Forever Young (histoire terminée)

Chapitre 14 (nouvelle version)

JAKE

Elle me tue.

Cette nana aura ma peau, assurément. Quand je l'ai vu perdre l'équilibre devant la porte, mon cœur s'est emballé. Déjà parce que sa maladresse m'exaspère, mais surtout parce qu'elle détient maintenant un de mes secrets les plus inavouables. Oui, j'ai entretenu une relation avec Paige, l'amie de ma mère. Elle était mon côté sombre, mon honteux petit secret. J'étais jeune et inexpérimenté lorsque nous avons entamé cette liaison. Paige me draguait ouvertement alors que j'étais à peine en âge de comprendre ce qu'une femme pouvait bien vouloir à un jeune garçon comme moi. Aveuglé par l'intérêt qu'elle me portait, j'ai sauté à pieds joints dans la merde.

Cette rage qui coulait dans mes veines, elle s'en est servie et m'a appris à la canaliser à travers le sexe. Voilà son ultime apprentissage, aussi salvateur que malsain. La première année de notre relation n'a d'ailleurs été basée que sur le charnel. Mon corps d'ado s'embrassait à la vue de sa peau et son expérience faisant le reste.

Mais ensuite, les choses ont changé.

J'ai essayé de sortir de ce cercle vicieux, mais à chaque fois Paige arrivait à me rattraper. Elle connaissait mes faiblesses, mes doutes, et s'en servait pour asseoir son pouvoir. Lorsque j'étais avec elle, mon esprit, lui, flottait ailleurs, comme si mon cerveau refusait de voir la réalité en face : Paige me contrôlait. Quand je rentrais à la maison, la solitude me pesait si durement que j'ai parfois eu des pensées noires, allant jusqu'à songer au suicide. Je voulais que cette douleur en moi cesse, j'étais incapable de comprendre que mon coeur était en contradiction avec ma tête et cette dualité m'épuisait. Puis j'ai croisé Vanessa au détour d'un couloir. Sa douceur m'a plu, sa beauté aussi, et nous avions presque le même âge : 17 ans. Elle m'apportait le calme et la sérénité dont j'avais désespérément besoin. J'étais déjà profondément attaché à elle lorsque j'ai réalisé qu'elle était la nièce de Paige. Je n'avais pas assez de problèmes comme ça, il a fallu que je craque pour la fille inaccessible.

Est-ce que j'étais aliéné de vouloir sortir avec elle alors que je couchais avec sa tante et ses innombrables amies ? Oui, probablement.

Pourtant, j'y ai vu une échappatoire, une façon de me rebeller face aux machinations malsaines de Paige. Et comme tout prédateur se sentant menacé, elle a flairé le danger et décidé de changer de tactique.

Elle m'a proposé un marché : elle ne me toucherait plus si je sortais avec Vanessa, en contrepartie, elle annonçait à ma mère ma relation avec sa nièce. Pour elle, j'étais un bon parti pour une alliance entre les familles. J'imagine aussi que de cette façon, elle pouvait continuer à me surveiller, et peut-être aussi me récupérer en tant qu'amant.

Sauf qu'à mesure que je me distanciais d'elle, je m'éloignais aussi de son emprise découvrant ma véritable personnalité. Plus jamais je ne retomberai dans ses sales pattes.

Ma petite amie n'est au courant de rien, je m'en suis assuré. De toute façon, Paige préfère largement garder pour elle qu'elle partageait bien plus avec sa nièce qu'une paire d'escarpins ou une robe Givenchy. Conserver le secret lui confère, à ses yeux, une supériorité sur tout le monde.

Je n'avais pas vraiment conscience de l'impact de ma relation avec Paige avant de sortir avec Vanessa, j'imaginais bien que ce que j'avais vécu n'était pas normal, mais je me persuadais que c'était mon choix. Lorsque j'ai pu me détacher de son aura diabolique, j'ai compris que ces années avec elle n'avaient été qu'un supplice permanent ; je me noyais dans l'alcool pour lui échapper, je sniffais jusqu'à me rendre amnésique, ne voulant pas affronter les souvenirs. Aujourd'hui quand je regarde Paige, j'ignore ce qui m'écœure le plus entre son corps abject et son âme putride. Ce soir, elle a dépassé les limites. Notre accord tenait bien la route depuis un an, alors pourquoi changerait-elle d'avis d'un seul coup ? Je soupçonne Paige de voir en Marlow une menace. D'ailleurs, je suis persuadée que c'est elle qui a déclenché l'alarme incendie. Je connais bien son caractère passionné, j'en ai moi-même fait les frais. Si sa nièce avait été là ce soir, elle n'aurait pas tenté ce rapprochement, mais Vanessa est partie passer le week-end chez une amie.