33. À dernière vue

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Trois minutes plus tard, au rez-de-chaussée de l'hôtel particulier...

Un débardeur froissé, un pantalon serré, des cheveux en vrac et quelques gouttes de sueur. 

Voilà ce que je porte lorsque je débarque dans la salle des épreuves, à neuf heures tapantes, alors qu'Hugo est en train de dégommer mon histoire. 

Megan me repère du coin de l'œil, mais garde le silence en me voyant m'installer sur l'immense canapé qui a accueilli pendant cinq jours trente-et-un auteurs talentueux, moi, et un connard. 

Un connard qui ne m'a pas encore remarquée, tant il est absorbé par son discours.

— ... que les romans d'espionnage n'ont pas la cote. N'en déplaise aux amateurs du genre, Émilie Jaouen a pris ce pari risqué et nous a livré Mon cœur contre tes peurs, un ramassis de clichés qui m'a amené à questionner la raison même de ma présence ici. Par comparaison avec son texte au style enfantin, non maîtrisé et involontairement simplet, mon roman est tellement plus pertinent, ancré dans son époque, que je me demande si les juges ont réellement lu toutes nos œuvres. J'ai tenté de faire part de mon ressenti à la principale intéressée, mais comme Emy fait partie de ces femmes qui ne supportent pas la critique, elle nous a tous gratifiés son absence ce matin.

J'ai beau me pincer et me repincer le bras, rien n'y fait : les paroles d'Hugo résonnent encore et toujours à mes oreilles, sans que personne ne se décide à les faire taire. 

C'était donc ça, sa stratégie ? M'amadouer, me droguer puis me salir en public pour anéantir toutes mes chances d'atteindre la finale de la WattySélection ?

Mon cœur se serre à mesure que la trahison se répand dans mes veines. À chaque seconde qui passe, ma détermination faiblit et le poison se diffuse encore un peu plus dans mon sang. 

Malgré la violence de ses propos, ni Megan, ni les autres juges ne savent que c'est lui qui m'a maltraitée. Ici, dans cette salle remplie d'artistes et de journalistes, je suis seule. Tristement et désespérément seule. 

Je m'agrippe au sofa pour ne pas pleurer, hurler, ou les deux à la fois. Ma haine est bien plus vive que ma honte. Si je n'étais pas tétanisée, je me précipiterais sur Hugo pour empêcher un seul mot de sortir de sa bouche. 

— ... alors j'ai cherché pourquoi Émilie avait choisi de mettre en scène une héroïne maladroite à l'humour douteux. Puis j'ai compris. Qui d'autre qu'elle pouvait parler d'une meuf effacée, paumée dans ses volontés ? Son existence est réduite à raconter la vie de son alter ego, preuve que derrière sa fausse modestie se cache en réalité un être vil, vantard et ventr...

— Ça suffit, Hugo, tonne Megan en se levant de son siège, au comble de l'indignation.

Mais il ne lui accorde pas un regard et poursuit sur sa lancée, galvanisé par les dizaines de paires d'yeux braquées sur lui : 

— Pour toutes ces raisons, et pour celles que vous trouverez sans mal si vous perdez dix minutes de votre vie à lire le premier chapitre de ce torchon, je vous déconseille de lire Mon cœur contre tes peurs, et j'espère sincèrement que le jury qui se tient face à moi saura distinguer un auteur, un vrai, d'une manipulatrice prête à tout pour s'assurer une victoire qu'on ne peut que contester. Merci. 

Et il quitte la scène. 

Il quitte la scène, puis regagne sa place en passant à moins d'un mètre de moi. Mon cerveau prend le contrôle de ma respiration alors que je retiens mon souffle, sans comprendre. D'où lui vient une telle haine pour quelqu'un qu'il ne connaissait pas il y a encore une semaine ?

Il faut... il faut être un monstre pour raisonner comme ça ! 

J'aurais dû agir comme je l'avais prévu, sans attendre : ouvrir les portes de la grande salle, monter sur l'estrade et faire regretter à ce pervers d'avoir dit un mot de travers sur mon roman, avant d'appeler les policiers pour qu'ils soient témoins de l'histoire que je m'apprêtais à raconter : celle d'un manipulateur prêt à s'attirer la sympathie de l'une de ses concurrentes pour la droguer, la veille des résultats, et pour quoi, hein ? 

Voilà une question qu'il aurait été intéressant de poser à Hugo, une fois les menottes passées à ses poignets. Il nous aurait peut-être expliqué comment il avait mis en place son stratagème, après notre rencontre, après avoir détecté mes faiblesses, puis il aurait fini derrière les barreaux, parce que le système judiciaire est bien fait et parce que j'aurais parlé.

Malheureusement, rien de tout ça n'est arrivé.

J'ai été paralysée par ma peur, comme toujours. Mais il faut que ça change, parce que j'en ai marre, vraiment marre, de vivre dans l'ombre de ma propre lumière.

Mon regard se pose sur mes mains. Elles sont livides, tout comme ma bouche. Je me mords tellement fort les lèvres pour ne pas craquer qu'une goutte de sang s'en échappe, et s'échoue sur le parquet. 

Personne ne la remarque. 

Personne sauf Eliott, qui a les yeux rivés sur moi depuis mon arrivée.

Personne sauf Eliott, qui a les yeux rivés sur moi depuis mon arrivée

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Eliott Scott est sans doute plus attentif à Emy qu'elle ne l'est elle-même

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Eliott Scott est sans doute plus attentif à Emy qu'elle ne l'est elle-même... Vous pensez qu'il va intervenir, cette fois ? Qu'auriez-vous fait, à sa place ? 🤔

On ne va pas parler d'Hugo, hein... 🤢 Qu'est-ce qu'Emy va faire, d'après vous ? Rester ? Partir ? Le dénoncer à la police ? Tout semble possible...

 🤢 Qu'est-ce qu'Emy va faire, d'après vous ? Rester ? Partir ? Le dénoncer à la police ? Tout semble possible

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LES AMOURS ÉPONYMES 2Where stories live. Discover now