8. Memoria iter - partie 1

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~ Voyage dans la mémoire

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~ Voyage dans la mémoire

Avant le repas du soir, Irène retrouva sa place auprès d'Iphigénie ainsi que la présence tentante des médocs sur son plateau. Cette fois, elle ne leur réserva pas une place d'office dans la poubelle et préféra les glisser dans la poche ventrale de sa tenue de prisonnière. Elle prendrait une décision plus tard, au calme dans sa chambre.

Fatiha déjeunait à l'écart et seule, privée de son concitoyen. Les détenus furent moins bavards qu'au déjeuner. On évoqua rapidement les TIG qui avaient été accomplis et le malaise d'Elliot. Le malin plaisir que certains en tirèrent désola Irène. Seule Caro eut un mot de compassion pour lui, car elle avait elle-même traversé ce type d'épisodes :

— C-c'est affreux c-ces crises. J'avais b-beau savoir. À cha-chaque fois, j'avais l'imp- l'impression que j'allais y rester.

À 19 heures précise, ils furent dirigés vers leurs cellules. Irène n'aurait pas cru si bien dire quand elle avait expliqué à Elliot qu'ils avaient tous peur chaque fois que des grilles claquaient dans leur dos. En arrivant sous la verrière, des sueurs froides lui mouillèrent le t-shirt. Les doigts d'Iphigénie se serrèrent à nouveau autour de sa main en arrivant sous la verrière. Mis à part Victoria, dont les plaintes avaient attiré l'attention et l'appui de Jordan, les autres détenus se donnaient tous beaucoup de mal pour ne pas paraître trop affectés.

Malgré le sentiment d'emprisonnement, Irène se sentit soulagée de retrouver un semblant de solitude. La fatigue lui tomba dessus, comme si elle venait de vivre une journée de 72 heures. Elle se laissa tomber sur la chaise de bureau. Après cinq minutes à regarder dans le vide, Irène attrapa les médocs et les posa devant elle. Elle avait honte. Pourquoi n'était-elle pas capable de s'en sortir sans ça ? Sa mère, elle, n'utilisait pas de drogues pour réussir ses hypnoses.

Irène sortit le carnet à spirale de son tiroir et jongla avec le stylo à l'aide de son pouce et de son majeur.

Le décompte des heures continuait et il ne restait plus que 39 heures avant le premier procès. Pour l'instant, elle n'avait pas conclu d'alliance. Elle ne savait pas contre qui elle allait voter. Les soupçons qu'elle nourrissait à l'encontre de Guillaume et de Victoria n'étaient pas sérieux. Des présomptions. Des jugements superficiels. Elle ne pouvait tout de même pas prendre sa décision en s'appuyant sur des bases aussi peu solides !

Et si elle prenait plutôt le problème à l'envers. Pour qui les autres allaient-ils probablement voter ?

Irène cessa de faire tournoyer son stylo et nota :

- Le choix par affinité :

Devrait exclure Guillaume, car il s'est fait le plus d'ennemis

Si on lui demandait de mettre un nom, là, maintenant, tout de suite, dans une urne, elle glisserait sans doute celui de Guillaume. Et elle ne serait peut-être pas la seule. Enzo aurait sûrement de la rancune et Caro devait avoir ses moqueries en travers de la gorge. Ce garçon avait du talent pour se mettre les autres à dos. Il n'avait qu'un avantage pour lui : il était un citoyen traditionnel.

Elle poursuivit sa liste.

- Le choix par citoyenneté :

Choix de facilité. 8 tradis contre 2 zonards. Les tradis ont tout à y gagner.

Devrait exclure Elliot ou Fatiha,

Le petit doigt d'Irène supposa qu'un de ces deux noms circulerait dès demain. D'ailleurs, peut-être avaient-ils déjà circulé durant les TIG sans qu'elle soit au courant ?

Le clivage entre les deux degrés de citoyenneté était tel qu'Irène voyait se profiler une alliance de la tradition contre la zone gros comme une maison. Victoria la première déciderait sans doute de favoriser l'un des leurs – même s'il lui était antipathique – face à ceux qu'elle estimait être des dangers publics. Les valeurs de la tradition et de la ségrégation avant tout.

Si une telle alliance se concrétisait, cela ne serait pas bon pour elle, car elle serait alors forcée de faire un choix entre ses valeurs et sa propre sécurité. D'autant plus qu'elle se sentait déjà en danger.

Enfin, elle ajouta :

- Le choix stratégique :

Éliminer les favoris.

Devrait exclure : Moi.

Irène posa son stylo à côté de la feuille. Fatiha n'avait pas caché son mépris à son égard. D'autres pensaient peut-être la même chose et choisiraient peut-être de l'éliminer avant que sa mère n'interfère en sa faveur, Dieu seul savait comment.

Une fois toutes ses options mises à plat, Irène se sentit plus accablée encore. Mais au moins, ça lui avait permis de prendre une décision. L'heure était grave. L'heure était désespérée.

Elle attrapa les trois médocs et les goba tout rond. Pas de regret.

Elle compta à rebours à partir de trente. À la fin de son décompte, une sensation de bien-être et de confiance se diffusa en elle comme une pastille effervescente à l'intérieur d'un verre d'eau.

Elle alla s'allonger sur son lit, ferma les yeux et se concentra. Même si elle n'avait pas souvent pratiqué l'autohypnose, elle n'était pas novice. Elle l'avait déjà fait et pouvait le refaire.

Spontanément, elle choisit d'utiliser l'image de l'ascenseur. Ou plutôt, du descenseur. Elle se visualisa à son bord, au rez-de-chaussée.

L'ambiance y est agitée, il y a des courants d'air, de la lumière et du bruit. Des feuilles bruissent ; des enfants jouent en criant, des chiens aboient. Elle laisse son doigt presser la destination : niveau -1. Les portes se ferment, lentement, pas de précipitation. Puis, le descenseur s'ébranle, il s'enfonce, pas très loin sous la terre. Le son des enfants lui parvient encore, atténué. Les chiens, le vent, un cran en dessous. Irène enclenche le niveau -2. Les sons s'atténuent encore plus ; les voix enfantines ne sont que des murmures ; les chiens ne hurlent même plus. La lumière tamisée du descendeur est douce, celle du Soleil ne traverse pas jusque-là. Irène profite un peu, puis engage le niveau -3. Le descendeur s'enfonce. Il dégringole et Irène sent cette chute libre dans son corps, dans le bas de son ventre. Le descenseur tombe dans les ténèbres. Il fait complètement noir. Il n'y a plus de son. Le silence le plus pur. Le plus profond. Irène s'allonge dans le descenseur. Elle est en transe, détendue.

Elle peut à présent tenter d'explorer son inconscient. 

Ennemis jurés TOME 1 SuspicionWhere stories live. Discover now