Chapitre 6 (nouvelle version)

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JAKE

Qu'est-ce qu'il m'arrive ? Quel est ce mal en moi qui me pousse à la toucher ? Je m'en veux, après tout je ne suis pas sensé éprouver autre chose que de la haine envers elle. Je ferme les yeux et m'allonge sur le lit. Je déconne à plein tube. Mais sa peau, putain. Elle est tellement douce. Son odeur fleurie a envahi toute cette foutue baraque. Je me remémore son regard enflammé dans ce couloir, et son corps attiré par le mien, son souffle à nouveau sur ma bouche...

Merde !

Je me passe la main dans les cheveux, nerveux et agacé par le chemin que prennent mes pensées.

Il faut que je sorte d'ici, pensé-je en me redressant subitement.

Je descends et traverse la maison d'un pas décidé en direction du garage. Je récupère ma planche de surf, l'installe sur la jeep stationnée dans l'allée, et démarre. Mon corps vibre au rythme du moteur qui vrombit. Je ne perds pas de temps et m'éloigne de la personne qui accapare mon esprit. Direction mon spot préféré.

Malgré le monde en ce dimanche, je décide quand même de surfer, j'en ai trop besoin pour m'aérer l'esprit. J'ai toujours été passionné par ce sport, il m'apporte une telle sérénité que je ne renonce jamais à glisser sur l'eau, quel que soit le climat ou les problèmes qui m'oppressent. Lorsque je suis sur la planche, plus rien n'a d'importance, seul le ressac qui se jette sur moi compte. Quand j'ai éprouvé cette sensation la première fois, j'avais 12 ans. Marlow m'avait quitté depuis un an, et pour me sortir de la maison, mon père m'a payé des cours d'initiation au surf. L'instructeur nous a d'abord expliqué les manœuvres sur le sable, puis nous avons testé la théorie dans l'océan, c'est à ce moment que j'ai pris conscience que ce sport pourrait m'aider à oublier mon chagrin – du moins le temps que j'étais sur le board. C'est aussi à ce même cours que j'ai essuyé ma première chute après avoir tenté un take-off*, heureusement nous étions équipés de flotteur pour éviter de se noyer dans le reflux des vagues. Cette glissade m'a rappelé que l'on pouvait se relever après un échec, ou une déception.

Depuis, j'ai progressé, sans jamais renoncer à ce loisir vital. Je ne fais pas de compétition comme Daryl, ma mère me l'interdit. Elle est par exemple terrorisée que je disparaisse dans les affres de la mer. À mon avis, elle pense surtout que cette discipline n'est pas assez socialement approuvée par l'élite de Hellwood. Conneries !

Je préférerais m'adonner à ce sport plutôt que de m'enfermer dans un cabinet de gestion de finances comme elle s'imagine à me voir dans l'avenir. L'océan me manquerait trop, j'ai besoin de ce souffle de vie pour ne pas sombrer dans la folie, et aujourd'hui avec le retour de Marlow, ça devient crucial.

Lorsque je reviens sur la plage et que je récupère mon sac, le soleil pointe haut dans le ciel. Merde, le barbecue ! J'ai complètement oublié.

Je déteste le dimanche. Encore plus, avec ce barbecue, que mes parents organisent pour je cite « conserver le lien social entre nos voisins ». C'est surtout une excuse bidon pour mettre en valeur leur réussite, et montrer la perfection de notre famille. Pas si parfaite que ça, si vous voulez mon avis.

Je pourrais très bien ne pas m'y rendre, mais vu que je suis déjà sur la sellette vis-à-vis de ma mère, je ne me sens pas d'attaque pour envenimer les choses aujourd'hui. Et puis, au moins, je ne serais pas seul, Ashley sera là. Notre relation fraternelle n'est pas au beau fixe, c'est uniquement de ma faute. Je me suis éloigné de ma sœur il y a de ça des années et j'ai peur qu'il soit trop tard pour rattraper ma bourde. Surtout, je ne souhaite pas l'impliquer dans ma vie chaotique. Elle n'a pas besoin d'être plongée dans mes problèmes, elle a déjà les siens à gérer. Je cours jusqu'à la voiture, fourre vite ma planche dans l'habitacle avant de démarrer en trombe, la combinaison encore autour de la taille. Le trajet normalement court me paraît durer une éternité. J'en profite pour repenser à la veille. Mes parents ont dû faire la gueule que je leur ai fait faux bond pour le dîner, contrairement à ma petite amie qui m'a offert la pipe de l'année en guise de présent. Que demander de plus ? Lorsque je m'en suis vanté auprès de Daryl, il m'a gratifié d'une tape sur l'épaule avec un « veinard » avant de partir draguer les clientes du bar. Je me suis bien éclaté, jusqu'à ce que mon abruti de meilleur pote me ramène ma sœur.
Et Marlow.

Forever Young (histoire terminée)Where stories live. Discover now