27 - Le Soulèvement

586 91 0
                                    

Selene

°°°

Cela fait deux jours que nous marchons, afin de rejoindre la civilisation. Easianor est la plus grande Couronne que regroupe notre pays. Sur nos traces, comme si nous étions suivis, les Ténèbres engloutissent montagnes et vallées sur leur passage. J'ai l'impression qu'avec nous, un virus se propage et que c'est de notre faute si dorénavant, la dernière Couronne encore stable  en devient la proie.

Je traine des pieds, Joris à mes côtés, les autres avancent plus en avant, probablement déterminés par la faim qui leur tiraille le ventre. Mes bras balancent le long de mon corps, je respire par la bouche, les yeux dans le vague. 

— Tu crois que Gabriel a encore une part de lui malgré qu'il soit... 

— Je ne sais pas, soufflé-je avant qu'il ne termine sa phrase. 

Je sens le regard tendre de Joris sur moi mais je n'ai pas la force de tourner la tête vers lui. Parler m'en demande déjà beaucoup trop. 

— Et si c'était ainsi que ça devait se passer ? Et s'il fallait que nos Couronnes soient éprises des ténèbres pour que nous évoluions ? Pour que l'histoire s'écrive. 

— Joris... balbutié-je. Je refuse que le monde que nous connaissons disparaisse. 

— Pourquoi ? Qu'est-ce qui te pousse à vouloir à tout prix changer ça ? 

Sa question est loin d'être anodine, parce que c'est vrai : pourquoi est-ce que je fais cela ? Après tout, qui suis-je pour m'opposer à nos ennemis ? Je ne suis ni reine, ni Mage. Je devrais rester dans mon coin, à ne rien dire et ne rien faire mais, quelque chose en moi s'est éveillé et ne se rendormira plus jamais : la détermination. 

— Notre monde est beau, avec sa lumière. Laisser mourir des centaines de milliers d'innocents me paraît impensable. Je ne dis pas que j'y parviendrai mais... si j'ai la faible possibilité d'aider, pourquoi est-ce que je ne le ferai pas ? Tu sais... j'ai vécu toute ma vie à la ferme, à devoir m'occuper de mon père mais moi, j'ai toujours rêvé de pouvoir voyager, aider et me sentir bien plus utile qu'une simple Non-Mage. C'est l'occasion... et puis, on m'a appris à ne jamais baisser les bras, je voudrais m'endormir, un soir et me dire : je l'ai fait. 

Je souris légèrement, tout en fixant ma trajectoire. 

— Maintenant que je suis lancée, je ne compte pas m'arrêter et même si j'échoue, je sais que je me serai battue pour réparer ce qui a été cassé il y a trois cents ans. 

Joris hoche la tête et humecte ses lèvres. 

— Je t'admire pour ça, Selene. 

Il passe son bras autour de moi pour me rapprocher de lui, ce qui élargit mon sourire. Je passe mon bras autour de sa taille et nous avançons ainsi, jusqu'à enfin apercevoir le clocher d'une église, nous ramenant à la civilisation. 

— Qu'allons-nous dire une fois là-bas ? demande Hoestrid. 

— Laissez-moi parler, je suis le roi d'Eyos, grommelle Cristoff. 

En plusieurs longues minutes, nous atteignons enfin le village et à peine avançons-nous dans les rues que les regards se braquent sur nous et nos habits salis par la crasse, déchirées par nos luttes, nos mines épuisées sont tout aussi perturbantes. 

Les rues sont couvertes de pavés, les maisons toutes jumelées les unes aux autres nous offrent une ruelle abritée du soleil, là où les villageois entretiennent de jolies fleurs qui colorent l'endroit et lui donnent vie. C'est propre, comparé à nos villages chez les Non-Mages. La plupart des personnes que nous croisons qui restent à leurs fenêtres ou leurs portes, arborent de beaux yeux verts, flamboyants et de la végétation dans les cheveux en guise de bijoux, les enfants restent cachés dans les jupons de leur mère et les hommes plus en avant, afin de protéger leurs familles. 

TENEBRIS LUMINA : L'Arbre de Vie [INTÉGRALE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant