LES AMOURS ÉPONYMES 2

26. Un amour à distance

Hein ? Que ? Quoi ? Quiche ? 

Megan a permis à Meghan de gagner un Wattys ? 

Je suis tellement bouche bée qu'aucun son ne parvient à sortir de ma bouche.

— J'espère que tu ne comptes pas abandonner ce projet, poursuit-elle, parce qu'il a du potentiel. Il lui manque quelques réécritures et un peu de profondeur, mais il s'agit d'un texte percutant. Il pourrait tout à fait convenir aux programmes de rémunération mis en place par Wattpad, voire à une maison d'édition, si tu souhaites le retravaill...

Elle est interrompue par la sonnerie de son téléphone : Like Boys, d'Hyphen Hyphen.

Deux immenses fossettes se creusent sur mes joues. J'adore cette chanson !

— Merveilleux... ironise-t-elle en jetant un coup d'œil à son portable. Ma pause est finie, et tes dix minutes de torture aussi.

— Ce n'était pas une...

Je m'interromps en la voyant porter l'appareil à son oreille. Le bon sens voudrait que j'en profite pour m'éclipser, mais mon instinct me souffle de rester encore un peu.

Megan revêt son uniforme de cheffe de la WattySélection et s'exprime dans un anglais impeccable, sans toutefois réussir à cacher sa frustration. 

— Shit. When ?

— ...

— OK. I'll be right there.

Elle se tourne vers moi et soupire, un rictus sardonique déformant ses lèvres charnues.

— Il semblerait qu'Eliott ait décidé de foutre ma soirée en l'air.

Je reste interdite, voulant et craignant qu'elle me donne plus de détails. Eliott Scott n'est-il pas le jeune homme serviable et engagé que j'ai toujours imaginé ?

Pitié, faites que je ne me sois pas trompée sur son compte !

Mon cœur de lectrice ne s'en remettrait pas.

— Ses candidats, plutôt. Deux d'entre eux se sont battus, et comme Eliott n'est pas un membre du staff à proprement parler, je dois m'en charger moi-même. Il faut vraiment que le QG m'engage un assistant, ou qu'il m'offre le don d'ubiquité. Je ne peux pas être à Paris et à Berlin en même temps !

Elle s'arrête et me jauge du regard, déterminant sans doute ma capacité à colporter des ragots. 

Heureusement, je ne suis pas comme Béa. J'en suis même tout l'opposé.

— Motus et bouche cousue, capiche ?

— Capiche !

— Merci, Emy, me souffle Megan. Si l'intervention d'Eliott n'avait pas compromis mon rendez-vous avec Edith, je t'aurais raccompagnée à l'intérieur, mais...

— Edith ? la coupé-je, incapable de trouver un visage à associer à ce prénom.

C'est une autre juge, peut-être ? Ou une Ambassadrice ?

— Ma petite amie.

— Oh.

Nom d'un scarabée desséché ! Elle me parle de son couple, et tout ce que je trouve à dire, c'est « oh » ? Je n'ai qu'à lui avouer que je ne me suis jamais intéressée à sa vie privée aussi, ça ira plus vite !

C'est faux, en plus : je passe mon temps à me demander comment Megan résiste au stress et à la pression imposés par son travail. Entretenir une relation dans de telles conditions, ça relève de l'exploit...