2 - Captive

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Selene

°°° 

Je suis recroquevillée sur moi-même, je grelotte, sans parvenir à me réchauffer. J'ai faim, j'ai froid et je suis épuisée. Mes avants-bras sont tout écorchés, douloureux à cause de la crise de nerfs que j'ai passé sur la porte. J'ai tout tenté pour m'enfuir, j'étais prête à sauter dans l'océan pour échapper à leurs griffes et je me retrouve tout de même ici. 

La larme qui roule sur ma joue est rapidement essuyée par ma main quand soudain, la porte grince sur ses gonds. Le son me paraît décuplé dans cette pièce. Je me lève aussitôt pour faire face à Aowyn, tout de noir vêtu, accompagné par deux gardes. 

— Te voilà calmée, souffle-t-il. 

— Je vous en conjure, laissez-moi partir... 

Je n'ai plus la force de me battre. Il s'approche de moi, passe une mèche de mes cheveux derrière mon oreille puis penche la tête tout en me détaillant. 

— Allons, ne sois pas triste. Tu es en sécurité, ici. Loin d'Atya et de tous ses troubles. 

Je suppose que je suis à Eyos et il n'est pas étonnant qu'Aowyn ait sa place dans ce Royaume. Sa main glisse derrière ma tête, comme s'il caressait mes cheveux mais je sens qu'elle devient de plus en plus lourde, comme mes paupières que je ferme lentement, trop lentement

— Repose-toi, Non-Mage, me murmure-t-il avant que je ne m'effondre contre lui. 


Je rêve, encore et encore. Je vois mon père, mais cette fois, on ne dirait pas un souvenir. On dirait un simple instant, passé avec lui, pendant que je somnole. Il se tient là, sur le porche de notre ferme, face aux champs avec cette brise tant appréciée de la Vallée des Non-Mages. Je m'assois à côté de lui, sur la balancelle et je laisse aller mes jambes à son rythme. Ce moment me rappelle les soirs d'été, quand nous regardions en silence le couché du soleil. 

Dis-moi que ce n'est pas simplement un rêve, soufflé-je en fixant le champ orangé par les lueurs du crépuscule. 

Mon père, sur cette balancelle, a l'air bien moins malade que dans mes souvenirs. Je ne l'avais pas vu en si bonne santé depuis très longtemps. 

— Ce n'est pas simplement un rêve, dit-il. 

Je tourne la tête vers lui, il me sourit. Je sais qu'il est sarcastique. Pourquoi je rêve de lui, alors que cet instant ne fait pas partie de mes souvenirs ? Comment peut-il me parler ? 

— Qu'est-ce qu'il m'arrive...

Je vois des choses, je ressens des choses et jamais encore cela ne m'était arrivé si fort. C'est troublant, terrifiant, perturbant. J'ai l'impression de devenir folle. 

Tu grandis, Selene. Tu mûris et tu vis. 

—  Dis-moi que tu n'es pas mort, dis-moi que ce n'était pas toi sur ce lit, je t'en prie... 

— Je ne peux pas. 

— Alors qui t'as fait ça ? Qui t'as tué ? 

— Je ne sais pas. 

— Pourquoi je te vois si tu es mort ? 

— Parce qu'il arrive que l'esprit s'ouvre à de nouvelles perspectives. 


Je fronce les sourcils mais lorsque je souhaite répondre, je sens qu'on me secoue légèrement, comme si on me touchait. Je ressens tout dans ce rêve. J'aimerais que ça ne s'arrête pas, car la voix de mon père me semble si douce et sereine, si réconfortante et familière. 

TENEBRIS LUMINA : L'Arbre de Vie [INTÉGRALE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant