TENEBRIS LUMINA : L'Arbre de Vie [INTÉGRALE]

22 - Manipulations

Selene

•••

Je frotte mes mains sur ma robe tâchée de poussières et de saletés. En tombant lorsqu'on m'a jetée dans la cellule, je l'ai abîmée. J'aimerais l'arracher et la jeter au visage de la reine. Je suis furieuse qu'on ne m'ait pas écouté, qu'on n'ait pas daigné me laisser finir. Je ne comprends pas leur réaction excessive. Néanmoins, je crois que dans mon malheur, j'y ai trouvé de la chance, puisque Gabriel semble s'être fait un allié sans même le savoir.

Je le regarde reculer de quelques pas après que l'Érudit l'ait informé que le roi arrivait. Je croise mes mains dans mon dos, puis mes pensées divaguent. Je ne sais pas pourquoi j'ai agi comme cela avec lui. Je ne sais pas ce que j'ai cherché à faire en lui tenant les mains. Le rendre plus humain ? C'est impossible, sa marque est indélébile et son âme a été endormie. La seule personne capable de lui redonner ses émotions, c'est le Mage qui lui a infligé ce blocage : Baralf le Brutal. Mon petit doigt me dit que cela n'arrivera jamais et puis ça m'étonnerait que Gabriel le veuille de toute manière.

Il m'a lâché la main brusquement, sans que je ne m'y attende. Je l'ai senti gêné. Peut-être y a-t-il des failles dans cette carapace indestructible.

Lorsqu'il tourne la tête vers moi, je détourne aussitôt mon regard tout en mordillant mes lèvres et m'arrachant des peaux mortes. Bon sang, pourquoi je le fixe comme ça...?

Le verrou retentit puis la porte s'ouvre sur sa Majesté le roi Grigor qui nous fait honneur de sa présence. Il porte une longue cape sur ses épaules, probablement pour protéger son accoutrement couteux et enrobé de parures toutes plus brillantes les unes que les autres. Ses mains habillées de bagues sont croisées devant son bassin et deux gardes se tiennent de part et d'autre de sa personne. L'Érudit reste à sa place de garde tortueux des cachots.

— Je rends toujours visite à mes prisonniers avant d'entamer un jugement. C'est toute une organisation, vous savez, commence-t-il.

Gabriel et moi restons silencieux.

— Gabriel Arellano, vous comprenez que je ne pourrai vous relâcher et que votre jugement risque d'être dur mais juste.

— Je le comprends, rétorque Gabriel calmement. Cependant, je pourrais vous être utile, votre Majesté.

Le roi penche la tête sur le côté, l'air inquisiteur. Je vois, par la porte encore ouverte, l'Érudit les bras croisés et la main légèrement levée en direction du roi et de ses sbires. Il mime l'indifférence, mais je sais qu'il est en train d'agir sur notre souverain.

— M'être utile pour quoi ?

— Sauver le Royaume d'Atya.

La façon dont le dit Gabriel ne semble pas convaincante. Je crois qu'il dit ça, sans vraiment le penser et je peux le comprendre. Son but à lui n'a jamais été d'aider les gens mais l'inverse.