Guerre et paix ?

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Ase

Quelque chose de doux et humide caresse ma joue. Les mouvements dans mes draps me sortent doucement de mon sommeil. Je me redresse brusquement à moitié endormie. Mon rottweiler, avec ses yeux noirs pétillants de joie, se tient sur mon lit. Sa truffe humide collée sur ma joue, déposant des baisers affectueux sur mon visage.

- Sirius, sérieusement ? Il est 7h du matin.

En entendant son nom, il se jette sur moi, se secouant dans tous les sens pour exprimer sa félicité de partager ce moment.

- Pour un chien réputé féroce, tu es vraiment adorable, lui dis-je tendrement.

Il incline la tête, tentant de comprendre mes paroles. Ah, pourquoi ai-je adopté un chien déjà ? Les souvenirs m'envahissent. Un après-midi, alors que j'étais dans les vapes à cause d'une soirée bien arrosée, j'ai découvert cette petite boule de poils devant ma porte, qui semblait complètement perdue. Dans ses prunelles j'ai reconnu ce même sentiment d'abandon. 

D'une manière inexplicable, un lien particulier s'est tissé entre lui et moi. Mes doigts parcourent son pelage noir de jais. Sirius a bien grandi, abandonnant toute trace de son ancienne timidité de chiot. Techniquement, il pourrait aisément arracher mon bras de sa mâchoire puissante, mais sa nature en décide autrement. Malgré son passé douloureux avec les humains, il conserve une confiance inébranlable. Pour ma part, je ne peux pas en dire autant. Il me fixe, la langue pendante, et dans cette posture, j'ai l'impression qu'il me sourit.

- Tu es le seul à me gratifier d'un sourire pareil.

En déplaçant les draps, je me redresse et claque des doigts.

- Bon, d'accord, j'ai compris ! Je vais te laisser sortir.

Son aboiement confirme que j'ai visé juste. Je quitte ma chambre, le bruit de ses pattes résonnant derrière moi. Ma chambre, située à l'autre extrémité de la villa, offre une tranquillité à toute épreuve.

C'est quelque chose que mon frère n'a pas compris au début. Pour lui et sa clique, l'entourage constitue une force empêchant tout naufrage. Il y a quelques mois, j'aurais confirmé cette vision... Mais aujourd'hui, la solitude semble être ma seule alliée. Les rayons du soleil inondent la pièce alors que je referme la porte derrière moi. Une nouvelle journée débute.

Une journée où ton absence ne sera pas un manque cette fois, mais ta présence une vraie torture.

Les événements de la veille se rejouent dans ma mémoire. Sans explication, je ne parviens pas à chasser le regard qu'elle m'a lancé en me découvrant sur le point de coucher avec Krista. L'image de ses larmes s'est incrustée de manière indélébile dans mon esprit. Mon cœur ne devrait pas se serrer ainsi. Cela ne devrait pas m'atteindre.

Pourtant les remords sont bel et bien là.

Je me déteste d'être incapable de refréner le besoin de savoir si elle va bien. Sa simple présence ici fait voler toutes mes perceptions en éclats. De colère, je crispe mes poings, espérant qu'elle soit partie hier soir après m'avoir surpris dans les bras d'une autre. Cependant, l'idée même de son départ me donne comme un uppercut à l'estomac.

Putain, Ase, reprends-toi !

Si elle a pris la fuite, c'est une aubaine pour toi. Tu échapperas à la torture de te demander si tu vas flancher. Tout redeviendra comme avant, et je pourrai reprendre mes activités sans avoir à me préoccuper d'elle.

Menteur ! Hurle ma conscience.

Tais-toi.

Je m'avance dans le salon pour laisser sortir Sirius par la baie vitrée. Soudain, mon cœur fait une pause. Une ombre se dessine dans la lumière du jour. La silhouette allongée dans la pièce me remplit d'une rage sourde et d'un sentiment de soulagement, étrangement paradoxal.

SHADE OFFWhere stories live. Discover now