Chapitre 11 (nouvelle version)

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JAKE

Dans moins d'une heure, ma sœur va prendre la parole devant toute une assemblée de vieux riches qui prônent l'humanitaire alors qu'ils n'ont jamais foutu les pieds dans un pays émergent. L'humanité est hypocrite. Et j'en fais partie moi aussi, je participe à cette mascarade.

J'espère qu'au moins le trajet en voiture va m'aider à remettre mes idées en place. Parce que l'irruption de Marlow dans ma chambre a bien foutu le bordel.

Je la revois, à l'embrasure de la pièce. Une apparition, un fantasme. Vêtue de cette indécente robe vert émeraude à bretelles fines. La tenue finissant sur un voilage sexy dévoilant ses genoux. Je repense à cette superbe paire de jambes que j'ai lorgnée bien trop longtemps pour ne rien imaginer de ce qu'elles me promettent. Je déglutis, soudain à l'étroit dans mon pantalon.

Je ne veux pas d'elle à proximité de moi, surtout pas dans cette tenue. Elle me perturbe beaucoup trop.

Je tourne le regard vers la vitre, essayant de penser à autre chose qu'à cette tentatrice, mais mon cerveau continue de se remémorer la scène.

Elle a mis des talons. C'est bien la première fois que je la vois avec ça aux pieds. Cela ne change rien à sa taille minuscule, néanmoins ces chaussures lui confèrent une allure dévastatrice. La chaleur étouffante que j'ai ressentie en la matant, c'était renversant. J'ai eu l'impression d'avoir couru un marathon tellement mon corps était enflammé. Pendant qu'elle était occupée à nouer ce nœud maudit, j'ai préféré clore les paupières pour ne pas craquer, comme si ce geste pouvait effacer ce qu'il y avait devant moi ; une idée pathétique et inefficace, car même sans l'apercevoir, je respirais son parfum, j'imaginais le velouté de sa peau. Et ses lèvres... J'en avais tellement envie, putain...

Heureusement que ma sœur a débarqué comme une folle, stoppant ce moment bien trop lourd de sens. Même si sa jovialité me tape sur les nerfs, elle m'a sauvé la mise sans le savoir. Qui sait ce qu'il se serait passé elle n'était pas arrivée ?

J'aurais fauté. Alors que j'ai une petite-amie.

Subitement, je repense à ma dispute avec Vanessa. Elle me reproche de ne pas être présent en ce moment, de ne plus m'occuper d'elle. Que répondre à cela ? Depuis le retour de Marlow, ma vie part en couilles. Mes pensées sont gangrenées par sa présence, mon corps est obnubilé par le sien et ce malgré la haine que je lui voue. Rien ne va plus dans mon esprit.

Et sa jambe qui frôle la mienne par inadvertance ne m'aide pas à garder ma psyché sur le bon chemin. À chaque virage que mon père prend un peu abruptement, Marlow se penche vers moi par accident, et le contact est bien trop agréable. Je crispe les poings, soudain nerveux. Il manquerait plus que mon érection se réveille devant mes parents et ma sœur.

Le véhicule ralentit, ce qui annonce notre arrivée. Les voituriers nous ouvrent les portières, et nous descendons tous pour rejoindre les escaliers menant à la vaste demeure. Je ferme la marche, ce qui me permet de mettre une distance raisonnable avec mon fantasme et de prendre une bouffée d'oxygène bienfaitrice. Mes yeux ne quittent pourtant jamais Marlow.

Je vais finir en enfer, pensé-je en fixant le déhanché sulfureux de ma némésis.

Lorsque nous pénétrons dans le hall, j'ai soudain la gorge nouée. Je n'aime pas ce lieu, je dirais même que je le déteste. La sensation d'étouffement s'accentue lorsque des souvenirs influent mon esprit.

Les soirées à thèmes, les nuits sombres, sa peau claquant contre la mienne. J'ai passé d'innombrables moments désagréables dans cette demeure. Sur le moment, je n'ai pas saisi le danger dans lequel je me trouvais. Je ne voyais que l'excitation, la découverte, et surtout la liberté. Parfois, après que la drogue et l'alcool se soient évacués de mon organisme, je me sentais sale, comme si chaque acte que j'avais commis était immoral. La sensation était si puissante que je vomissais mon dégoût de soi.

Oh, je sais bien que j'en suis en partie responsable. J'aurais pu refuser les propositions, j'aurais tout simplement pu dire non dès le départ. Sauf que j'étais tellement heureux que mon existence intéresse enfin quelqu'un que je ne suis pas méfié. Au début, ce n'était que des baisers, des attouchements, puis j'ai perdu ma virginité et ensuite tout s'est transformé et a pris un tournant plus obscur.

Je me souviens des rails de coke sur la table du salon, de la musique assourdissante, des rires de ses amies me caressant le torse nu. Je me rappelle encore la sensation de ces mains avides sur ma peau.

Allez, mon petit Jake, juste un strip-tease et ensuite on te laisse tranquille.

Leurs pouffements m'exaspèrent, mais je m'exécute, espérant que ce calvaire prenne fin rapidement. Je me lève, m'efforce de taire la petite voix qui me pousse à fuir, et prends place au milieu du salon d'hiver. Quelqu'un monte le son de la musique, je suppose que c'est elle.

Je balance mon bassin dans un déhanché incertain et leurs cris d'excités me parviennent malgré le tempo assourdissant de la batterie. Étant déjà torse nu, je pose mes mains sur ma ceinture et commence à me déshabiller. Tout en continuant de danser maladroitement, je jette le pantalon plus loin dans la pièce et leur tourne le dos pour essayer de reprendre contenance. L'alcool que j'ai dans le sang ne m'aide pas à garder le fil de mes pensées. Ce cocktail vodka-pomme avait un goût différent par rapport à d'habitude, peut-être a-t-elle ajouté un autre ingrédient ?

Je devrais m'enfuir, au lieu de ça, je reste et j'obéis au moindre de ses ordres. Pourquoi ? Qu'est-ce qui m'arrive ?

Ce cul ! Mon Dieu, j'ai envie de le palper !

C'est une de ses amies qui s'esclaffe, la blonde décolorée.

Je suis encore en boxer quand elle vient me rejoindre et pose ses mains sur mon sexe déjà en érection. Même si ma tête ne le souhaite pas, mon corps, lui, ne voit que trois belles femmes en pâmoison devant moi.

Je crois que le petit garçon a besoin d'être soulagé, tu permets ? demande la blonde à son amie. C'est elle qui commande.

Je ne suis qu'un objet dont on dispose à sa guise. Je devrais me rebeller, mais je suis trop engagé, trop perdu pour comprendre réellement les enjeux de cette histoire.

Vas-y.

Mon boxer disparaît et une bouche se pose sur mon entrejambe. J'essaye de résister au plaisir, mais la langue experte me fait tout oublier.

Je gémis, impuissant face à mon traître de corps d'adolescent. Mon esprit s'échappe et assiste à la scène à distance, comme s'il ne pouvait pas supporter l'instant.

À l'époque, j'étais sous influence et je me sentais excité d'avoir autant d'attention. Toutefois, la culpabilité s'immisçait en moi, je m'en voulais d'apprécier ce genre d'attention. Mais cette nuit-là, j'ai senti quelque chose se briser, tel un bateau s'échouant sur des rochers en pleine tempête. J'étais en train de couler,

J'avais 16 ans, et c'était la première fois qu'elle ramenait ses copines. J'étais l'attraction de la soirée, un objet de collection que l'on expose. Je n'ai plus vraiment de souvenir précis après le striptease et la fellation. Je me souviens juste que le verre qu'elle m'avait préparé avait un goût âcre. J'ai appris plus tard qu'elle m'avait drogué, prétextant que je devais « me détendre ». Lorsqu'elle m'a avoué son acte, je me suis mis en colère, j'étais effrayé par le pouvoir que cette femme possédait sur moi. Pourtant, je continuais de la voir, parce qu'elle avait réussi à me manipuler par de belles paroles, elle ne savait que trop bien mes faiblesses. Alors, cette fois-là – et bien d'autres ensuite –, j'ai accepté sa drogue comme un bon petit chien devant un os.

Pire, cette substance était devenue mon échappatoire. Elle me permettait de lâcher prise et d'oublier l'horreur que je vivais. J'avais besoin de ma dose pour ne plus ressentir tout ce mal-être qui pétrissait mes entrailles. Je me répugne d'avoir été aussi stupide. Bordel, comment ai-je pu me laisser exploiter aussi aisément ?

— Bonsoir la famille Hill !

Cette voix. Le cauchemar prend à nouveau vie.

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Forever Young (histoire terminée)Where stories live. Discover now