45. Autobiographie d'une quiche

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« Cette épreuve aurait été parfaite pour Hugo. »

Voilà la première pensée qui me vient à l'esprit. 

La pire, sans doute. 

Je m'efforce de chasser cette idée de ma tête et me concentre sur le sujet à proprement parler : mon portrait, rédigé sous le point de vue d'une personne amoureuse de moi. 

Pas très inspirant, quand on sait que Gabin constitue mon seul modèle en la matière. 

Il y a bien eu Max, mais notre relation est trop ambiguë pour que je mesure avec certitude la nature réelle de ses sentiments. Je pourrais l'appeler, mais je ne suis pas sûre que ça m'aide beaucoup... et puis, je lui en ai assez fait baver comme ça.

Qui d'autre, alors ? 

Clément, mon amoureux de maternelle ? 

Mauvais choix ! Il s'est marié il y a deux ans avec sa petite amie du lycée, et si j'en crois la dernière photo qu'il a postée sur Facebook, il va bientôt devenir papa. 

J'ai beau chercher, je ne trouve rien. Si je ne peux pas puiser dans mon vécu, il ne me reste donc plus qu'une solution : inventer. Mais qui serait assez fou pour m'aimer ? J'ai déjà du mal à me supporter moi-même... 

Ou alors, je pars sur un enemies to lovers. Après tout, les termes de l'énoncé ne précisent pas quand ni comment le personnage doit s'amouracher de l'auteur. 

Oui, c'est ça. Il faut que je crée un personnage qui me déteste, mais qui développe des sentiments pour moi. 

Quelqu'un que j'agace. Quelqu'un qui méprise mes petites manies. Quelqu'un qui préfère la glace à la vanille à celle à la pistache, aussi. 

Et qui ne lit pas, cela va sans dire. 

Quelqu'un qui me hait, mais qui, malgré tous mes défauts, ressent une forme d'attirance pour moi. 

Malheureusement, c'est le « pourquoi il m'aime » que je peine à trouver.

Commençons par établir le « pourquoi il me hait ». Ça, ça ne devrait pas être compliqué !

D'abord, je suis très dépensière lorsqu'il s'agit d'acheter des bouquins. Et je n'écoute personne quand je lis, si ce n'est le héros du livre. Je suis nulle en cuisine, et je ne risque pas de m'améliorer parce que je n'ai aucune volonté. Je jette les petites cuillères à la poubelle, aussi. Ça arrive tellement souvent qu'on pourrait croire que je le fais exprès, mais promis, je n'y suis pour rien ! Comme pour ma scoliose, d'ailleurs. Oh, et n'oublions pas qu'il m'arrive de confondre quelqu'un qui veut m'aider avec un tueur en série, ou, à l'inverse, de prendre un salopard pour un ami. 

En résumé : je suis bourrée de défauts. 

Pourtant, je suis toujours en vie. C'est bien la preuve que je possède au moins une qualité : la résilience.

Si on part de là, il faut que mon ennemi la voie à l'œuvre. Sinon, pas d'attirance... et pas de sentiments. 

Mon portrait se doit donc d'être dynamique, étalé dans le temps. 

Instinctivement, je pense à un journal intime. C'était ma première approche de l'écriture, et même si je ne suis pas parvenue à en tenir un suffisamment longtemps pour noircir la moitié des pages d'un carnet, j'en ai déjà écrit plusieurs entrées.

Un rapide coup d'œil autour de moi réveille la boule d'angoisse qui s'était recroquevillée dans un coin de mon estomac. Les autres auteurs sont déjà passés à la rédaction. Je suis la seule à potasser mon brouillon.

LES AMOURS ÉPONYMES 2Where stories live. Discover now