14 - Rivalités

645 100 55
                                    

Gabriel

°°° 

Un souper, à plusieurs. J'avais pour habitude de manger avec mon escouade c'est vrai même si j'arrivais toujours en retard et que je préférais me trouver une jolie demoiselle magique avec qui passer la nuit. Ce soir, je n'ai pas envie de manger avec tout ce monde. J'aimerais être seul et me reposer dans un lit. C'est rare, car chaque nuit, j'avais ce besoin de dormir auprès d'une femme, d'oublier mes tourments en lui donnant tout le plaisir que je pouvais, cela me permettait d'oublier qui j'étais et de me sentir important, fort, fier et indispensable pour quelqu'un. 

A cette table se trouvent Dorius, Aïda, Joris, Selene, Artus ainsi que le roi Cristoff. Je laisse tomber la purée de ma fourchette que je retourne, tout en observant mon plat et ignorant le foutu regard insistant de ce bougre de prince. Un bouffon joue du violon non loin de là, soi-disant pour attiser la pièce d'une ambiance rassurante et familiale selon le roi. Cependant, je ne suis pas venu ici pour retrouver une famille. 

— Nous aurons au moins une ou deux nuits de sereines en ces lieux avant que les Mages ne débarquent pour nous faire la guerre, commence le roi. Je ne resterai pas sans rien faire, je comprends, peu à peu, quel était le combat de nos ancêtres à Eyos. Les Mages et les Elfes ne sont pas faits pour s'entendre et je défendrai Eyos, comme un roi est censé le faire. Néanmoins, je suis satisfait d'avoir sauver quelques uns d'entre vous, si cela permet à mon Royaume de ne pas sombrer dans les ténèbres qui, je le sais, s'avancent dangereusement vers nos terres.  Je lève donc mon verre à Eyos, à ce que fut Atya jadis malgré toutes les tensions qu'il en a résulter et au futur, à notre futur. 

Le roi lève son verre de vin déjà bien entamé, les convives font de même, sauf moi. Je bois mon verre d'un trait, sous l'œil absurde du prince. 

— Père, ce bougre devrait être enfermé dans un cachot. 

— Fais-moi enfermer, prince, je t'en prie, grommelé-je. 

— Avec joie, voyons si tu sauras éviter mes flèches redoutables. 

— Tu sais ce que j'en fais des archers dans ton genre ? 

Je tourne la tête vers lui, plonge mon regard dans le sien. 

— Non, dis-moi grand Criminel terrifiant... rétorque le prince avec sarcasme. 

Je serre ma fourchette dans ma main qui tremble de plus en plus, avec ces veines noires qui ne peuvent même plus être camouflables tant elles sont proéminentes. 

— Je les casse en deux, grogné-je entre mes dents. 

La fourchette se brise sous mes doigts, alors je la lâche tandis que le prince ne me lâche pas du regard et que tous les autres sont braqués sur moi. Je pose ma serviette, retrousse mes lèvres. 

— Veuillez m'excuser, je n'ai pas faim. 

Je me lève, les pieds de ma chaise ripent sur le parquet et le violon s'arrête. 

— Gabriel, tente le roi, n'oubliez pas votre serment à mon égard. 

— Quel serment, votre Majesté ? Celui que vous espérez que je prononce ? Mais enfin... ce que vous voulez de moi n'arrivera jamais. Je ne suis pas Emilius de Bellever et cela ne changera pas. Je peux tuer tous les hommes que vous le souhaitez et j'ai grande hâte que vous me le demandiez, cependant, je ne serai pas votre sauveur. Je n'ai prononcé aucun serment, alors si je souhaite quitter cette table, je le fais. 

Je croise une fraction de seconde le regard de Selene qui ne prononce pas un mot. Elle affiche un visage pâle et cela se comprend vu ce qu'elle vient de vivre par ma faute. Je quitte la pièce, les gardes me laissent passer sous ordre du roi et je peux enfin déambuler dans la forteresse, sans avoir à supporter ce maudit prince et ses provocations puériles. 

TENEBRIS LUMINA : L'Arbre de Vie [INTÉGRALE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant