10. Purpura - partie 3

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Elliot et Jordan portaient tous les deux un jogging gris. Leurs regards glissèrent d'un groupe à l'autre, d'une couleur à l'autre, avant de revenir sur leurs propres vêtements. Ils paraissaient ne rien comprendre à ce qui leur arriver.

Prudemment, ils se dirigèrent vers les oranges. Irène devinait qu'Elliot rejoignait Fatiha la zonarde et Jordan son collègue sportif. Elle tendit l'oreille pour suivre leur conversation. Heureusement, ils ne s'étaient pas mis à l'autre extrémité de la cour.

— Quelqu'un peut nous expliquer ? dit Jordan. Pourquoi vous êtes tous en orange ?

Caro qui, comme tout le monde, avait bien entendu se tourna vers Irène, éberluée.

— T-tu crois. Tu crois q-qu'ils ne se sont p-pas levés cette n-nuit ?

À voir leur tête, il ne faisait en effet aucun doute qu'ils étaient restés dans leur chambre toute la nuit. Et à présent, ils se réveillaient sans faire partie d'aucun groupe. Elle n'aurait pas aimé être à leur place.

— Viens, dit Irène, on s'approche.

Bientôt, tout le monde se trouva attroupé autour des deux gris.

— Vous allez nous répondre ? insista Jordan.

Les oranges se consultèrent du regard, Irène remarqua qu'ils semblaient surtout attendre l'autorisation d'Enzo, qui finalement prit la parole pour eux :

— Vous ne vous êtes pas réveillé cette nuit ?

— Pourquoi ? On aurait dû ? dit Elliot penaud, le cou rentré dans les épaules.

Il observa à nouveau les couleurs, les deux groupes. Derrière sa frange qui camouflait son front et ses yeux, on lisait une intense réflexion.

— Donc, résuma-t-il, si je comprends bien, vous vous êtes tous réveillés cette nuit, c'est ça ?

— Tous sauf vous deux, je pense, dit Enzo.

— Quoi ! Et c'est quoi le rapport avec ces couleurs ? s'énerva Jordan.

— Parce que nous n'avons pas été réveillés au même moment, poursuivit Enzo. Et parce que nous sommes de même nature.

— Même nature ? Tu veux dire tous coupables ou tous victimes ? Qui vous a dit ça ?

— L'I.A. Elle nous a dit qu'on était tous dans le même camp, sans préciser lequel. Nous, les violets, on pense presque tous qu'on est les innocents. On n'a presque aucun doute. À part Fatiha. Vous deux, l'I.A. ne vous a pas réveillé cette nuit, et je ne sais pas pourquoi.

Puis, il se tourna vers le groupe d'Irène, la fixa droit dans les yeux, elle, davantage que les autres.

— Vous confirmez ?

— Oui, dit Irène. Oui, je confirme... Nous nous sommes réveillés et l'I.A. nous a dit que nous étions tous de même nature et que personne n'était l'ennemi de l'autre parmi nous quatre. On s'est demandé pourquoi on était que quatre.

— On s'était demandé la même chose, dit Enzo.

— Pourquoi ? s'étonna Jordan. Pourquoi est-ce qu'Elliot et moi nous n'avons pas été réveillés et nous n'avons pas été intégrés ?

— Ça, j'en sais rien, dit Enzo en haussant les épaules. Mais la petite a une hypothèse. Dis-leur, génie.

Il avait dit « djenni », comme le diminutif du prénom Jennifer. Son intonation n'avait rien de moqueur, c'était même tout l'inverse. On aurait dit un grand frère fier de mettre en avant sa petite sœur.

— Je crois que c'est un moyen de maintenir du suspense pour les spectateurs et de permettre aux stratégies de ne pas être trop figées, dit Iphigénie timidement. Cela maintient aussi un peu le mystère. Je ne peux pas être 100 % sûre que mon ennemi est parmi les violets. C'est peut-être Jordan ou Elliot. En plus, s'ils avaient réparti tous les joueurs dans deux camps, alors, le jeu n'est plus qu'un combat entre deux équipes et c'est la plus forte qui l'emporte. Bien se connaître et bien connaître les autres n'a plus d'importance. En plus, avec cinq voix contre cinq, il y aurait une égalité. Avec deux joueurs gris, la balance peut pencher d'un côté où de l'autre, grâce à eux. Enfin, dans quelques jours, on saura sûrement si le perdant est coupable ou innocent. Par déduction, on connaîtra donc notre nature, tous les huit. Mais pas la leur.

Elle pointa les deux garçons en gris.

— Eux, jusqu'à la fin, on ne saura pas dans quel camp ils sont. Cette incertitude est essentielle pour maintenir la tension entre nous et forcer les téléspectateurs à rester devant leur télévision.

Il y eu un silence, durant lequel tout le monde parut assimiler la logique implacable de la gamine. Les gris servaient donc à maintenir davantage de suspense dans le jeu. Irène l'avait toujours su. C'était l'une des informations qu'elle avait retrouvées dans son tiroir à chaussettes. Mais même si elle n'avait pas déjà été au courant, elle aurait été convaincue par ce discours.

— Je fais quoi, moi, si je ne suis pas d'accord avec les règles du jeu, protesta Jordan désappointé. Qui je dois voir pour déposer plainte. Je veux parler à l'I.A. ! À Edmée ! Ou à Achille Moreau ! Je veux être dans un groupe.

Elliot laissait moins transparaître ses sentiments, pourtant Irène devinait qu'il n'était pas beaucoup plus satisfait de la situation. Elle-même, à sa place, elle serait assez écœurée.

Jordan venait à peine de proférer ses paroles que l'I.A. se déclencha.

« Annonce à tous les détenus. Achille Moreau vous attend. »

— Je... bredouilla Jordan. C'était du rapide. Il va me recevoir ?

« Il vous attend dans la salle de restauration. La première épreuve de faveurs va bientôt commencer. »

Fin du chapitre 10

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Fin du chapitre 10

Ennemis jurés TOME 1 SuspicionWhere stories live. Discover now