Une lettre à l'amor

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Ase

J'ai cédé. Je viens de l'embrasser, de la goûter, de la posséder... Plus que tout, la culpabilité me broie. Elle mange mon âme, elle l'aspire dans les zones d'ombre de mon esprit. Pourquoi il fallait que cette fille m'obsède ? Aujourd'hui par-dessus tout je la veux. 

J'ai besoin d'elle. 

J'ai besoin de sa présence à en avoir mal. 

J'ai besoin de me noyer dans la profondeur de son regard. 

J'ai besoin de son odeur pour confronter ma douleur. 

J'ai besoin de la haïr pour vivre. 

Mon esprit divague et se brouille alors que mes lèvres ressentent encore la douceur des siennes.

 J'ai surtout besoin de prendre l'air. 

Je sors de la villa qui est en train de m'étouffer. J'arrache cette chemise couverte de son sang. Sang qui est bien trop présent dans sa vie à cause de moi. Mes pas s'accélèrent à en devenir de petites foulées. Je quitte ma maison. L'air frais de l'automne fouette sur mon torse. 

Tu es un monstre. 

Tu n'es pas fautif. 

J'accélère la cadence de mon rythme de course. J'ai besoin d'évacuer ces pensées qui tournent en boucle dans ma tête. Une pression me comprime la poitrine alors que je continue mes enjambées le long de la route principale. L'odeur des sapins est présente dans toute la vallée. 

Asaël pour un ange déchu. 

Ton nom n'a rien avoir avec celui d'un monstre. 

Mon coeur se déchire. Bien sûr que mon prénom est monstrueux. Pourquoi est-ce qu'elle ne peut pas l'accepter comme les autres ? Il est celui d'un sbire de Lucifer. C'était le putain chef des anges tombés du ciel. Cette fille ne peut pas remettre toutes mes perceptions à mal. J'ai les ailes coupées depuis ma naissance. Je suis voué à vivre sans aucune liberté. 

Je suis le mal. 

Et elle la lumière. 

Nous ne sommes que des contraires destinés à une chute sans fin. Elle la victime, moi le meurtrier. Comment j'ai pu l'embrasser putain ? Je suis censé la tuer. Mes articulations chauffent alors que je force sur elles. 

Il faut que j'ai mal. 

Je dois souffrir autant que ceux que j'ai fait mourir. 

Je prends un petit chemin dans la forêt. Les racines rendent ma course plus ardue. J'ai envie de hurler, de frapper. Surtout de m'enfoncer un putain de couteau dans ce stupide coeur qui palpite à chaque fois que je la vois. 

Un tueur. 

Je suis un tueur. 

Je mérite que la mort m'épouse. Je sprinte à travers les pins. La nuit est la seule témoin de mon trouble. Si je pouvais seulement revenir en arrière. Mais son père était aussi son tortionnaire alors si je l'avais laissé en vie peut-être que ça aurait été bien pire. Qui sait le mal qu'il aurait pu lui faire. 

BOUM.

Un éclair fend le ciel. Il se lie aux étoiles comme je me suis lié à toi. Mon rythme s'accélère alors que je longe une falaise. J'aimerais tellement me laisser tomber. Je ne laisserai derrière moi que l'ombre de mes meurtres contrits. Mon coeur s'essouffle, il pompe mon sang bien plus vite en quête d'oxygène. 

Une goutte d'eau froide s'écrase sur ma peau pleine de sueur. Je saute pour éviter une pierre. La pluie aussi a donc décidé de se joindre à mon désarroi. L'univers entier se moque du ridicule de ma situation. La chaîne de montagne de Boston s'étend devant moi. 

SHADE OFFWhere stories live. Discover now