9. Somnus in eo - partie 2

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La voix s'arrêta et ils se retrouvèrent à nouveau dans le silence. L'absence d'éclairage accentuait l'ambiance complotiste de l'instant.

— Ça veut dire quoi ? demanda Guillaume.

— Une demi-heure, commenta François. C'est long pour prendre une décision, je trouve.

— Je pense au contraire que ça peut passer très vite, dit Irène.

— On n'a... on n'a... on n'a p-pas de montre. Il ne faudra p-pas se faire p-piéger par le temps.

— Ce qui veut dire qu'on ne pourra pas perdre du temps à t'écouter, cassa François.

— Arrête, dit Irène. On a tous des choses intéressantes à dire. En plus, la voix a été Fatiha : on est là pour s'entraider et élaborer la meilleure stratégie. On n'est pas les ennemis les uns des autres.

— Je dis simplement ça pour gagner du temps. Elle pourra parler, mais il faudra qu'elle fasse des phrases courtes.

— Hé ! coupa Guillaume qui revenait vers eux.

Chacun de ses pas lourds faisait trembler la structure et produisait un tonnerre de tous les diables. Il marchait comme un dinosaure.

— Vous faites quoi du coup ? Vous restez là ? On n'essaie pas de s'évader ?

Caro se tapa le front d'exaspération et François – pas vraiment le type le plus compréhensif du monde – lâcha ses nerfs sur lui.

— T'es un idiot total ou tu le fais exprès ?! T'as entendu l'I.A. comme nous ou t'es sourd ?!

— Tu me traites d'idiot, là ?! cria Guillaume en devenant rouge.

— Hé ! Hé ! intervint Irène. On est une équipe ! Vous n'allez pas vous battre quand même.

— Comment ça ? On est une équipe ? répéta Guillaume penaud.

Elle qui était toujours du genre à voir le bon côté chez les autres, là elle séchait. Il fallait donner raison à François : Guillaume était un idiot fini. Mais ce n'était pas le seul à la désespérer. Une fille qui bute sur tous ses mots, un garçon incapable de comprendre l'intérêt d'un dialogue et un... fou furieux. Devait-elle réellement faire équipe avec eux ?

— Parce que l'I.A. vient de nous le dire, expliqua-t-elle. Elle vient de dire qu'on est une équipe, qu'on est tous dans le même bateau.

— Pourquoi ?

— Tu connais les règles de ce jeu ?

— Évidemment.

— Tu sais que, parmi les autres, il y en a un qui est ton pire ennemi ?

— Ouais, quelqu'un qu'aurait voulu me tuer...

— Hum... par exemple, oui. Eh bien, ça ne peut pas être moi, ni François, ni Caro. Tu peux nous rayer de ta liste. Nous ne sommes pas tes ennemis. Tu comprends ?

— Ouais, je comprends. Je suis pas idiot. Mais pourquoi on nous a sortis du lit ?

— Pour nous dire ça ! cria François à bout de patience. Pour nous dire qu'on est ensemble ! Pour qu'on décide contre qui on vote au prochain procès ! Le jeu nous file un coup de pouce.

— Je pense toujours qu'on pourrait essayer de partir. C'est une trop belle occasion de se tirer.

Il désigna la porte d'entrée. C'était tellement tentant que lui dire d'y aller.

Caro se frottait à présent l'arête du nez.

— E-elle avait raison. Une de-de-demi-heure. Ce sera t-trop court.

— Tu ne vas pas pouvoir t'évader, dit Irène dans un soupir. Ils ont ouvert les cellules, mais des dizaines de portes sont toujours fermées et nous n'avons pas les clés. En plus, si tu tentes vraiment quelque chose, l'alerte sera donnée et tu seras vite rattrapé. Ce n'est pas une « belle occasion », comme tu dis. C'est prévu dans le jeu, comme quand on nous fait manger au réfectoire, on est en dehors de nos cellules, mais ce n'est pas une bonne occasion pour s'évader pour autant.

Guillaume l'écoutait avec un regard vide.

— Je vois... dit-il avec un ton qui montrait toute sa déception. Il y avait cru.

— Revenons à nos affaires, dit François. Comment on est censé savoir contre qui voter ?

— O-on est... On est c-coupables ou, ou, ou...

— ... ou victime, compléta Irène en mettant de côté les efforts qu'elle aurait fait habituellement en laissant Caro finir ses phrases. On n'en sait rien pour l'instant. Mais on le saura sûrement à la fin du premier procès.

— P-pourquoi. P-pourquoi ils ne nous le...

— Le suspense sûrement, répondit François, doigt sur le menton. Mais ce n'est pas la question la plus urgente pour le moment : il faut qu'on se mettent d'accord ! Qui on élimine ?

— On a encore une nuit pour se décider, précisa Irène. On n'est pas obligé de prendre une décision tout de suite. Il y aura l'épreuve demain. Peut-être que ça nous donnera plus de pistes.

— Je n'ai pas vraiment compris ce que c'était cette épreuve, dit-il. On y gagne quoi ? Rien n'est honnête dans ce jeu. Ils ne peuvent pas nous donner toutes les règles une bonne fois pour toutes ! Regarde cette nocturne... sacrée surprise ! Ça change totalement nos plans. C'est énorme en fait. Moi qui pensais voter contre toi.

Ennemis jurés TOME 1 SuspicionWhere stories live. Discover now