48. Pourquoi pas toi ?

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Mon plat arrive à la minute même où Antoine, Eliott et Lucy finissent de manger. Je me dépêche de l'engloutir en ignorant les protestations de mon estomac, qui se demande visiblement comment il va pouvoir digérer une aussi grosse quantité de nourriture en si peu de temps. 

Il n'est pas à plaindre, non plus ! Il y a pire que du fish and chips, comme... je ne sais pas, moi... du cassoulet pas bien préparé ?

— Eliott m'a dit que vous étiez l'une de ses lectrices, remarque Lucy en se penchant dans ma direction.

— Oui, euh... j'aime bien ses livres. 

« Aimer bien » est un euphémisme !

Du coin de l'œil, j'aperçois son petit ami esquisser un sourire en passant la main dans ses cheveux. 

Bien. Je ne suis donc pas la seule à être embarrassée par cet échange. Autrement dit : il est grand temps de changer de sujet. 

— Et vous ? m'enquiers-je à mon tour. Vous écrivez ? 

C'est une bonne question, non ? J'aurais pu lui parler de lézards ou de papier toilette, mais mieux vaut rester sur un sujet simple, familier. 

— Moi ? Sûrement pas ! J'ai déjà du mal à supporter la colocation avec un écrivain, alors m'infliger ça... 

J'attends des éclats de rire, même minimes, mais rien ne vient. Ni son conjoint, ni elle n'expriment la moindre émotion.

À ma droite, Antoine se raidit sur sa chaise, visiblement mal à l'aise. 

J'aurais peut-être dû parler de lézards, finalement. 

— Vous n'avez jamais été publiée ? poursuit Lucy sans s'émouvoir

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— Vous n'avez jamais été publiée ? poursuit Lucy sans s'émouvoir. 

Je manque de m'étouffer avec une patate. 

— Ma meilleure amie a envoyé mon manuscrit à des éditeurs à ma place, mais...

— Ils l'ont refusé ? devine-t-elle en posant ses coudes sur la table, intriguée. 

— Pas encore. Ça ne fait qu'une semaine, il est encore trop tôt pour que je reçoive des réponses, marmotté-je en plongeant la tête dans mon assiette. Non ? 

Lucy ne relève pas, visiblement pas convaincue. 

Je gobe les dernières frites à l'aide de ma fourchette, mais le cœur n'y est pas. Je crois qu'elle vient tout juste de me couper l'appétit...

Elle ne pensait pas à mal, bien sûr, mais j'aurais aimé être rassurée : lorsqu'on se retrouve à table avec deux artistes qui ont déjà plusieurs ouvrages à leur actif, il est difficile de ne pas remettre sa légitimité en question. 

Après tout, qui suis-je, pour me proclamer auteure ? 

Une jeune femme de 23 ans qui a trop pris la confiance et est incapable d'écrire une ligne de son fichu bouquin, voilà ce que je suis !

LES AMOURS ÉPONYMES 2Where stories live. Discover now