6. Oratio aurea - partie 2

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« Sept détenus ont écrit qu'ils étaient innocents et seulement trois ont sélectionné "coupable. Au total, votre taux d'échec est de 60 %. »

— Vous avez bien entendu ?

Ils hochèrent la tête, enregistrant l'information, même s'ils n'étaient pas trop sûrs de savoir quoi en faire.

— Quelque chose à déclarer.

— En fait, c'est plutôt sans surprise, déclara Jordan avachi sur sa chaise sur le ton du dépit. Personne ne se dit : « Je sais que je vais commettre un crime dans ma vie. » ou « Je pense que je vais finir par faire du mal aux autres. » Quand ça arrive, c'est rarement quelque chose qui était programmé dans la vie des gens : à 6 ans j'apprends à lire, à 8 ans, j'ai mon premier tél et à 13 ans ma première petite copine, à 18 ans je passe le bac et à 19 je tue quelqu'un... sérieusement. Les avaient peut-être de bonnes raisons pour tuer quelqu'un, mais ils ne s'en souviennent plus à cause de l'hypnose et donc ils ont du mal à se voir coupable.

— C'est totalement vrai, commenta Victoria avec admiration.

— Mais ce n'est pas la seule raison, ajouta Iphigénie. Je pense aussi que personne n'a envie d'être ici et d'être coupable. C'est mieux de se dire qu'on est ici pour gagner 100 000 francs que de savoir qu'on risque sa vie. C'est le groupe dans lequel on a envie de se projeter.

Irène réalisa combien elle avait raison. En y réfléchissant bien, c'était exactement les raisons qui l'avaient poussée à faire elle-même ce choix. Elle n'avait jamais eu de raisons de tuer quelqu'un ou d'être violente, mais qu'en savait-elle vraiment ? La vérité, c'est qu'elle n'avait pas envie, tout simplement pas envie d'être dans le groupe des coupables. Pourvu qu'elle n'y soit pas !

— Dans ce cas-là, intervint Irène. Pourquoi trois personnes ont-elles mis « coupable » quand-même, à votre avis ?

Elle posait la question sincèrement. Elle ne voyait pas bien pourquoi quelqu'un se projetterait dans cette catégorie. Malgré tout, une fois la question ayant été prononcée, elle remarqua les œillades méfiantes et gênées des détenus les uns envers les autres. C'est comme si elle avait exigé des « coupables » qu'ils se dénoncent et confesse leurs crimes.

— Ce n'est pas une question piège, corrigea-t-elle. Je veux simplement comprendre.

— Moi, je pense que je suis coupable.

Il fallut quelques instant pour qu'ils comprennent qui avait parlé. Elliot n'avait bougé que les lèvres et n'avait même pas levé les yeux, ni arrêté de se mastiquer l'ongle du pouce. Guillaume s'écria « Je le savais. » Victoria, elle, prit un air outré et Enzo secoua la tête avec désapprobation.

— Elliot ? interrogea Marc, qui n'était pas sûr d'avoir bien entendu.

Le garçon parut soudain inquiet et ses sourcils déjà naturellement froncés se baissèrent davantage, jetant une ombre sur ses prunelles.

— Je n'ai pas le droit de dire ce que j'ai voté ?

— Si, si, le rassura l'animateur. Je n'étais pas sûr d'avoir bien entendu.

— J'ai bien dit que j'avais voté coupable. Mais ce n'est pas pour les raisons que vous croyez.

— Pourquoi ? demanda Irène.

— C'est tout simplement que... je suis contre la peine de mort.

L'étonnement électrifia le salon de parole. Irène n'en revenait pas. Il était rare de croiser des personnes qui pensent différemment, encore plus d'en trouver qui l'expriment, même en privé, alors, voir quelqu'un remettre en question une loi de la République face caméra, c'était de la science-fiction.

Ennemis jurés TOME 1 SuspicionWhere stories live. Discover now