11. Cenam vestram fruimini - partie 3

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Même Achille Moreau parut surpris de si peu de combativité.

— Tu abandonnes déjà ?

Elle opina.

— Attends ! Tu vas pas nous faire ça ? s'indigna François qui retrouvait soudain sa langue.

— Il a raison, dit Irène. Bats-toi !

— J-je ne p-peux pas.

— Laissez tomber, dit Guillaume. Elle est trop nulle.

— Lâcheuse ! mugit François.

Toutes ces méchancetés, qui étaient plus la cause que la conséquence de l'échec de Caro, dévastèrent Irène, si prompte à ressentir le malaise des autres.

Pourtant, elle aussi en voulait à Caro à cet instant. Cet abandon était réellement un drame pour leur équipe. Ils perdaient l'occasion d'avoir une voix en plus pour contrer les oranges. Leur seul espoir venait d'un échec d'Elliot. Il ne fallait pas trop compter là-dessus, il n'aurait sûrement aucun problème à finir ses deux plats.

— Bien, dit Achille Moreau. Si la décision est prise, nous allons compter jusqu'à trois et, à trois, Caroline appuiera sur le chronomètre et la cuisinière lèvera la cloche.

Sans avoir le temps de se préparer davantage, Elliot attrapa sa fourchette et son couteau et Achille cria :

— C'est parti !

Caro déclencha le chronomètre en appuyant sans entrain sur le bouton et, enfin, ils purent tous voir le repas d'Elliot : cinq saucisses grillées.

— C'est quoi ça ? C'est trop facile ! s'exclama Jordan alors que le deuxième plat identique était apporté sur la table.

— On ne va pas s'en plaindre, dit Victoria. L'important, c'est qu'elle perde. C'est une voix en moins contre nous.

Elliot comprit qu'il n'aurait pas besoin de se faire souffrance pour réussir son épreuve. Il se détendit. Son expression soucieuse quitta un instant son visage et Irène eut l'impression de découvrir un autre homme. Plus abordable. Plus gentil.

Il avala ses saucisses, bouchée par bouchée. On entendait que le bruit de ses couverts quand ils découpaient un morceau. En face de lui, Caro subissait le spectacle, retenait ses larmes. Elle avait parfaitement conscience qu'elle avait offert la victoire à Elliot. L'humiliation la sciait sur place, un peu plus à chaque fois qu'Elliot croquait dans ses saucisses. Elle n'osait ni regarder son adversaire ni les autres détenus. Seule. Vaincue.

— Alors, elles sont bonnes ? demanda Guillaume. J'ai faim.

Elliot jeta un coup d'œil dans sa direction mais ne répondit pas. À aucun moment, il ne laissa exploser sa joie, même pas quand il termina sa pitance, au bout de trois minutes seulement. Irène se demanda s'il n'avait pas de la peine pour Caro.

Achille Moreau le félicita :

— Et c'est fait ! Bravo, Elliot ! Tu remportes une voix supplémentaire pour demain. Fais-en bon usage. Quant à toi, Caro, tu conserves ton unique voix.

— C'est bon pour nous, ça, chuchota Victoria. Le malheur des uns fait le bonheur des autres, comme dit l'adage.

Caro retourna à sa place en cachant difficilement ses larmes.

— Au suivant ! cria Achille Moreau et sa belle assistante lui tendit le panier contenant les papiers.

Il touilla, touilla et touilla encore. Irène se tortilla sur sa chaise. Pas maintenant ! Si ses souvenirs étaient bons, pas sur ce tour.

Ennemis jurés TOME 1 SuspicionWhere stories live. Discover now