite disposer d'un moyen de pression permettant d'écarter définitivement cet aventurier de mon fils. 

— Tout le monde a toujours quelque chose à cacher, avait assuré le détective en gribouillant quelques mots de plus. Et, croyez-moi, je suis le meilleur quand il s'agit de savoir quoi. 

Depuis tout jeune, Oscar aimait fouiner dans la vie des gens et découvrir leurs secrets les plus intimes. Il n'y avait rien de plus excitant que de mettre la main sur quelque action suffisamment honteuse pour risquer de détruire la vie de son auteur. 

Tout cela n'était pas très moral, bien sûr, mais cela rapportait suffisamment pour pouvoir se passer d'une conscience trop pointilleuse. Oscar n'acceptait que les contrats très juteux à plusieurs dizaines de milliers d'euros. Bien sûr, cela entraînait en contrepartie des clients très exigeants qui ne toléraient pas les échecs. Cela tombait bien, car il avait horreur d'échouer. 

Le détective privé s’était mis aussitôt au travail après le départ de M. Faure. Ce jeune homme, Hélios (même s'il ne s'agissait peut-être pas de son véritable prénom), lui avait cependant causé de nombreuses difficultés. Pour commencer, comme l’avait affirmé son client, il n'y avait aucune photographie de lui sur internet. Absolument aucune. On aurait cru qu'il venait de débarquer d'une autre planète. Les gamins de nos jours ne passaient-ils pas leur temps à faire des selfies et autres idioties ? Il fallait croire que certains n'en ressentaient pas le besoin…  

Le détective relut ses maigres notes. Le fils Faure avait tout juste dix-huit ans. Un âge où, selon Oscar, on était loin d'être l'adulte qu'on était supposé être, surtout avec cette nouvelle génération. Le dénommé Hélios devait être un peu plus jeune. Il avait probablement fugué de chez ses parents. S'il en avait. 

Oscar avait passé les premiers jours à reconstituer soigneusement l'emploi du temps de sa cible, aidé par cela par un employé du yacht que son client avait mis à sa disposition. Il s'était ensuite débrouillé pour se procurer les vidéos de surveillance des lieux dans lesquels Hélios s'était rendu. Le détective avait ses entrées dans les sociétés de sécurité et un bon copain toujours près à lui envoyer quelques bandes en échange d'un menu service. Si cela ne donnait rien, il en reviendrait aux bonnes méthodes de filature, ce qu'il préférait éviter. Il était assommant de suivre ces adolescents surexcités qui sautaient d'une fête à l'autre, persuadés d'avoir une existence des plus palpitantes. Oscar préférait s'occuper des maris volages, bien moins fatigants (leurs femmes l'employaient pour trouver des preuves de leurs tromperies, ce qui n'avait en général rien de difficile). 

Arc en ciel (bxb) [terminée]Where stories live. Discover now