8 - La fuite

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Selene

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Sur le dos du cheval, les jambes serrées pour ne pas tomber, je le laisse galoper à toute vitesse. Je ne me retournerai pas et surtout, je ne ralentirai pas. Je sens mon organe vital n'en faire que des siennes et malmener ma pauvre poitrine, si bien que mon souffle me manque, pourtant, ce n'est pas moi qui court. Je ne suis pas une combattante, je ne sais pas me battre. Mon père m'avait seulement montré quelques techniques pour repousser les pilleurs, alors je sais à peu près manier une arme à feu et viser juste quand il est question de mettre à terre un ennemi ; leurs parties intimes. Ce Gabriel ne l'a pas vu venir et surtout, ne l'a pas manqué.

Je suppose qu'ils n'en resteront pas là, je suppose qu'ils vont me chercher, pour me ramener là-bas. Le bas de la sous-robe que je porte est déjà noirci par mon trajet et à moitié déchiré pour me laisser plus libre de mes mouvements. Mes mains, mes bras et même mes pieds sont égratignés par le rosier et mes cheveux sont emmêlés, encore humides.

Je sais où je dois me rendre : chez moi, pour m'assurer que mon père va bien et ensuite, je ferai porter une missive au roi. Si cela ne fonctionne pas, alors je lui rendrai visite. Je suis la seule ici à m'inquiéter de l'avenir d'Atya et cela me révolte.

J'ai pris de l'avance en partant aussi vite, et j'espère ne pas être rattrapée. Je ne m'arrêterai que lorsque le cheval sera trop épuisé pour continuer et alors j'avancerai à pieds. Je ne ferai aucune pause, au risque qu'ils me retrouvent. Je n'ai plus le temps. Plus le temps de rien. Comme Atya, qui risque de sombrer à tout moment.

J'avais anticipé sa fatigue, au bout de quelques longues heures, le cheval n'en peut plus. Je ne le forcerai pas plus, alors je descends de son dos et le laisse libre d'aller où il le souhaite. Je lui donne une dernière caresse avant de reprendre ma marche, que je veux rapide, vers ma maison.

Cela prendra beaucoup trop longtemps, je marche le jour, lentement parfois, car mes jambes peinent à suivre et parce que mon estomac est totalement vide. Je marche la nuit, me repérant uniquement par les reflets de la lune, les bras le long du corps, sans aucun souffle pour me donner de la force. La seconde nuit, je finie contre un arbre à dormir quelques minutes. Je suis trop épuisée, j'en demande trop à mon corps. Je dors alors un petit peu, d'un sommeil très léger car les moindres bruits de la forêt me réveillent. Puis le jour suivant, je marche à nouveau, en gardant le rythme. J'ai trouvé des baies sur la route, je les ai toutes mangés. Je sais reconnaître les baies empoisonnées et celles qui sont comestibles. Cela m'a requinquée pour quelques heures, je ne compte pas les gâcher.

Puis le moment tant attendu arrive, je vois au loin, notre vallée alors que le soleil se couche lentement sur la cité des Non-Mages. Cette fois, je cours pour la dévaler et rejoindre ma ferme. Quelques passants semblent étonnés de me voir arriver, vêtue ainsi et dans un tel état mais je ne prends pas le temps de répondre à leurs questionnements. Je file chez moi. J'ouvre la porte d'entrée rapidement, attrape le fusil au dessus de la cheminée, je le charge avec les balles que nous rangeons dans un tiroir d'une commode dans la salle à manger. Une fois armée, je me dirige vers la chambre de mon père. Il m'aurait déjà appelé s'il m'avait entendu rentrer. J'avance doucement, les lattes du parquet grincent légèrement sous mes pieds.

La porte de sa chambre est entrouverte, je la pousse très légèrement pour ainsi apercevoir la forme de son corps, dans son lit, dans la même position que d'habitude.

— Papa ? appelé-je peu sûre de moi.

J'entre dans la chambre, et je découvre le corps de mon père, inerte, ses yeux fermés. Je pose le fusil à côté de moi et le secoue très légèrement. Je touche son front, prends son pouls... Pas de pouls.

TENEBRIS LUMINA : L'Arbre de Vie [INTÉGRALE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant