BONUS 1 : lettre de Jake (nouvelle version)

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DOSSIER PAIGE DEATON : LETTRE DE TÉMOIGNAGE RÉDIGÉE PAR LA VICTIME ET ENREGISTRÉE LE 10 SEPTEMBRE 2022.

Bonjour,

Je m'appelle Jake Hill et voici le récit d'un enfant détruit.

Mes parents sont morts. Je n'avais que deux ans, je n'ai aucun souvenir d'eux, mais ma sœur, alors âgée de 8 ans, m'a raconté quelques anecdotes pour me permettre de ressentir cette appartenance familiale jusqu'alors inconnue. Elle me disait souvent que maman était tellement dans les nuages qui lui arrivait d'être maladroite, mais papa était toujours là pour la rattraper. Que parfois, nous pique-niquions dans le jardin, pour admirer le ciel étoilé. Ma sœur a pu se raccrocher à leurs essences, moi je n'avais rien.

Quand les services sociaux nous ont emmenés dans cet orphelinat, j'avais peur. Ma sœur tentait de me rassurer, mais je ne voulais pas être ici. La directrice m'effrayait et les enfants étaient cruels avec moi. Dans l'aire de jeu, devant l'orphelinat, il y avait des balançoires, souvent occupées par le même groupe. Mais moi, j'aimais bien les balançoires, je rêvais de grimper dessus. Alors un jour, j'ai pris mon courage à deux mains et j'ai demandé au groupe de me laisser essayer. On m'a ri au nez, puis l'un d'eux m'a poussé, me faisant tomber dans une flaque à proximité. C'est à ce moment que je l'ai vu. Marlow. Elle s'est précipitée sur moi, m'a aidé à me relever avant de s'attaquer au responsable de ma chute. « Eh, le crétin ! Attaque-toi plutôt à quelqu'un de ta taille », une phrase suivit d'un coup de poing sur la mâchoire du dit crétin. Elle s'est retournée vers moi « ne te laisse jamais commander par un autre que toi-même, tu es un être libre, Jake ». Et j'ai réalisé que cette fille était ma super-héroïne. Une sauveuse des orphelins. À partir de ce moment, je n'ai plus voulu la quitter.

Quelques années plus tard, deux adultes à la recherche du bonheur sont venus nous chercher. Nous séparant de Marlow. Je ne voulais pas m'éloigner d'elle. Mon nouveau « papa » a donc accepté de laisser venir Marlow quand elle le souhaitait à la maison. Nous avons grandi ensemble, tous les trois. Le trio infernal contre le monde entier. Ensuite, à 10 ans, j'ai compris que j'étais amoureux. Mais Marlow était inaccessible. Et son départ m'a plongé dans une tourmente infinie. Ma mère me reprochait de l'aimer, trouvant ça anormal. Elle me poussait à étudier, encore et encore, ne me laissant que peu de temps libre. « Tu pourrais être le prochain président de ce pays, mon fils ». Alors pendant que ma sœur était oubliée par nos parents, j'étais celui sous la lumière, mais j'étouffais. Je n'arrivais plus à trouver quoi faire pour rompre ce cercle vicieux. Je me noyais.

J'ai connu Paige Deaton lors d'un repas. L'amie de ma mère. À partir de ce moment, elle s'est mise à venir plus souvent à la maison pour prendre le thé avec ma mère. Un jour, au détour du couloir, elle m'a avoué qu'elle me trouvait beau, en me caressant le bras. À mes 15 ans, quelqu'un me remarquait enfin pour autre chose que mes bonnes notes. Avec le recul, je pense qu'elle s'est servie de ça pour obtenir de moi tout ce qu'elle voulait. Notamment le sexe. Ce jour-là, dans le couloir, elle m'a embrassée. Et j'ai aimé ça. Beaucoup trop.

Et ce fut la descente aux enfers, pendant deux longues années. Plus je laissais Paige s'insinuer en moi, plus je sombrais. J'ai coupé le lien avec ma sœur, je ne parlais plus à mes parents. J'avais l'impression que seule Paige me comprenait. J'étais englué dans la boue, entraîné par l'amie de ma mère. Je me souviens encore des soirées privées chez elle où trônait l'alcool et la drogue. Au début, je ne voulais pas y toucher mais Paige me certifiait que cela me rendrait plus placide, et j'en avais terriblement besoin vu la pression que ma mère exerçait sur moi. J'ai goûté à la cocaïne quelques fois, parfois mélangé à de la vodka. Dans ces moments, mon esprit était ailleurs, perdu dans un flou total, laissant mon corps agir à sa guise. Je sais que Paige se servait de ça pour me manipuler. Ses soirées se finissaient souvent en orgie, d'autres jeunes, des couples mariés, des danseurs obligés de se toucher. J'ai moi-même participé à des plans à plusieurs, mais je me rappelle aussi des attouchements non consentis... Paige était insatiable, je ne voulais pas et pourtant elle arrivait à obtenir de moi tout ce qu'elle voulait.

Un an avant mes 18 ans, j'ai eu un déclic. Je ne me reconnaissais plus, Jake avait disparu au profit d'un pantin. Finalement, j'ai pris conscience que Paige n'était pas mieux que mes parents. Ils se servaient tous de moi pour leurs intérêts personnels. Je n'étais qu'un objet. Mais on ne quitte pas une personne comme Paige aussi facilement. Elle menaçait ma sœur. De détruire son avenir, sa passion, sa librairie. Elle a su déceler l'importance qu'Ashley avait dans ma vie. Malgré le manque de contact, je ne voulais pas exposer ma sœur à cette garce manipulatrice. Alors j'ai accepté ses conditions : sortir avec sa nièce, Vanessa, du même âge que moi. En contrepartie, elle ne me touchait plus. Et c'était un soulagement, car je ne ressentais rien pour elle à part du dégoût. Pendant un an, j'ai pu me sentir un peu « normal » avec Vanessa. Elle n'était pas mon idéal, mais elle ignorait les manigances de sa tante et je savais que ses sentiments envers moi étaient authentiques. Pardonne-moi Vanessa, je t'ai fait souffrir, je ne le voulais pas, mais tu étais mon pansement sur la plaie. Une utilité relative qui n'arrête pas le saignement, mais le freine un peu.

Tout a changé lorsque Marlow est revenue. J'étais en colère, mais je respirais à nouveau. Mon héroïne était de retour. Et tout s'est précipité. Les mensonges, les cachotteries. Jusqu'à aujourd'hui.

Et c'est pourquoi j'écris cette lettre. Je suis Jake Hill et j'ai été violé par Paige Deaton, une prédatrice sexuelle. J'en ai pris conscience bien trop tard, mais je ne veux pas qu'un pauvre garçon innocent devienne sa victime à son tour. J'aurais dû venir bien plus tôt et ce, malgré ma peur. Une peur irrationnelle de mettre des mots sur ce que j'ai subi depuis l'âge de 15 ans.

Je n'en veux pas totalement à ma mère. D'une certaine façon, elle aussi est une victime des machinations de Paige. Elle l'a manipulé pour atteindre son objectif, moi. Ma mère est bien des choses, mais ce n'est pas une femme dangereuse. Son chagrin fut provoqué par l'infidélité de son mari, par l'incapacité de pouvoir procréer, par la pression sociale. Elle s'est perdue, mais ce n'est pas une mauvaise mère.

Voilà, je crois que j'ai tout dit.

Jake Hill.



Forever Young (histoire terminée)Opowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz