13 - Visions

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Selene

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Je ne sais plus si je rêve ou si je vis, je ne sais plus si je me trouve toujours entre les bras rassurants de Gabriel ou si je suis partie, ailleurs, quelque part. J'ai vu beaucoup de choses, des bribes, des souvenirs qui n'étaient pas les miens mais il est difficile de mettre des mots dessus et de comprendre quel en est le message à tirer.

Cette fois, je suis perdue sur une haute colline, là où la brume blanche persiste au sol. Le vent me paraît froid, mais je ne le ressens pas. Je n'ai ni chaud ni froid, je ne sens aucune odeur, rien de tout cela. J'avance sur l'herbe semblant humide vers un individu posté au bord de la falaise, à observer l'horizon et la terre qui se profile au loin, à l'autre bout de l'océan. J'entends les vagues qui se déchainent en bas, qui s'échouent violemment contre la roche et cet homme reste accroupi au bord du précipice, là où il pourrait y laisser la vie. Si ce n'est pas déjà le cas. 

J'avance prudemment car même si je ne ressens rien, je suis sûre d'une chose, l'ambiance ici est inquiétante, pesante. 

— N'approchez pas, ordonne-t-il toujours dos à moi. 

Il porte un long manteau sombre qui virevolte au rythme du vent avec ses cheveux de jais emmêlés à cause du temps. Il est équipé d'une épée rangée dans son fourreau à ses hanches. Je m'arrête, par respect. 

— Je savais que ce moment viendrait, tôt ou tard, reprend-il. 

Je le vois qui tourne la tête, laissant définir son profil harmonieux.

— Celui où quelqu'un me trouverait, dans ma prison éternelle. 

Il me paraît morose, monotone, triste et en souffrance. Je ressens cette souffrance, c'est bien la seule chose que je ressens ici. 

— Emilius ? soufflé-je. 

Il se concentre de nouveau sur l'horizon, sans me laisser voir son visage. 

— Que voulez-vous ? 

— Mon ami a touché l'Arbre de Vie...

— Ne prononcez pas ce mot absurde. Savez-vous réellement ce qu'est un Arbre de Vie ?

— Non...

— Alors ne prononcez pas ce mot. Il n'existe aucun Arbre de Vie, comptez les branches de votre stupide arbre et vous comprendrez que s'il comporte plus ou moins de neufs branches, c'est que c'est simplement un arbre. Vous nommez les choses comme bon vous semble, sans en connaître l'origine et l'utilité. Cet Arbre n'était rien d'autre qu'une tombe. 

Il se tait un instant, je demeure immobile, silencieuse, à écouter les vagues brutales et le vent sifflant. Le ciel est nuageux, sombre, comme si une tempête approchait. 

— Je regarde, éternellement, l'horizon et mon Royaume au loin, sans la possibilité de l'atteindre. J'aimerais rentrer chez moi. 

Après avoir dit cela, alors qu'il s'est relevé, il écarte les bras et se laisse tomber en avant. J'écarquille les yeux me précipite au bord du précipice mais la brume m'empêche de voir l'océan en contrebas. 

— Mais je ne rentrerai jamais chez moi, me murmure-t-on à l'oreille. 

Je me retourne brusquement, je fais alors face à Emilius qui me regarde de ses yeux glaçant. Son visage est encadré par ses cheveux de jais, ses oreilles en pointe l'adoucissent et sa beauté ne peut être niée. Les Elfes ont toujours eu cette beauté naturelle, cette peau sans imperfections. La seule différence avec Emilius, c'est qu'une aura aussi sombre que les ténèbres s'échappe de chacun des pores de sa peau. 

TENEBRIS LUMINA : L'Arbre de Vie [INTÉGRALE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant