6 - La fouine

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Selene

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Ce doit faire déjà trois jours que je fais partie du personnel d'Aowyn. Je récure les pots de chambre, je lave les sols, fais la vaisselle, m'occupe même du crottin de cheval. Je hais cette vie. J'aimais mes tâches à la ferme, car je les faisais pour moi, pour mon père, pour notre maison. Mais jouer les domestiques pour un homme tel qu'Aowyn me répugne. 

Je reste le plus clair de mon temps avec Joris, qui se trouve être un compagnon parfait. Sans lui, je crois que je serais déjà devenue folle. Il m'a vaguement parlé des lettres qu'il échangeait avec son ou sa correspondant(e). 

Il l'aimait. Il m'a affirmé qu'il avait commencé à éprouver des sentiments pour cette personne, sans jamais l'avoir vue. Tous ces sentiments sont nés au fur et à mesure, car dans leurs lettres qui parfois pouvaient compter plusieurs pages, ils partageaient leurs passions, leurs craintes, leurs secrets. Il y avait un véritable échange, mais malheureusement, Joris n'a jamais pu rencontrer cette personne. Il m'a aussi affirmé que ce soit un homme ou une femme, cela lui était égal, ce qui l'avait charmé, c'était cette écriture, cette personnalité facilement perceptible rien que par ses écrits. J'ai trouvé son histoire touchante et espère qu'il parviendra un jour à le ou la rencontrer. 


Alors que je transporte un seau rempli d'eau croupie dans les longs couloirs du manoir d'Aowyn, j'entends de drôles de bruits en provenance d'une pièce voisine. Je ralentis le pas, plisse les paupières puis m'approche de la source du bruit. Je crois que ce sont des plaintes, mais je n'en suis pas certaine. Je m'approche de la porte entrebâillées. 

Lorsque je me penche légèrement en avant, je reconnais la carrure d'Aowyn, complètement nu, assis sur une chaise, dos à la porte. Sur lui se tient Camélia, nue, accrochée à son cou, elle ne cesse de lui sauter dessus tout en poussant des gémissements que j'ai pris pour des plaintes. A en voir ses joues empourprées, elle ne semble pas souffrir, au contraire. Lorsqu'elle ouvre les yeux, elle me regarde tout en mordillant l'oreille d'Aowyn, elle me fixe et m'adresse un fourbe sourire. 

Je recule d'un pas, fais volte-face et quitte le couloir le plus rapidement possible en essayant d'effacer cette image de ma tête. 

Arrivée dehors, je pose le seau sur le sol, me colle contre le mur puis passe ma main sur mon visage. 

— Eh bien, pourquoi tu fais cette tête ?

Je sursaute quand Joris pose sa main sur mon bras. 

— Tout va bien, Selene ? m'interroge-t-il. 

— Cette Camélia est vraiment... vaiment... insupportable... 

Joris fronce les sourcils. 

— Elle t'as encore dit quelque chose ? 

— Non ! Mais je l'ai vu, avec Aowyn et ils... ils... ils prenaient du bon temps ensemble. Brrr... ça me répugne, il a deux fois son âge ! 

— Oh, je vois... tu sais, c'est humain. 

Je croise les bras tout en lui jetant mon plus mauvais regard. Pour moi, ce qu'elle fait est ignoble. Cet homme l'a faite kidnappée et l'a achetée, mais elle, elle préfère se dandiner sur lui plutôt que de chercher le moyen de s'en sortir. 

— Selene, ne me dis pas que tu n'as jamais goûté à ça ! 

— A quoi ? grommelé-je.

— Ca ! Le sexe, enfin ! 

Je hausse les sourcils, ramasse mon seau et décide d'aller le jeter dans la fosse de l'autre côté. Il est hors de question que je repasse dans ce couloir qui pu la luxure. Je traverse les jardins, Joris sur mes talons. 

TENEBRIS LUMINA : L'Arbre de Vie [INTÉGRALE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant